Le retrait de l’assistance judiciaire pour une preuve à futur

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ATF 141 I 241 | TF, 22.09.2015, 4A_334/2015*

Faits

Une automobiliste effectue une marche arrière et renverse un piéton. En vue d’un procès, la victime sollicite une preuve à futur sous la forme d’une expertise judiciaire et requiert l’assistance judiciaire. Le Tribunal de première instance fait droit à cette requête. Après cette décision, le Tribunal fédéral reconnaît, dans une autre procédure (ATF 140 III 12), qu’il n’existe pas de droit à l’assistance judiciaire en cas de preuve à futur visant à déterminer les chances de succès au sens de l’art. 158 al. 1 lit. b CPC.

En se basant sur cet arrêt, le Tribunal de première instance retire alors l’assistance judiciaire avec effet ex nunc. Le lésé s’oppose à cette décision de retrait jusqu’au Tribunal fédéral qui doit décider si l’autorité de première instance pouvait valablement retirer l’assistance judiciaire.

Droit

L’art. 120 CPC dispose explicitement qu’une décision accordant l’assistance judiciaire peut être retirée si « les conditions d’octroi ne sont plus remplies ou qu’il s’avère qu’elles ne l’ont jamais été ». La révocation de l’assistance judiciaire produit des effets en principe uniquement pour le futur. Le Tribunal fédéral précise que l’ATF 140 III 12 n’a pas consacré un changement de pratique, mais une première décision sur le sujet, de sorte qu’en l’espèce, les conditions de l’assistance judiciaire n’ont jamais été réunies pour une preuve à futur. En outre, la révocation de l’assistance judiciaire ne contrevient pas au principe de l’interdiction de l’effet rétroactif, puisque la décision retire l’assistance judiciaire avec effet ex nunc et non ex tunc.

Le recourant critique ensuite l’ATF 140 III 12 en invoquant plusieurs droits constitutionnels dont celui de l’accès au juge, également garanti par l’art. 6 ch. 1 CEDH. D’après la jurisprudence de la CourEDH, il n’existe cependant pas de droit à obtenir des mesures provisoires, dès lors que celles-ci ne tranchent pas des questions au fond. Seules les procédures portant sur des droits et des obligations civils sont protégées par l’art. 6 CEDH. Exceptionnellement, la CEDH garantit l’accès à un juge pour le prononcé d’une mesure limitée dans le temps qui porte sur le droit ou l’obligation civils également en cause dans le procès principal.

En accordant la possibilité de demander une preuve à futur pour déterminer les chances de gain du procès, le législateur a conféré un droit à obtenir des renseignements sur d’éventuels moyens de preuve. Une telle procédure ne tranche pas des questions de fond  : le juge n’examine pas lui-même les chances de succès ni n’apprécie les moyens de preuve récoltés. Il ne s’agit pas non plus d’accorder provisoirement un droit ou une obligation relevant du procès au fond. Par conséquent, la procédure de preuve à futur (art. 158 al. 1 lit. b CPC) est exclue du champ d’application de l’art. 6 ch. 1 CEDH. De plus, à la différence des causes de droit pénal, la CEDH n’impose pas d’octroyer l’assistance judiciaire à toutes les affaires civiles.

Par conséquent, tous les griefs du recourant sont rejetés et l’ATF 140 III 12 est confirmé.

Le recours est rejeté.

Proposition de citation : Julien Francey, Le retrait de l’assistance judiciaire pour une preuve à futur, in : https://www.lawinside.ch/97/