Le remplacement d’une peine par une mesure (art. 63b al. 5 CP)

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ATF 143 IV 1 | TF, 28.11.16, 6B_68/2016*

Faits

Un prévenu est condamné pour de multiples infractions contre l’intégrité sexuelle d’enfants à une peine privative de liberté de plus de 3 ans sans sursis et à une mesure ambulatoire. Après une année de traitement, le Service de la justice estime que la mesure ambulatoire est vouée à l’échec. A la place de la mesure ambulatoire, il recommande une mesure institutionnelle (art. 63b al. 5 CP) en sus de la peine privative de liberté restante qui se termine en mars 2015. Le tribunal de première instance requiert une expertise et ordonne une mesure institutionnelle en octobre 2015. Le condamné recourt au Tribunal cantonal, puis au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur l’interprétation de l’art. 63b al. 5 CP.

Droit

Aux termes de l’art. 63b al. 5 CP, « le juge peut remplacer l’exécution de la peine par une mesure thérapeutique institutionnelle prévue aux art. 59 à 61 s’il est à prévoir que cette mesure détournera l’auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son état ».

Dans son premier argument, le recourant estime que cette disposition ne s’applique que s’il reste encore une peine privative de liberté à purger. Or, en l’espèce, la mesure institutionnelle a été prononcée en octobre 2015, soit après la fin de la peine intervenue en mars 2015. Le Tribunal fédéral rappelle cependant que la transformation d’une mesure ambulatoire en mesure institutionnelle après l’exécution de la peine est possible (ATF 136 IV 156, c. 3). Une telle conversion constitue cependant une atteinte grave à la liberté personnelle et doit être réservée à des cas exceptionnels sous réserve d’un examen strict de la proportionnalité. Le Tribunal fédéral retient notamment un cas exceptionnel lorsque la libération de l’auteur après l’échec d’une thérapie compromettrait gravement la sécurité publique et que seule une longue mesure institutionnelle permettrait d’éviter un risque de récidive. La décision de l’autorité compétente doit se baser sur une expertise (cf. art. 56 al. 3 CP).

Savoir si le condamné risque de mettre gravement en danger l’ordre public se détermine notamment en fonction du type et de la gravité des infractions commises et celles attendues, des biens juridiques en cause et de la proximité de l’auteur avec le danger. Le risque de récidive doit être important. En l’espèce, l’expertise met en évidence le fort risque de nouveaux actes sexuels sur des mineurs, ce qui permet de retenir le risque d’atteinte grave à la sécurité publique. Sur ce point, l’instance précédente n’a pas violé le droit. Il reste encore à examiner les conditions de la proportionnalité.

A cet égard, il doit ressortir de l’expertise que seul un traitement institutionnel permet d’éviter le risque de récidive. En l’occurrence, l’expert précise que les chances de guérison ne sont pas plus élevées en cas de traitement ambulatoire qu’en cas de prise en charge institutionnelle. L’instance précédente a cependant estimé que le traitement ambulatoire ne peut s’effectuer que sur une base volontaire, car, selon la jurisprudence sur l’art. 63b al. 5 CP (ATF 134 IV 246, c. 3.4), seul un traitement institutionnel peut être imposé. Partant, la sécurité publique ne serait garantie que par l’imposition d’une mesure institutionnelle. Le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence antérieure et considère qu’en vertu du principe a maiore ad minus, l’art. 63b al. 5 CP permet d’imposer (à la place d’une peine ou après son exécution) aussi bien une mesure institutionnelle qu’une mesure ambulatoire  ; si l’autorité compétence peut prononcer un traitement institutionnel pour sauvegarder la sécurité publique en cas d’échec d’une mesure ambulatoire, elle doit aussi pouvoir imposer une mesure moins coercitive qui parvient au même résultat. L’ATF 134 IV 246, qui se basait principalement sur une interprétation littérale de la disposition, méconnaît le but des mesures qui réside dans leur flexibilité et leur adaptation au cas concret. Par conséquent, l’instance précédente a violé le droit en considérant que seul le traitement institutionnel était apte à protéger l’ordre public en se fondant à tort sur le fait que seul le traitement institutionnel peut être imposé.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente pour examiner la possibilité d’imposer une autre mesure ambulatoire.

Proposition de citation : Julien Francey, Le remplacement d’une peine par une mesure (art. 63b al. 5 CP), in : https://www.lawinside.ch/364/