La qualité de partie du détenteur des renseignements en assistance administrative fiscale

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TF, 13.07.2020, 2C_417/2019

En matière d’assistance administrative fiscale, une banque détentrice des renseignements dispose de la qualité de partie si elle est touchée par la procédure dans son intérêt propre et digne de protection. Tel est notamment le cas lorsque, en raison des circonstances concrètes, la banque est touchée dans une même intensité par la procédure que la personne formellement visée. La qualité de partie de la banque peut ainsi être admise lorsqu’elle est tenue de délivrer des informations relatives à ses propres affaires ou lorsqu’il est prévisible que l’Etat requérant utilisera les données obtenues en violation du principe de spécialité à l’encontre de la banque dans une procédure pénale subséquente.

Faits

Dans une procédure d’assistance administrative fiscale visant des contribuables présumés français, la Direction générale des finances publiques française sollicite de l’Administration fédérale des contributions (AFC) la transmission d’informations bancaires concernant les contribuables détenues par deux banques en Suisse.

Les banques requièrent que la qualité de partie leur soit accordée. L’AFC refuse, estimant que seule la personne formellement concernée par la demande d’assistance (cf. art. 3 let. a LAAF) a la qualité pour participer à la procédure, mais non pas le détenteur des renseignements (cf. art. 3 let. b LAAF). Le Tribunal administratif fédéral confirme la position de l’AFC.

Les banques forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la qualité de partie de la banque en tant que détentrice des renseignements dans une procédure d’assistance administrative fiscale concernant l’un de ses clients.

Droit

La recevabilité du recours est subordonnée à l’existence d’une question juridique de principe (art. 84a LTF). En l’occurrence, même si le Tribunal fédéral semble avoir dénié au détenteur de renseignements la qualité de partie dans l’ATF 139 II 404, il n’a jamais expressément tranché la question. Il a d’ailleurs laissé cette question ouverte dans l’ATF 146 II 150 relatif à l’affaire UBS (résumé in : LawInside.ch/851). Il se justifie donc de clarifier la question et d’entrer en matière sur le recours.

La question de la qualité de partie se détermine selon la qualité pour recourir. Dans la mesure où une personne peut recourir contre une décision, alors la qualité de partie doit lui être accordée dès la procédure de première instance. En assistance administrative, la qualité pour recourir se détermine selon l’art. 48 PA qui règle de manière générale la qualité pour recourir en procédure administrative (cf. art. 19 al. 2 LAAF).

Ainsi, la qualité de partie est reconnue à la banque détentrice des renseignements (cf. art. 3 let. b LAAF) si elle est touchée par la décision de l’AFC dans son intérêt propre et digne de protection (cf. art. 48 al. 1 let. c PA). Dans ce sens, la décision de l’AFC doit causer un préjudice matériel et concret à la banque. Le Tribunal fédéral relève également qu’en matière d’entraide pénale, la qualité de partie est reconnue à la banque que dans la mesure où celle-ci doit délivrer des informations relatives à ses propres affaires, et non pas lorsqu’elle doit renseigner sur ses clients. Il se justifie d’adopter cette même approche en assistance administrative fiscale. Cela étant, la qualité de partie pourrait également être reconnue à la banque lorsque, en raison des circonstances concrètes, elle est touchée dans une même intensité par la procédure que la personne formellement visée. Tel pourrait être le cas si la banque parvient à prouver, avec des éléments concrets, que l’Etat requérant utilisera les données obtenues en violation du principe de spécialité à l’encontre de la banque dans une procédure pénale subséquente. Ce raisonnement résulte du droit de ne pas s’auto-incriminer (art. 6 par. 1 CEDH).

Enfin, le Tribunal souligne que ce n’est qu’avec retenue que la qualité de partie peut être accordée à une banque, étant donné que les règles de procédure administrative ne sauraient entraver ou retarder indûment l’échange effectif de renseignements (cf. ch. XI. du Protocole additionnel à la CDI CH-FR et art. 4 al. 2 LAAF).

En l’espèce, les banques ne parviennent pas à démontrer que la France procédera à un usage des données à leur encontre dans une procédure pénale subséquente, en violation du principe de spécialité. Par ailleurs, l’éventuelle atteinte à la réputation aux banques ne suffit pas à leur conférer la qualité de partie.

Par conséquent, c’est à juste titre que l’AFC a refusé d’accorder la qualité de partie aux banques. Le recours est donc rejeté.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La qualité de partie du détenteur des renseignements en assistance administrative fiscale, in : https://www.lawinside.ch/982/