L’interception en prison des accès du compte Facebook d’un prévenu

Télécharger en PDF

ATF 143 IV 270 | TF, 24.05.17, 1B_29/2017*

Faits

Un prévenu en détention provisoire (trafic de cocaïne) fait parvenir à une enseignante de langue travaillant dans la prison les données d’accès de son compte Facebook (FB) pour qu’elle puisse envoyer un message à son complice. Début juin, le personnel de prison intercepte la feuille avec le login FB du prévenu et la transmet au procureur qui lit l’historique des messages FB. En septembre, une fois averti de l’interception de son message clandestin, le prévenu demande sa mise sous scellés. Le procureur obtient la levée des scellés devant le TMC. Le prévenu recourt au Tribunal fédéral qui doit examiner pour la première fois les conditions pour intercepter et utiliser le login FB d’un prévenu.

Droit

L’art. 246 ss CPP règle la protection des documents écrits et informatiques, dont fait partie la feuille litigieuse avec les données d’accès FB. La perquisition de documents doit faire l’objet d’un mandat écrit, mais l’urgence autorise la police à se passer dans un premier temps d’une ordonnance écrite (art. 241 al. 1 CPP).

En l’espèce, la situation de péril dans la demeure justifiait l’absence de notification d’un mandat écrit qui aurait permis au prévenu d’exiger la mise sous scellés du message clandestin. En effet, le procureur devait savoir si le risque de collusion s’était concrétisé et si l’existence de preuves était menacée. D’ailleurs, la loi prévoit expressément la mise en sécurité provisoire de documents dans de telles situations (art. 263 al. 3 CPP (mise sous séquestre provisoire) et art. 265 al. 4 CPP (mesure de contrainte pour l’obligation de dépôt)). Partant, la perquisition des accès FB du prévenu s’inscrivait dans les limites légales.

Le Tribunal fédéral se penche ensuite sur la légalité des recherches online effectuées par le ministère public sur le réseau social et sur la mise sous séquestre de l’historique des discussions. Là aussi, le procureur s’est basé sur l’art. 246 CPP qui permet de perquisitionner des supports informatiques s’il y a lieu de présumer qu’ils pourront être séquestrés, notamment pour des besoins de preuve (art. 263 al. 1 lit. a CPP). Les messages instantanés FB entrent dans la catégorie de documents pouvant faire l’objet d’une perquisition au sens de l’art. 246 CPP. En cas de péril dans la demeure, les autorités de poursuite pénale peuvent procéder à leur séquestre provisoire (art. 263 al. 3 CPP). C’est notamment le cas lorsqu’il existe un danger de suppression des preuves. Afin de garantir que seuls des documents pertinents soient mis sous séquestre provisoire, les autorités pénales doivent uniquement examiner grossièrement les enregistrements. En revanche, un examen détaillé des moyens de preuve ou leur exploitation ne peut intervenir que lorsque le prévenu a pu s’exprimer sur leur contenu au sens de l’art. 247 al. 1 CPP, respectivement a pu exiger leur mise sous scellés conformément à l’art. 248 al. 1 CPP.

En l’espèce, il existait une situation d’urgence qui permettait au ministère public de séquestrer provisoirement les messages FB. Selon le dossier, le procureur n’a pas procédé à un examen complet de ces enregistrements. Le simple fait d’imprimer certains extraits afin de pouvoir confronter le prévenu ne doit pas encore être considéré comme une analyse détaillée ou une exploitation des moyens de preuve.

Le Tribunal fédéral précise également que le séquestre direct des moyens de preuve sur les serveurs de FB sans passer par la voie de l’entraide pénale internationale est conforme au droit. En effet, le ministère public n’a pas exigé directement de FB le dépôt des messages et il n’a pas pris des mesures pénales à l’étranger. Les actes de procédure se sont déroulés en Suisse et l’utilisation d’un ordinateur pour avoir accès aux serveurs de FB situés à l’étranger n’y change rien.

Dès que le prévenu a été averti des perquisitions, il a demandé la mise sous scellés du message clandestin et de ses conversations FB. Pour obtenir la levée des scellés, le TMC doit pondérer les intérêts du prévenu au secret de ses documents avec ceux de la procédure pénale. En outre, il doit examiner le respect des conditions de la mesure de contrainte (cf. art. 197 CPP). En l’espèce, le Tribunal fédéral estime que la levée des scellés respectait ces conditions.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours du prévenu.

Note

Le Tribunal fédéral précise que même si la perquisition n’était légale, il n’existerait pas d’interdiction absolue d’exploiter les preuves ainsi recueillies au sens de l’art. 140 et 141 CPP.

Proposition de citation : Julien Francey, L’interception en prison des accès du compte Facebook d’un prévenu, in : https://www.lawinside.ch/477/