Le point de départ du délai de recours contre la fixation de l’indemnisation (art. 384 CPP)
ATF 143 IV 40 | TF, 16.12.2016, 6B_654/2016*
Faits
Un avocat d’office défend un prévenu. A la fin des débats de première instance, l’avocat demande une indemnisation de 16’820 francs. Dans son jugement rendu oralement le 9 juillet 2015, le Bezirksgericht de Winterthur fixe son indemnité à 5’610 francs.
Puisqu’il n’était pas présent lors de la délibération orale, l’avocat reçoit le dispositif du jugement le 14 juillet 2015. Le prévenu dépose un appel dans les délais et le retire par la suite. Le 9 novembre 2015, l’avocat reçoit le jugement motivé.
L’avocat exerce alors un recours le 19 novembre 2015 auprès de l’Obergericht de Zurich. L’Obergericht n’entre pas en matière, car le délai de 10 jours pour recourir, qui, selon l’Obergericht a commencé à courir à partir de la notification du dispositif du jugement, soit le 14 juillet 2015, n’a pas été respecté.
L’avocat dépose un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer le moment à partir duquel le délai pour contester le montant d’une indemnisation commence à courir.
Droit
L’art. 135 al. 2 CPP prévoit que le ministère public ou le tribunal qui statue au fond fixent l’indemnité à la fin de la procédure. La jurisprudence a déjà précisé ainsi qu’il n’était pas possible de fixer l’indemnisation due à l’avocat dans un jugement séparé (ATF 139 IV 199).
L’art. 135 al. 3 let. a CPP précise que le défenseur d’office peut recourir devant l’autorité de recours contre la décision du ministère public et du tribunal de première instance fixant l’indemnité. Seul le recours lui est donc ouvert. L’art. 135 al. 3 let. a CPP contrevient ainsi au principe selon lequel un jugement doit être attaqué au moyen d’un appel alors qu’une décision doit être contestée au moyen d’un recours.
L’art. 384 let. a CPP dispose que, pour les jugements, le délai de recours commence à courir dès la remise ou la notification du dispositif écrit.
Le Tribunal fédéral rappelle la distinction entre l’appel et le recours pour conclure que tant le délai pour la déclaration d’appel que celui pour le recours motivé commencent à courir à partir de la notification du jugement motivé. Ce principe s’applique également à la procédure devant le Tribunal fédéral ainsi qu’aux procédures civiles et administratives. La doctrine retient également que les délais de recours commencent à courir seulement dès la réception du jugement complet et motivé.
Partant, le Tribunal fédéral interprète l’art. 384 let. a CPP dans le sens que le délai pour exercer un recours commence à courir à partir de la notification du jugement motivé.
En l’espèce, l’avocat a respecté ce délai. Partant, le Tribunal fédéral admet le recours.
Note
Dans sa décision, le Tribunal fédéral précise aussi que si le jugement n’avait pas dû être motivé, c’est-à-dire si le prévenu n’avait pas formé un appel, l’avocat aurait pu demander la motivation comme tiers touché par des actes de procédure au sens de l’art. 105 al. 1 let. f CPP afin de contester le montant de son indemnisation.
Proposition de citation : Célian Hirsch, Le point de départ du délai de recours contre la fixation de l’indemnisation (art. 384 CPP), in : https://www.lawinside.ch/368/