L’amende pour cause de défaut du défendeur en conciliation

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ATF 141 III 265 | TF, 23.06.2015, 4A_510/2014*

Faits

Deux bailleurs engagés en tant que défendeurs dans cinq procédures contre des locataires se voient notifier cinq amendes disciplinaires de 200 francs chacune par l’autorité de conciliation en raison de leur absence aux procédures de conciliation. Les cinq décisions se fondent sur l’art. 128 CPC.

Les recours formés par les bailleurs contre ces cinq décisions sont tous rejetés par une seule décision de l’instance cantonale de recours. Contre cette décision, les bailleurs forment un recours en matière civile auprès le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral est amené à se prononcer sur la question de savoir si une autorité de conciliation peut sanctionner l’absence d’un défendeur dans une procédure de conciliation par une amende disciplinaire sur la base de l’art. 128 CPC.

Droit

L’amende disciplinaire en procédure civile est une décision incidente qui cause un préjudice irréparable, de sorte que le recours au Tribunal fédéral est ouvert (art. 93 al. 1 let. a LTF). La valeur litigieuse de 15’000 francs n’est pas atteinte (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le recours est toutefois recevable, dès lors qu’on est en présence d’une question juridique de principe (art. 72 al. 2 let. a LTF).

Le Tribunal fédéral rappelle que l’autorité de conciliation est habilitée à prendre des mesures disciplinaires sur la base de l’art. 128 CPC. Il rajoute qu’en vertu de l’art. 206 al. 2 CPC, en cas de défaut du défendeur, l’autorité de conciliation doit procéder comme si la procédure de conciliation n’avait pas abouti à un accord (art. 209 à 212 CPC).

Une partie de la doctrine considère que l’art. 206 al. 2 CPC règle exhaustivement les conséquences du défaut du défendeur en procédure de conciliation, de sorte qu’on ne saurait le sanctionner par une mesure disciplinaire supplémentaire fondée sur l’art. 128 CPC. Le Tribunal fédéral rejette cette position et considère que l’art. 206 CPC laisse une place à des sanctions disciplinaires, pour autant qu’elles trouvent un fondement dans la loi.

Selon le Tribunal fédéral, l’art. 128 al. 1 et 3 CPC constitue une base légale qui permet à l’autorité de conciliation de prendre des mesures disciplinaires en cas de défaut du défendeur en procédure de conciliation.

Cela étant, en vertu du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst), du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst et art. 52 CPC) et du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst), une sanction disciplinaire ne peut être prise que si le destinataire a fait l’objet d’une menace, en ce sens qu’il a été averti par l’autorité des conséquences du comportement visé.

Dans le cas d’espèce, les différentes citations en conciliation ne contenaient que des mentions à l’art. 206 al. 2 CPC, selon lequel, en cas de défaut du défendeur, l’autorité de conciliation continue la procédure comme si aucun accord n’avait eu lieu. Les défendeurs n’ont pas été informés du fait que leur éventuel défaut pouvait être sanctionné par une amende disciplinaire. Par conséquent, les amendes ne sont pas valables, car contraire au droit fédéral (art. 5 al. 229 al. 2 Cst et art. 52 CPC).

Le recours est admis et les cinq amendes sont annulées.

Note

Il convient de retenir de cet arrêt que l’autorité de conciliation peut sanctionner le défaut d’une partie par une amende disciplinaire sur la base de l’art. 128 CPC, pour autant qu’elle l’ait avertie dans la citation en conciliation du risque de sanction pour le comportement visé.

Proposition de citation : Alborz Tolou, L’amende pour cause de défaut du défendeur en conciliation, in : https://www.lawinside.ch/67/