L’amende de l’AFC dans l’assistance internationale en matière fiscale

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ATF 141 II 383 | TF, 20.08.2015, 2C_941/2014*

Faits

L’autorité fiscale norvégienne dépose une demande d’assistance en matière fiscale auprès de l’Administration fédérale des contributions (AFC). Sous menace d’une amende, l’AFC requiert d’une société suisse la remise de nombreuses informations visées par la demande étrangère. La société ne faisant pas suite à cette requête, l’AFC lui inflige une amende de 7’000 francs. La décision indique la possibilité de recourir au TAF dans les 30 jours. Celui-ci n’entre pas en matière sur le recours de la société et constate la nullité de l’amende. Pour l’essentiel, il se considère incompétent pour traiter du recours et retient que les art. 9 al. 5 et 10 al. 4 LAAF ne permettent pas à l’AFC de prononcer une amende, qui seule relèverait de la compétence des autorités pénales.

Cet arrêt fait l’objet d’un recours de l’AFC au Tribunal fédéral, lequel doit notamment statuer sur la compétence de l’AFC d’infliger des amendes ainsi que sur la possibilité de recourir auprès du TAF contre une telle décision.

Droit

Au vu de l’importance pratique manifeste des questions topiques, le Tribunal fédéral considère qu’en l’espèce il s’agit de questions juridiques de principe, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est exceptionnellement ouverte (art. 84a LTF).

Le Tribunal fédéral traite d’abord de la nullité de l’amende. L’art. 9 al. 5 LAAF sanctionne par une amende de 10’000 francs la personne concernée qui, intentionnellement, ne se conforme pas à une décision de l’AFC, pour autant que la décision ait été rendue sous menace de cette sanction. L’art. 10 al. 4 LAAF dispose de même à l’encontre du détenteur d’informations intéressant l’autorité étrangère. Le Tribunal fédéral constate d’emblée que ces deux dispositions sont propres à fonder la compétence de l’AFC pour le prononcé d’une amende ; en effet, l’art. 41 al. 1 let. c PA, applicable de par le renvoi de l’art. 5 al. 1 LAAF, dispose expressément que, pour exécuter des décisions qui ne portent pas sur le paiement d’une somme d’argent ou sur des sûretés, l’autorité peut faire recours à la poursuite pénale, dans la mesure où une autre loi le prévoit. Dès lors qu’au sens de la PA, les départements et autres services de l’administration fédérale sont des autorités – et vu les art. 9 al. 5 et 10 al. 4 DPA –, l’AFC était compétente pour infliger l’amende litigieuse (cf. aussi art. 2 LAAF). La volonté d’une compétence complète de l’AFC dans la procédure d’entraide ressort par ailleurs du message concernant la dernière révision de la LAAF. Le recours est ainsi admis sur ce point.

En ce qui concerne la compétence du TAF pour traiter de l’affaire, le Tribunal fédéral constate que la décision querellée n’est ni une décision finale (art. 17 al. 1 LAAF) ni une « autre décision précédant la décision finale » (art. 19 al. 1 LAAF) qui devrait faire l’objet d’un recours avec la décision finale. La procédure pénale administrative de première instance n’est pas régie par la PA, mais par la DPA (art. 3 let. c PA), laquelle s’applique lorsqu’une autorité administrative fédérale doit poursuivre et juger des infractions (art. 1 DPA). En outre, les art. 13 al. 7 et 21a al. 5 LAAF renvoient à la DPA. Il s’en suit que le prononcé d’une amende par l’AFC est régi par la DPA, et non pas par la PA. Cette dualité des lois applicables à une même procédure est propre à d’autres domaines du droit fiscal (LTVA, LIA etc.), dans lesquels il est expressément renvoyé à la DPA en ce qui concerne la poursuite pénale.

En l’espèce, la décision de l’AFC peut donc être attaquée de manière indépendante en formant opposition auprès de l’AFC. Le Tribunal fédéral considère alors que le recours doit être traité comme une opposition relevant de la compétence de l’AFC (art. 67 ss DPA), ce qui implique son rejet sur ce point.

Le recours est partiellement admis.

Note

Il est intéressant de relever que le Tribunal fédéral rejette l’argument de la société selon lequel la compétence de l’AFC violerait le principe d’accusation au motif qu’il n’y aurait pas de séparation institutionnelle entre accusateur et juge. L’amende en question – certes à qualifier de « Strafe  » – n’est pas le but même de la sanction (« ist nicht Selbstzweck  », c. 3.4), mais vise à empêcher la paralysie de la procédure d’assistance administrative en matière fiscale. Il s’agit donc d’un moyen de contrainte administrative qui relève de la seule compétence des autorités administratives. Un contrôle judiciaire est par ailleurs garanti (art. 72 ss DPA).

Relevons également que le Tribunal fédéral reconnaît les critiques doctrinales formulées à l’égard du droit pénal administratif, en ce sens qu’une autorité administrative peut être appelée à devoir appliquer dans une même procédure la PA (par ex. retrait d’une autorisation, avertissement) et la DPA (amende). Une application exclusive de la PA – y compris lorsqu’il s’agit d’infliger des amendes – requerrait toutefois l’intervention du législateur. Actuellement, l’application pratique des deux lois à la même procédure paraît peu satisfaisante, surtout si l’on considère qu’en matière de DPA, le contrôle judiciaire est assuré par les tribunaux cantonaux (cf. art. 73 ss DPA). Enfin, l’amende en question étant un moyen de contrainte administrative, une application exclusive de la PA ne semble pas se heurter aux exigences procédurales applicables.

Proposition de citation : Simone Schürch, L’amende de l’AFC dans l’assistance internationale en matière fiscale, in : https://www.lawinside.ch/84/