La détention pour des motifs de sûreté fondée sur le risque de récidive en cas de trafic de haschich

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ATF 146 IV 326 | TF, 02.09.2020, 1B_393/2020*

Un trafic de haschich de grande envergure (plus de 300 kilogrammes) peut sérieusement compromettre la sécurité d’autrui au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP. Dès lors, une détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée à l’encontre d’une personne prévenue pour ces faits, dans la mesure où aucune mesure de substitution n’est à même de pallier le risque de récidive.

Faits

Le 1er octobre 2014, le Tribunal des mineurs du Canton de Genève astreint un jeune homme à un traitement ambulatoire et le condamne à une peine privative de liberté de 30 jours avec sursis pendant deux ans pour entrave à l’action pénale, délit et contravention à la Loi sur les stupéfiants (LStup). Par acte d’accusation du 17 juin 2020, le prévenu est renvoyé en jugement devant le Tribunal correctionnel pour s’être livré, entre fin 2014 et 2020, à un important trafic de haschisch à Genève. Il est détenu pendant deux mois entre avril et juin 2019 puis à nouveau depuis le 1er avril 2020, date à laquelle il est interpellé par la police en possession de cannabis. Le 23 juin 2020, le Tribunal des mesures de contrainte refuse sa mise en liberté et ordonne la mise en détention du prévenu pour des motifs de sûreté jusqu’à la date prévue pour l’audience de jugement de première instance, le 23 septembre 2020.

Après épuisement des voies de recours cantonales, le prévenu forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Il requiert l’annulation de l’arrêt cantonal ainsi que sa libération immédiate, moyennant diverses obligations à sa charge. Le Tribunal fédéral est appelé à préciser les conditions requises pour ordonner une détention pour des motifs de sûreté au sens de l’art. 221 al. 1 CPP.

Droit

L’art. 221 al. 1 let. c CPP permet d’ordonner la détention pour des motifs de sûreté en raison du risque de récidive, à trois conditions : (1) le prévenu a déjà commis de graves infractions du même genre ; (2) ce faisant, il compromet gravement la sécurité d’autrui ; et (3) une récidive est sérieusement à craindre dans le cas concret.

Le recourant conteste en particulier la réalisation de la deuxième condition. À ce propos, le Tribunal fédéral explique que bien que les drogues « douces » tel que le cannabis ne puissent entraîner l’application de l’art. 19 al. 2 let. a LStup (ATF 145 IV 312, consid. 2.1.1, résumé in : LawInside.ch/821/), un trafic de haschich de grande ampleur peut sérieusement compromettre la sécurité d’autrui au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP. En effet, contrairement à l’art. 19 al. 2 let. a LStup, cette disposition n’exige pas que la santé de nombreuses personnes soit mise en danger, mais uniquement que la sécurité d’autrui soit sérieusement compromise par les agissements du prévenu. Or, selon le Tribunal fédéral, le cannabis demeure une substance nocive pour la santé des consommateurs, en particulier pour celle des adolescents, qui se trouvent en phase de développement et sont ainsi plus vulnérables. Dès lors, il considère que la vente de quantités importantes de cannabis, telle que reprochée au recourant en l’espèce, compromet sérieusement la sécurité d’autrui au sens de la disposition susmentionnée.

Les autres conditions de la détention pour motifs de sûreté sont également remplies. En effet, le recourant a déjà été condamné pour infractions à la LStup. Si le risque de récidive, en tant que motif de détention, ne doit être admis qu’avec retenue, le pronostic apparaît clairement défavorable en l’espèce : le recourant est renvoyé en jugement pour s’être livré par métier à un trafic de haschich portant sur une quantité de plusieurs centaines de kilogrammes (300 au minimum). De plus, il a admis avoir vendu de la résine de cannabis à plusieurs reprises, après une brève incarcération et alors même qu’une procédure pénale était pendante contre lui.

Finalement, le Tribunal fédéral confirme qu’au regard des circonstances concrètes, c’est à bon droit que l’instance précédente a retenu que les mesures de substitution (art. 237 CPP) suggérées ne permettaient pas de pallier le risque de récidive.  La détention est ainsi conforme au principe de proportionnalité.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Marion Chautard, La détention pour des motifs de sûreté fondée sur le risque de récidive en cas de trafic de haschich, in : https://www.lawinside.ch/970/