La consignation de la créance dont la titularité est litigieuse

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ATF 143 III 102 | TF, 07.02.2017, 4A_685/2016*

Faits

Un maître d’ouvrage conclut un contrat avec un consortium d’entrepreneurs. Par la suite, un différend survient quant à la répartition du prix entre les entrepreneurs. Le maître d’ouvrage obtient la permission judiciaire de consigner le prix de l’ouvrage.

Le tribunal impartit alors aux entrepreneurs un délai pour faire valoir leurs prétentions quant au montant consigné, sous peine de restitution de celui-ci au maître d’ouvrage. Seul l’un des entrepreneurs réagit en temps utile et conclut à ce que le prix de l’ouvrage lui soit remis. Le tribunal décide néanmoins que le montant restera consigné, au motif que le droit de procédure ne lui permettait en réalité pas d’impartir aux parties un délai pour agir au fond.

L’entrepreneur qui avait sollicité la remise du prix conteste sans succès cette décision devant l’instance de recours cantonale.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si le juge de la consignation peut impartir un délai aux créanciers supposés pour agir au fond.

Droit

Les art. 96 et 168 CO permettent au débiteur d’une créance dont la titularité est litigieuse  (“Prätendentenstreit”) d’en refuser le paiement et de se libérer par la consignation du montant en justice. Le juge de la consignation se contente de désigner le lieu de consignation ; il ne lui appartient pas de vérifier si les conditions de la consignation sont véritablement remplies. Ce n’est que lors d’un éventuel procès ultérieur au fond que le juge du fond tranchera si le débiteur a consigné à juste titre et s’est ainsi valablement libéré.

Dans ce contexte, certaines anciennes procédures cantonales permettaient au juge de la consignation d’impartir un délai à l’un des créanciers supposés pour agir au fond, sous peine de voir le montant consigné remis à l’autre prétendant. Cette institution – dont la compatibilité avec le droit fédéral était au demeurant sujette à caution – n’a pas été reprise par le CPC, qui se contente de soumettre l’action en consignation à la procédure sommaire (art. 250 let. a ch. 6 CPC). Le prétendu créancier qui souhaite obtenir la libération du montant consigné en sa faveur peut ensuite ouvrir action de son propre chef. L’intervention du juge pour l’y contraindre n’est pas nécessaire et il n’y a ainsi pas de lacune de la loi en la matière. Partant, c’est à juste titre que le juge de première instance a décidé que le montant resterait consigné en l’attente d’une action formée par l’une ou l’autre partie et tranchée par le juge du fond.

Le recourant invoque encore une violation du principe de disposition (art. 58 CPC), au motif qu’aucune des parties n’avait demandé que le montant demeure consigné. Le tribunal applique toutefois le droit d’office (art. 57 CPC). Or, on a vu que le droit ne permettait pas au juge de donner suite aux conclusions du recourant, seule partie à s’être prononcée en temps utile. Dans ces circonstances, le principe de disposition n’est pas violé et la portée de la communication du tribunal, qui avait lui-même imparti aux intéressés un délai pour se prononcer, importe peu.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La consignation de la créance dont la titularité est litigieuse, in : https://www.lawinside.ch/403/