Entrées par Ariane Legler

Le séquestre portant sur des biens d’une succession indivise

TF, 31.10.2022, 5A_103/2022*

L’absence d’exécution du séquestre du vivant du défunt n’exclut pas nécessairement la possibilité de séquestrer des biens d’une succession indivise. Par conséquent, la demande de séquestre peut être dirigée contre la succession indivise (art. 49 LP) si les biens du défunt situés en Suisse au moment du décès auraient pu être séquestrés et qu’un for de poursuite (art. 52 LP) aurait ainsi pu être créé.

Faits

Un individu dépose une demande de séquestre à l’encontre de la succession de son frère défunt. Il requiert le séquestre de valeurs patrimoniales qui appartenaient à son frère. Simultanément, il dépose une demande de déclaration d’exequatur d’un jugement statuant sur un litige l’opposant à son frère et rendu avant le décès de ce dernier par un tribunal d’un État membre de la Convention de Lugano.

Le Bezirksgericht de Zurich rejette la demande de séquestre et n’entre pas en matière sur la demande d’exequatur simultanée, faute d’intérêt digne de protection. Le frère du défunt recourt contre ce jugement auprès de l’Obergericht zurichois, qui rejette le recours.

Saisi d’un recours en matière civile, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si le séquestre au sens de l’art.Lire la suite

Licenciement collectif : la notion d’établissement au sens de l’art. 355d CO

TF, 18.07.2022, 4A_531/2021*

Le fait que plusieurs établissements soient proches d’un point de vue géographique n’est pas déterminant pour apprécier la notion d’établissement au sens de l’art. 335d CO et ainsi déterminer si les seuils relatifs au licenciement collectif sont atteints. Les licenciements prononcés doivent être comptabilisés séparément.

Faits

Une femme est employée par la Poste CH SA dans une filiale du canton de Vaud de l’unité « RéseauPostal ». Cette unité gère toutes les filiales, lesquelles sont généralement gérées par un « responsable filiale ».

Suite à son licenciement, l’employée conteste celui-ci notamment au motif qu’il ne respecterait pas les procédures en lien avec les licenciements collectifs, ce qui le rendrait abusif.

L’employée dépose une demande auprès du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de l’Est vaudois. Elle estime que l’office postal au sein duquel elle travaille n’est pas un « établissement » au sens de l’art. 335d CO, mais que c’est au contraire l’unité « RéseauPostal », s’étendant à toute la Suisse, qui constitue un tel établissement. Partant, les seuils correspondants seraient atteints de sorte que son congé aurait dû être traité comme un licenciement collectif.

Tant le Tribunal de prud’hommes que le Tribunal cantonal rejettent ce raisonnement ainsi que la demande, en se ralliant à l’avis de l’employeuse selon lequel chaque filiale postale constitue un établissement indépendant.… Lire la suite

La restriction de l’accès au dossier pénal à l’encontre d’une partie plaignante quasi-étatique

TF, 06.09.2022, 1B_601/2021

L’accès au dossier d’une partie plaignante étrangère et quasi-étatique peut être restreint s’il existe un risque que celle-ci transmette – en contournement des règles de l’entraide judiciaire – des pièces du dossier pénal suisse à l’État en question, et que ce dernier les utilise directement en tant que moyens de preuve pour sa procédure pénale nationale. Cela vaut même en l’absence de procédure pénale dans l’État en question et en l’absence d’une demande d’entraide pendante de cet État.

Faits

Suite à une plainte pénale déposée par une compagnie pétrolière appartenant à l’État vénézuélien, le Ministère public genevois (MP/GE) instruit une enquête contre trois employés ou prestataires de services pour un groupe, pour complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 322septies CP), blanchiment d’argent (art. 305bis CP) et soustraction de données (art. 143 CP).

Le MP/GE confirme la qualité de partie plaignante de la compagnie pétrolière et lui octroie le droit de consulter le dossier sans restriction.

Après plusieurs recours rejetés ou jugés irrecevables par le Tribunal fédéral, les trois individus – entretemps prévenus – demandent que des mesures de protection et de restriction à l’encontre de la société plaignante et de son conseil soient mises en oeuvre, en particulier l’obligation pour la partie plaignante de garder le silence (art.Lire la suite

La renonciation à porter plainte pénale et le droit à l’information de la victime

TF, 08.08.2022, 1B_694/2021

La renonciation à porter plainte au sens de l’art. 120 CPP n’est pas définitive lorsque la personne a été induite à faire sa déclaration par une information inexacte des autorités (art. 386 al. 3 CPP p.an.). Tel est notamment le cas lorsque la victime n’a pas été informée de ses droits conformément à la LAVI (art. 305 CPP).

Faits

Le 13 février 2021, un ressortissant marocain, requérant d’asile en Suisse, arrive en état d’ébriété au Centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) de Boudry à Neuchâtel. Deux agents de sécurité privés le placent dans un container de dégrisement, dans lequel se trouvent déjà deux autres personnes.

Peu de temps après, une altercation survient entre les trois individus. Torse nu et agité, le ressortissant marocain est placé par les agents dans un autre container qui n’a pas été préalablement chauffé. Il subit un malaise et est emmené à l’hôpital en ambulance.

Le lendemain, il est entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, en présence d’un interprète. En début d’audition, la police ne l’informe pas de ses droits en qualité de victime et lui indique qu’il peut être assisté d’un avocat de son choix, à ses frais.… Lire la suite

Les chauffeurs Uber sont-ils des employés ?

TF, 30.05.2022, 2C_34/2021

Il n’est pas arbitraire de retenir l’existence d’un contrat de travail entre les chauffeurs Uber opérant à Genève et leur cocontractant Uber B.V.. Ainsi, cette société doit être qualifiée d’”exploitant d’entreprise de transport” au sens de l’art. 4 let. c LTVTC/GE et respecter les obligations y afférentes, notamment en matière de protection sociale et de conditions de travail des chauffeurs.

Faits

Suite à l’entrée en vigueur de la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC/GE) en juillet 2017, la société Uber Switzerland Gmbh avec siège à Zurich (“Uber CH”) dépose une annonce de l’activité de diffuseur de courses auprès du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (“Service cantonal”). Ce dernier délivre à Uber CH une attestation d’annonce.

En mars 2019, un chauffeur VTC ayant travaillé avec l’application Uber Driver interpelle le Service cantonal sur la légalité de la suspension de son compte sans préavis par Uber. Le Service cantonal transmet le cas à la Direction de l’Office cantonal du travail, qui entend plusieurs chauffeurs dans ses locaux.

Le 28 juin 2019, le Service cantonal informe Uber CH de son intention de requalifier le statut de l’entreprise.… Lire la suite