Le financement par une personne à l’étranger de l’acquisition d’un immeuble en Suisse (art. 4 al. 1 let. g LFAIE)

Télécharger en PDF

ATF 142 II 481TF, 04.11.2016, 2C_1093/2015*

Faits 

Une ressortissante suisse est mariée avec un ressortissant anglais. Les époux sont domiciliés à Dubaï. L’épouse souhaite acquérir, à titre de propriété exclusive, un immeuble dans le canton de Fribourg.

L’achat est financé à hauteur de 70 % par le prêt d’une banque, accordé aux deux époux, mais fondé exclusivement sur le revenu du mari. Le financement s’opère pour le reste au moyen de fonds propres, qui sont fournis à hauteur de 24 % par le mari et 6 % par l’épouse.

Les instances cantonales constatent le non-assujettissement de la vente à la LFAIE. L’Office fédéral de la justice forme un recours au Tribunal fédéral (art. 21 al. 2 LFAIE cum art. 20 al. 2 let. b LFAIE). Celui-ci doit déterminer si l’acquisition est assujettie au régime de l’autorisation de la LFAIE, notamment au regard du prêt consenti par la banque, prêt qui est fondé exclusivement sur le revenu du mari. 

Droit

Selon l’art. 2 al. 1 LFAIE, l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger est subordonnée à une autorisation de l’autorité cantonale compétente.

À teneur de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE, il faut assimiler à l’acquisition d’immeubles l’acquisition de droits qui confèrent à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire d’un immeuble. L’art. 1 al. 2 let. b OAIE précise qu’au nombre de ces droits figure en particulier le financement de l’achat d’un immeuble, si le montant des crédits octroyés place l’acquéreur dans un rapport de dépendance particulière à l’égard du créancier.

Selon la jurisprudence, le financement de l’acquisition grâce à un crédit étranger, garanti par gage immobilier, ne tombe en principe pas sous le coup de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE, pour autant que le crédit reste dans une limite usuelle. Cette limite est dépassée lorsque le financement étranger est égal ou supérieur aux 80 % de la valeur vénale de l’immeuble. Dans ce cas, le Tribunal fédéral considère que le créancier se voit octroyer une position similaire à celle d’un propriétaire au sens de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE.

En l’espèce, le mari participe à l’achat à hauteur de 24 % au moyen de fonds propres, ce qui n’est pas suffisant pour établir un cas d’application de l’art. 4 al. 1 let. g LFAIE cum art. 1 al. 2 let. b OAIE. En effet, cette participation ne dépasse pas la limite usuelle des 80 % de la valeur de l’immeuble. Cependant, le Tribunal fédéral souligne que le prêt accordé par la banque est fondé exclusivement sur le revenu du mari. Sans l’aide de son mari, l’épouse n’aurait ainsi pas pu acquérir l’immeuble en question.

Dès lors, le Tribunal fédéral indique qu’il faut prendre en compte le montant du prêt accordé par la banque dans la participation du mari à l’acquisition. Par conséquent, le total des fonds investis par le mari s’élève à 94 % (70 % + 24 %) de l’opération immobilière. Le financement par le mari (étranger) lui confère dès lors une position analogue à celle d’un propriétaire (art. 4 al. 1 let. g LFAIE cum art. 1 al. 2 let. b OAIE), de sorte que l’acquisition de l’immeuble est sujette au régime de l’autorisation de la LFAIE.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le financement par une personne à l’étranger de l’acquisition d’un immeuble en Suisse (art. 4 al. 1 let. g LFAIE), in : https://www.lawinside.ch/353/