La réalisation forcée d’une part de société simple

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ATF 144 III 74 | TF, 08.01.2018, 5A_727/2017*, 5A_728/2017*

Le liquidateur d’une société simple désigné par l’autorité de surveillance (art. 132 LP et art. 12 OPC) agit en tant que représentant légal du poursuivi dans l’exercice de tous ses droits. L’autorité de surveillance peut lui donner des instructions. Ces instructions ne peuvent faire l’objet d’une plainte ou d’un recours. Seule la décision fondée sur les instructions est attaquable.

Faits

Deux soeurs sont propriétaires en commun de diverses parcelles. Elles forment ensemble une société simple. Dans le contexte de poursuites ouvertes contre l’une des soeurs, sa part dans la société simple est saisie.

L’office des poursuites convoque alors la débitrice et ses créanciers à des pourparlers sur le sort du patrimoine commun. Constatant l’échec des pourparlers, l’office demande à l’instance inférieure de surveillance de fixer le mode de réalisation de la part de la débitrice dans la société simple. L’autorité inférieure de surveillance constate la dissolution de la société simple et charge l’office de désigner un liquidateur. L’office s’exécute et nomme un liquidateur.

La soeur de la débitrice soumet un projet de partage en nature à l’office. Les créanciers s’y montrent favorables, mais la débitrice refuse d’entrer en matière. Les créanciers requièrent alors que l’office signe l’accord en lieu et place de la débitrice. L’office retient que ceci ne relève pas de ses pouvoirs mais éventuellement de ceux du liquidateur, ses propres attributions quant à la liquidation de la société simple cessant dès la nomination du liquidateur.

La débitrice dépose une plainte (art. 17 LP) contre cette décision, contestant que le liquidateur ait pouvoir de signer à sa place. Sa soeur dépose également une plainte et demande un complément de la décision de l’office afin de préciser expressément que les pouvoirs du liquidateur s’étendent à la conclusion d’un accord de partage en nature. L’autorité inférieure de surveillance admet partiellement la plainte de la soeur de la débitrice, en retenant que le liquidateur a le pouvoir de consentir à un tel partage à la place du débiteur. Cela étant, l’autorité souligne qu’il ne lui appartient pas d’ordonner au liquidateur d’accepter le partage en nature, toute latitude devant lui être laissée à cet égard.

La débitrice recourt sans succès auprès de l’autorité supérieure de surveillance contre le rejet de sa plainte et l’admission partielle de celle de sa soeur.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral est appelé à préciser les pouvoirs respectifs de l’office des poursuites, de l’autorité de surveillance et du liquidateur s’agissant de la réalisation forcée d’une part de société simple.

Droit

L’autorité de surveillance est compétente pour fixer le mode de réalisation d’une part de société simple lorsque le contrat de société ne prévoit pas que les biens sociaux sont la copropriété des associés (art. 132 LP cum 1 al. 2 OPC). A teneur de l’OPC, l’autorité de surveillance peut alternativement (1) fixer le mode de réalisation à mettre en oeuvre par l’office (art. 10 al. 3 et 4 OPC), ou (2) nommer un administrateur qui prendra les mesures nécessaires et exercera à cet effet tous les droits appartenant au débiteur (art. 12 OPC).

Le liquidateur ainsi désigné par l’autorité de surveillance est le représentant légal du poursuivi et peut le représenter dans l’exercice de tous ses droits. Il intervient à la place de l’office en tant qu’organe extraordinaire de la poursuite. En cette qualité, il n’est pas soumis à la surveillance de l’office, mais à celle de l’autorité de surveillance, qui peut lui donner des instructions individuelles ou générales.

La plainte de l’art. 17 LP est ouverte contre tout acte matériel de l’office ou d’un autre organe de la poursuite dans le cadre d’une procédure concrète de l’exécution forcée. A teneur de jurisprudence, les instructions de l’autorité de surveillance à un organe de la poursuite ne peuvent faire l’objet d’une plainte de l’art. 17 LP ou d’un recoursSeule la décision prise sur la base des instructions est attaquable.

En l’espèce, c’est ainsi à bon droit que l’office a retenu que ses attributions relatives à la liquidation de la société simple avaient cessé au moment de la nomination du liquidateur. Dans leurs plaintes, la débitrice et sa soeur ont pris des conclusions concernant les pouvoirs du liquidateur, sur lesquels l’office n’avait à raison pas statué. L’autorité de surveillance aurait ainsi dû déclarer les plaintes irrecevables et, le cas échéant, agir par le biais d’instructions au liquidateur.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal fédéral réforme la décision de l’instance inférieure en ce sens que la plainte de la soeur de la débitrice est déclarée irrecevable. Il rejette le recours pour le surplus.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La réalisation forcée d’une part de société simple, in : https://www.lawinside.ch/566/