La perpetuatio fori en matière de protection de l’adulte

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ATF 143 III 237 | TF, 23.03.2017, 5A_151/2017*

Faits

L’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant de Thun ouvre une procédure à l’encontre d’un homme âgé de 97 ans dont la capacité de discernement serait atteinte. En cours de procédure, celui-ci déménage en Espagne.

Ses enfants demandent à l’autorité de protection de retirer à leur père à titre provisionnel l’exercice des droits civils ainsi que d’établir un inventaire de ses biens. Dans un second temps, ils demandent également que leur père soit placé dans une institution fermée.

Se déclarant compétente rationae loci, l’autorité rejette les demandes et invite l’homme à collaborer à l’établissement des faits. Sur recours, ce dernier soulève l’incompétence de l’autorité pour la poursuite de la procédure. Débouté, il saisit le Tribunal fédéral lequel est appelé à déterminer si l’autorité de protection demeure compétente (perpetuatio fori) malgré le changement de domicile de la personne concernée en cours de procédure.

Droit

La compétence des autorités de protection de l’adulte dans les affaires à caractère international est réglée par la Convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes (CLaH 2000). L’art. 5 al. 2 de cette convention dispose qu’en cas de changement de résidence habituelle de l’adulte dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle. Cette disposition correspond pour l’essentiel à l’art. 5 de la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH96). L’objectif de ces dispositions est d’assurer un régime de compétence sans failles et qui permette de garantir une protection juridique complète des personnes dans le besoin.

Ce régime trouve ses limites dans l’hypothèse où la personne concernée déplace sa résidence dans un Etat qui n’est pas signataire de la CLaH 2000. Dans un tel cas il n’est pas assuré que l’Etat tiers poursuive la procédure initiée respectivement se saisisse effectivement de l’affaire, ce en particulier lorsque la compétence internationale dans cet Etat dépend de la nationalité de la personne concernée. La protection juridique de la personne concernée ne serait dès lors par garantie dans cette situation.

Ainsi, en application analogique des principes applicables en matière de protection des enfants (CLaH 96 notamment), le Tribunal fédéral considère qu’il y a lieu de retenir que la perpetuatio fori existe lorsque la personne concernée change son domicile vers un Etat tiers, pour autant que ce principe s’applique selon le droit procédure de l’Etat où la procédure a été initiée.

Tel est le cas en droit suisse en vertu de l’art. 64 al. 2 CPC, qui dispose la perpétuation de la compétence à raison du lieu en tant qu’effet de la litispendance.

En l’espèce, dans la mesure où la personne concernée a changé son domicile vers l’Espagne, pays non-signataire de la CLaH 2000, la compétence à raison du lieu de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant de Thun est perpétuée. C’est donc à tort que la personne concernée a soulevé l’incompétence de cette autorité.

Partant, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Simone Schürch, La perpetuatio fori en matière de protection de l’adulte, in : https://www.lawinside.ch/423/