Le respect des droits de défense du prévenu dans le cadre du prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle

Télécharger en PDF

ATF 145 IV 281TF, 20.12.2018,  6B_156/2019*

L’institution d’une mesure thérapeutique institutionnelle constitue un cas de défense obligatoire. Le fait que le prévenu ne bénéficie pas encore de l’assistance d’un avocat lors de la mise en œuvre de l’expertise visant à déterminer l’opportunité d’une telle mesure ne rend toutefois pas cette expertise inexploitable. En effet, les droits de la personne concernée sont suffisamment protégés si elle est assistée d’un défenseur uniquement dans le cadre de la procédure judiciaire.

Faits

Une personne est condamnée à une peine privative de liberté de 6 ans accompagnée d’un traitement ambulatoire pour tentative de meurtre et délit contre la Loi fédérale sur les armes (Larm). Environ deux ans plus tard, le Service de l’exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg (SESPP) décide d’interrompre son traitement pour cause d’échec. Sur requête de ce même service, le Tribunal pénal de l’arrondissement de la Sarine remplace l’exécution de la peine privative de liberté par une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP.

L’intéressé recourt contre cette décision auprès du Tribunal cantonal fribourgeois, puis du Tribunal fédéral. À l’appui de son recours, il invoque notamment la violation de ses droits de défense et de son droit d’être entendu.

Le Tribunal fédéral est appelé à déterminer s’il est nécessaire de désigner un défenseur obligatoire et de permettre au condamné d’exercer son droit d’être entendu lors de la mise en œuvre de l’expertise médicale en vue du prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle.

Droit

Selon l’art. 63a al. 2 let. b CP, le traitement ambulatoire exécuté en liberté est interrompu lorsque sa poursuite paraît vouée à l’échec. Le juge peut alors ordonner une mesure thérapeutique institutionnelle au sens des art. 59 à 61 CP s’il est à prévoir qu’elle détournera l’auteur de nouvelles infractions liées à son état, tout en respectant strictement le principe de proportionnalité. Il ressort de l’interprétation systématique de la loi que, dans un tel cas, le juge est notamment tenu de se fonder sur une expertise (cf. art. 56 al. 3 et 65 CP).

Concernant l’expertise médicale à la base du prononcé de la mesure thérapeutique institutionnelle, le Tribunal fédéral note qu’elle a été mise en œuvre par le SESPP, suite à quoi ce dernier a saisi l’autorité judiciaire. Sa qualité d’autorité d’exécution n’empêche pas le SESPP d’initier une telle expertise. Celle-ci est justifiée dans le cadre du suivi de la mesure thérapeutique et par le besoin de l’autorité de disposer d’éléments suffisants pour décider de solliciter ou non une mesure institutionnelle.

En raison de l’atteinte à la liberté personnelle qu’elle entraîne, le prononcé d’une telle mesure nécessite toutefois une attention accrue de la part de l’autorité judiciaire au respect des droits de la personne concernée, et constitue un cas de défense obligatoire (art. 130 al. 1 let. b CPP).

En l’espèce, l’auteur s’est vu désigner un défenseur devant l’autorité de première instance, de sorte que ses droits ont été respectés à cet égard. La mise en œuvre de l’expertise par le SESPP alors que le recourant n’était pas pourvu d’un avocat ne rend pas celle-ci inexploitable. En effet, le droit procédural fédéral, notamment l’art. 131 al. 3 CPP, ne s’applique pas à cette autorité, qui est régie par des normes de procédure cantonales. Le Tribunal fédéral ajoute qu’il n’est en outre pas nécessaire que le droit d’être entendu soit assuré au stade de la mise en œuvre de l’expertise, soit avant le dépôt de la demande judiciaire. Par ailleurs, la possibilité a été donnée au recourant de demander la récusation de l’expert ainsi que de lui adresser des remarques et questions ; il a également eu l’occasion de  lui poser des questions complémentaires dans le cadre de la procédure de recours cantonale, lors de laquelle il était assisté d’un avocat. Ses droits de défense et son droit d’être entendu ont ainsi été suffisamment garantis.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Marion Chautard, Le respect des droits de défense du prévenu dans le cadre du prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle, in : https://www.lawinside.ch/828/