La cession des actifs compris dans une succession répudiée

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ATF 145 III 499 | TF, 01.10.2019, 5A_689/2018*

Contrairement à l’ancien art. 133 al. 1 ORFI, qui limitait la cession des actifs compris dans une succession répudiée aux seuls biens immobiliers, l’art. 230a al. 1 LP permet la cession de l’ensemble des actifs inventoriés, y compris des créances.

Faits

Après la suspension de la liquidation d’une succession répudiée faute d’actif et la clôture de la procédure, la Confédération, le canton de Berne et une commune exigent, en leur qualité de créanciers, la cession en leur faveur des actifs compris dans la succession.

L’Office des faillites rejette leur demande. Cette décision est confirmée par l’autorité de surveillance du canton de Berne, de sorte que les créanciers introduisent un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit exclusivement déterminer si la cession d’actifs prévue à l’art. 230a al. 1 LP est limitée aux seuls biens immobiliers.

Droit

Selon l’art. 230a al. 1 LP, entré en vigueur le 1er janvier 1997 suite à l’abrogation de l’ancien art. 133 ORFI, les créanciers peuvent – subsidiairement aux héritiers – exiger la cession en leur faveur ou en faveur de certains d’entre eux des actifs compris dans une succession répudiée faute d’actif dont la liquidation a été suspendue, à condition de se déclarer personnellement responsables du paiement des créances garanties par gages et des frais non couverts de la liquidation.

Se fondant sur le libellé de l’ancien art. 133 al. 1 ORFI et sur l’ATF 72 III 113, l’autorité de surveillance a considéré que l’art. 230a al. 1 LP ne vise que les biens immobiliers, à l’exclusion de tous les autres types d’actifs. La ratio legis de cette norme serait en effet uniquement d’éviter que subsistent des choses sans maître.

Le Tribunal fédéral souligne toutefois d’emblée que la notion d’actifs compris dans la succession englobe tous les actifs saisissables répertoriés dans l’inventaire de la faillite. Elle comprend donc également les créances.

Une interprétation historique permet par ailleurs de préciser le sens de l’art. 230a al. 1 LP. Alors que le champ d’application de l’ancien art. 133 al. 1 ORFI était expressément limité aux immeubles, le Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la LP expose en lien avec l’art. 230a al. 1 LP que «  la restriction de son champ d’application aux immeubles ne se justifie plus. Cette disposition s’étend donc à tous les actifs faisant partie de la succession au moment de la suspension de la faillite  » (p. 164). Par la suite, ce point n’a pas fait l’objet de discussions au cours des débats parlementaires. Rien n’indique donc que la portée de l’art. 230a al. 1 LP ne s’étendrait pas à l’ensemble des actifs de la succession.

Selon l’autorité de surveillance, il conviendrait également d’éviter que les créanciers ne puissent atteindre leur but de manière détournée en recourant à l’art. 230a al. 1 LP après avoir renoncé à fournir la sûreté requise pour la liquidation de la faillite selon l’art. 230 al. 2 LP. Le Tribunal fédéral souligne toutefois que, dans ce contexte, une différence de traitement entre les actifs immobiliers et les autres créances ne trouve pas de justification. Il ajoute que, dans le cadre de l’art. 230a al. 1 LP, la priorité revient quoi qu’il en soit aux héritiers, et que les créanciers doivent le cas échéant se déclarer responsables des frais non couverts de la liquidation.

En définitive, l’art. 230a al. 1 LP doit être compris en ce sens qu’il permet la cession de tous les actifs de la succession, et non des seuls actifs immobiliers.

Le recours est donc admis et la cause renvoyée à l’autorité de surveillance afin de déterminer si les actifs réclamés figurent bien dans l’inventaire de la faillite et que les héritiers, prioritaires, ont valablement renoncé à leur cession.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, La cession des actifs compris dans une succession répudiée, in : https://www.lawinside.ch/844/