Le classement des surfaces d’assolement en zone à bâtir

Télécharger en PDF

ATF 145 II 32 | TF, 21.11.2018, 1C_46/2017*

Les cantons sont en droit de classer des surfaces d’assolement en zone à bâtir moyennant une pesée de tous les intérêts en présence ; les critères posés à l’art. 30 al. 1bis OAT doivent être pris en considération dans le cadre de cette pesée. Une obligation de compensation des surfaces d’assolement ne saurait être imposée que lorsque le canton ne dispose pas d’une réserve suffisante de ces surfaces.

Faits

Une société envisage de réaliser un projet-pilote de géothermie profonde dans le canton du Jura. Ce projet implique le passage de surfaces d’assolement (SDA) en zone à bâtir. Cette perte de SDA est partiellement compensée.

Des opposants contestent notamment le déclassement des SDA. Ils soulèvent que le canton du Jura ne dispose que d’une réserve de SDA limitée et que le principe du maintien ou de la compensation intégrale de ces surfaces devrait prévaloir. Le Conseil d’État du canton du Jura, puis la Cour administrative du canton du Jura, approuvent le projet et rejettent les oppositions.

Les opposants forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur le classement des SDA en zone à bâtir (art. 30 al. 1bis OAT).

Droit

Les SDA font partie du territoire qui se prête à l’agriculture (art. 6 al. 2 let. a LAT). Elles sont garanties par des mesures d’aménagement du territoire (cf. art. 3 al. 2 let. a LAT et art. 26 ss OAT). Chaque canton est tenu de respecter la surface minimale d’assolement telle que définie par le plan sectoriel de la Confédération (art. 2829 et 30 al. 2 OAT).

D’une manière générale, le Tribunal fédéral considère que les SDA peuvent être utilisées par les cantons à des fins autres qu’agricoles moyennant une pesée complète des intérêts en présence. L’art. 30 al. 1bis OAT vient préciser que des SDA ne peuvent être classées en zone à bâtir que (let. a) lorsqu’un objectif que le canton estime important ne peut pas être atteint judicieusement sans recourir aux SDA ; et (let. b) lorsqu’il peut être assuré que les surfaces sollicitées seront utilisées de manière optimale selon l’état des connaissances.

En l’occurrence, l’instance inférieure a estimé qu’elle n’avait pas à examiner les conditions de l’art. 30 al. 1bis OAT pour juger du classement des SDA en zone à bâtir au motif que le canton du Jura dispose d’une surface de SDA supérieure au quota fixé par la Confédération et que les SDA de réserve perdues dans le cadre du projet sont compensées. Cette interprétation est contestée par l’Office fédéral du développement territorial (ARE).

Le Tribunal fédéral relève que l’art. 30 al. 1bis OAT permet aux cantons de classer des SDA en zone à bâtir à des conditions strictes afin de tenir compte de la nécessité de maintenir ces surfaces (cf. art. 15 al. 3 LAT). Ce n’est que lorsqu’un canton dispose de réserves de SDA suffisantes qu’il est en droit de recourir à l’art. 30 al. 1bis OAT. A défaut, c’est l’art. 30 al. 2 OAT qui s’applique et qui empêche un tel classement à moins qu’il soit intégralement compensé.

Le Tribunal fédéral estime ainsi, sur le fondement de sa jurisprudence et de l’avis de l’ARE, que les cantons sont en droit de disposer des SDA moyennant une pesée de tous les intérêts en présence ; les critères posés à l’art. 30 al. 1bis OAT doivent être pris en considération dans le cadre de cette pesée. Une obligation de compensation des SDA ne saurait toutefois être imposée que lorsque le canton ne dispose d’une réserve de SDA insuffisante, ce qui n’est pas le cas du canton du Jura. Cela étant, une compensation partielle des SDA constitue un critère dans la pesée des intérêts en faveur de l’admissibilité du classement.

En l’espèce, après avoir pondéré l’ensemble des intérêts en présence, le Tribunal fédéral retient que la réalisation du projet-pilote de géothermie profonde représente un objectif au sens de l’art. 30 al. 1bis let. a OAT pour le canton et que la perte de SDA partiellement compensée satisfait aux exigences de l’art. 30 al. 1bis OAT.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours. 

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le classement des surfaces d’assolement en zone à bâtir, in : https://www.lawinside.ch/704/