La campagne médiatique en tant qu’atteinte à la personnalité (arrêt Hirschmann 1ère partie)

Télécharger en PDF

ATF 143 III 297 | TF, 09.06.17, 5A_256/2016*

Faits

Carl Hirschmann est un millionnaire actif dans le milieu de la nuit. A la suite de son arrestation pour des délits sexuels, le groupe Tamedia ainsi que le 20 minuten publient pendant une année de nombreux articles sur lui. Hirschmann estime qu’il fait l’objet d’une campagne médiatique et exige le retrait de plusieurs articles illicites. En outre, il réclame la remise du gain obtenu par les entités médiatiques consécutivement à l’atteinte.

Dans un premier arrêt (TF, 09.06.15, 5A_658/2014), le Tribunal fédéral constate l’illicéité de plusieurs articles et ordonne leur suppression. Il renvoie l’affaire au Tribunal de commerce de Berne en ce qui concerne notamment l’existence d’une campagne médiatique illicite et la remise du gain. Le Tribunal de commerce nie l’existence d’une campagne médiatique et rejette l’action en remise de gain. Hirschmann saisit à nouveau le Tribunal fédéral qui doit déterminer les caractéristiques d’une campagne médiatique.

Droit

En présence d’articles publiés dans les médias, le droit à l’honneur et au respect de la vie privée sont généralement concernés. Ces droits peuvent être atteints même en cas de diffusion d’informations véridiques  ; il convient alors d’examiner l’objectivité de la présentation des informations et la présentation de faits rabaissant. En matière de couverture de procédure pénale, la présomption d’innocence joue aussi un rôle particulier. Ce principe ne signifie pas que tout article reflétant fidèlement une procédure pénale respecte l’art. 28 CC : le droit au respect de la vie privée peut être violé par la diffusion de contenus vrais, mais qui relèvent de la sphère privée ou secrète. Par ailleurs, l’atteinte à la personnalité peut découler d’un seul acte ou d’évènements répétitifs.

En l’espèce, le Tribunal de commerce a uniquement examiné la licéité des informations au regard de leur véracité et du respect de la présomption d’innocence, sans toutefois se pencher sur leur compatibilité avec le droit au respect de la vie privée. Il est certes vrai qu’Hirschmann doit accepter une plus grande intrusion dans sa vie privée qu’une personne normale en raison de son statut de personnalité de boulevard (Boulevard-Prominent).

De l’avis du le Tribunal fédéral, la campagne de médias dont Hirschmann a fait l’objet a largement dépassé ce qu’il devait tolérer ; les médias ont couvert l’affaire de manière très intense durant une année en dévoilant toute sorte d’informations sur Hirschmann qui n’avaient aucun lien avec la procédure pénale et qui le ridiculisaient auprès du lecteur moyen. Il avait ainsi totalement perdu la maîtrise de ses informations personnelles. Le fait que plusieurs médias autres que ceux de Tamedia et du 20 minuten ont contribué à la campagne de médias ne change rien à ce constat : toute personne qui participe à l’atteinte peut être recherchée.

Le Tribunal fédéral examine ensuite si l’atteinte peut être justifiée. A ce titre, il se penche sur la question de savoir si la campagne médiatique poursuivait un intérêt public prépondérant. Selon une partie de la doctrine, le simple besoin de divertissement, oscillant entre la sensation et l’information, ne constitue pas un intérêt public. Selon le Tribunal fédéral, cette affirmation est trop absolue. En effet, le public a également besoin de se divertir. Il faut alors examiner le but de la couverture médiatique ; plus il s’agit de divertir le public, moins l’atteinte peut être justifiée. En revanche, plus le média remplit un besoin d’information, plus l’atteinte sera justifiée par l’intérêt public.

En l’espèce, les médias concernés ne peuvent pas se prévaloir d’un besoin sérieux d’informer la population. En effet, les articles n’avaient pas pour but principal de rapporter le déroulement de la procédure pénale, mais bien plus de raconter certains épisodes d’importance secondaire de la vie privée d’Hirschmann. Par conséquent, ce besoin de divertissement ne parvient pas à justifier l’atteinte à la personnalité qu’il a subie.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours d’Hirschmann.

Note

La question de l’action en remise de gain a fait l’objet d’un autre résumé : LawInside.ch/467/.

Proposition de citation : Julien Francey, La campagne médiatique en tant qu’atteinte à la personnalité (arrêt Hirschmann 1ère partie), in : https://www.lawinside.ch/467/

2 réponses

Les commentaires sont fermés.