L’application des féries du CPC au délai de recours contre un jugement en LP

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ATF 143 III 149TF, 20.01.2017, 5A_834/2015*

Faits

Au bénéfice d’un acte de défaut de biens, une société entame une procédure de poursuite contre un débiteur. Ce dernier conteste avec succès son retour à meilleure fortune. La société intente alors dans les 20 jours une action en constatation du retour à meilleure fortune (cf. art. 265a al. 4 LP) devant le Tribunal de première instance tessinois (Pretore). Déboutée, elle agit devant l’instance d’appel laquelle déclare l’appel irrecevable car tardif.

Ce prononcé fait l’objet d’un recours de la société au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer lesquelles entre les féries de la LP et les féries judiciaires du CPC s’appliquent au délai de recours contre le jugement qui rejette l’action en constatation du retour à meilleure fortune.

Droit

L’art. 145 CPC prévoit des périodes de suspension des délais légaux et des délais fixés judiciairement. L’alinéa 2 de cette disposition prévoit que la suspension ne s’applique pas à la procédure de conciliation et à la procédure sommaire. L’alinéa 4 réserve les dispositions de la LP sur les féries.

Les féries prévues par la LP (cf. art. 56 ch. 2 LP) s’appliquent aux actes de poursuites. Elles ont pour effet de prolonger de trois jours le délai qui expire pendant une la période des féries, étant précisé que le samedi, le dimanche et les jours légalement fériés ne sont pas comptés (art. 63 LP).

Aux termes de l’art. 265a al. 4 LP, le débiteur et le créancier peuvent intenter une action en constatation du non retour ou du retour à meilleure fortune devant le juge du for de la poursuite dans les 20 jours à compter de la notification de la décision sur opposition.

La procédure en constatation du retour à meilleure fortune (qui constitue une cause de pur droit des poursuites) est régie par le CPC (art. 1 let. c CPC), et suit les règles de la procédure ordinaire ou la procédure simplifiée, la procédure sommaire n’étant pas applicable (art. 251 let. d CPC a contrario).

Le Tribunal fédéral procède à l’analyse du Message du Conseil fédéral en relation avec l’art. 145 CPC. Il constate que la réserve en faveur des féries de la LP vise tout d’abord les causes – de pur droit des poursuites – auxquelles la procédure sommaire s’applique, étant par ailleurs précisé que de toute manière les féries judiciaires du CPC ne s’appliquent pas à ces causes (cf. art. 145 al. 2 let. b CPC).

La réserve vise encore les délais prévus par la LP pour introduire certaines actions, que celles-ci soient soumises à la procédure simplifiée ou ordinaire (par exemple l’action en reconnaissance de dette ou en validation du séquestre).

L’effet de la réserve est en revanche moins clair en ce qui concerne les délais de recours. Le Tribunal fédéral se réfère à la doctrine et retient que le délai de recours contre un jugement rendu en matière de droit des poursuites – rendu suite à une procédure ordinaire ou simplifiée – doit être régi par le CPC, de sorte que les périodes de suspension s’appliquent. Il fonde son opinion substantiellement sur des motifs de clarté et d’égalité de traitement entre débiteur et créancier.

Il s’ensuit qu’en l’espèce la Cour d’appel a eu tort de déclarer le recours irrecevable. Le délai n’était en effet pas seulement prolongé de trois jours, mais suspendu pendant toute la durée des fériés judiciaires.

Le recours est ainsi admis.

Proposition de citation : Simone Schürch, L’application des féries du CPC au délai de recours contre un jugement en LP, in : https://www.lawinside.ch/443/