Le transport en Suisse de mendiants citoyens de l’Union européenne (LEtr 116)

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ATF 143 IV 97 | TF, 18.01.2017, 6B_126/2016*

Faits

Des époux exploitent une entreprise de transport roumaine. A ce titre, ils transportent des personnes d’origine rom depuis la Roumanie à Genève. Le moyen de survie en Suisse des passagers est principalement la mendicité. A chaque transport, le couple relève le nom et le numéro de carte d’identité des clients. Le séjour en Suisse des personnes transportées par les époux ne durait pas plus de trois mois.

Le Tribunal correctionnel genevois reconnaît les époux notamment coupables d’infraction à l’art. 116 al. 1 let. a et al. 3 let. a LEtr. Sur appel, la cour cantonale acquitte les époux de l’infraction à l’art. 116 LEtr.

Le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher si les époux ont facilité l’entrée ou le séjour illégal d’un étranger en Suisse (art. 116 al. 1 let. a LEtr).

Droit

Selon l’art. 116 al. 1 let. a LEtr, est puni quiconque en Suisse ou à l’étranger, facilite l’entrée ou le séjour illégal d’un étranger.

L’art. 1 al. 1 § 1 de l’annexe I ALCP pose comme principe fondamental que les ressortissants d’une partie contractante doivent être admis sur le territoire des autres parties contractantes sur simple présentation d’une carte d’identité. L’art. 10 al. 1 LEtr prévoit que tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d’activité lucrative pendant trois mois sans autorisation. Pour entrer en Suisse, tout étranger doit disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (art. 5 al. 1 let. b LEtr).

Pour trancher si en l’espèce les époux se sont rendus coupables d’infraction à l’art. 116 LEtr, le Tribunal fédéral doit préalablement déterminer si l’entrée, respectivement le séjour des passagers en Suisse était illégal. Ainsi, la question est celle de savoir si l’obligation de disposer de moyens financiers nécessaires au séjour (art. 5 al. 1 let. b LEtr) était applicable aux passagers en leur qualité de citoyens de l’Union européenne.

La circulaire de l’Office fédéral des migrations (aujourd’hui : Secrétariat d’Etat aux migrations) no 210.1/2010/00370 souligne que les mendiants citoyens de l’Union européenne peuvent se prévaloir de l’ALCP qui leur permet d’entrer en Suisse sur simple présentation d’une carte d’identité. Ce n’est que s’ils entendent séjourner en Suisse sans activité lucrative pour une durée supérieure à 3 mois qu’ils doivent justifier de moyens financiers suffisants.

Le Tribunal fédéral conclut par conséquent que les passages des époux sont autorisés à se prévaloir de l’ALCP pour entrer en Suisse à la seule condition de présenter une carte d’identité. Il ne peut leur être imposé d’autres formalités, telles que justifier des moyens de subsistance suffisants pour leur séjour, dans la mesure où celui-ci n’excède pas 3 mois.

En l’espèce, les passagers, dont le séjour en Suisse n’excédait pas 3 mois, étaient porteurs de documents d’identité, dans la mesure où le couple relevait les numéros de leur carte d’identité.

Par conséquent, les passagers de l’entreprise de transport des époux ne sont pas entrés et n’ont pas séjourné sur le territoire suisse illégalement. A fortiori, les époux n’ont pas facilité l’entrée ou le séjour illégal d’un étranger au sens de l’art. 116 al. 1 let. a et al. 3 let. a LEtr.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le transport en Suisse de mendiants citoyens de l’Union européenne (LEtr 116), in : https://www.lawinside.ch/407/