Entrées par Camille de Salis

L’exception de compensation lors d’une procédure de cas clair

TF, 09.11.2022, 4A_333/2022*

Un·e locataire qui fait valoir des créances contestées dans le cadre d’une procédure de cas clair (art. 257 CPC) à titre de compensation des loyers impayés pour faire obstacle à son expulsion (art. 257d CO) doit pouvoir prouver immédiatement l’existence de ces créances. Produire une liste de défauts non établis, sans chiffrer les créances, n’est pas suffisant.

Faits

Par lettre recommandée du 16 décembre 2020, une bailleresse somme son locataire et son épouse de payer, dans les 30 jours, un montant de CHF 13’050 correspondant à plusieurs mois de loyers impayés, en les menaçant de résilier le bail en cas de non-paiement dans les délais (art. 257d CO). Le 19 janvier 2021, après n’avoir reçu qu’une partie du paiement demandé, la bailleresse résilie le bail pour le 28 février 2021 au moyen de la formule officielle.

Le 2 mars 2021, la bailleresse ouvre action en cas clair (art. 257 CPC) pour demander l’expulsion des locataires. Le Bezirksgericht d’Aarau n’entre pas en matière (art. 257 al. 3 CPC), ce que confirme l’Obergericht. Le Tribunal fédéral admet le recours contre cette décision (4A_452/2021) et renvoie l’affaire à l’Obergericht, qui admet la demande de la bailleresse et ordonne aux locataires de quitter les locaux dans un délai de dix jours.… Lire la suite

La protection du lapin en chocolat Lindt par le droit des marques

TF, 30.08.2022, 4A_587/2021*

Le lapin en chocolat de Lidl ne se distingue pas suffisamment de celui de Lindt. Il existe un risque de confusion entre les deux produits (art. 3 al. 1 let. c LPM). Le lapin de Lindt bénéficie de la protection de la LPM face au produit concurrent de Lidl. 

Faits

La société anonyme Lindt & Sprüngli est titulaire de la marque n° 696955, enregistrée en 2016 au registre suisse en tant que marque tridimensionnelle pour les produits « chocolat, produits en chocolat, figurines en chocolat », représentant un lapin. Depuis 2005, la société est également titulaire de la marque P-536640, portant aussi sur les produits « chocolats, produits en chocolat », prévoyant les couleurs « or, brun, rouge ». La société anonyme Lidl vend aussi des lapins en chocolat, dont l’aspect rappelle ceux de Lindt.

Après l’échec de sa demande de mesures superprovisionnelles, Lindt ouvre action devant le Handelsgericht du canton d’Argovie. À l’appui de ses prétentions, la demanderesse fait valoir que les lapins en chocolat commercialisés par la défenderesse s’inspirent fortement de la forme et de l’équipement des siens, invoquant en particulier la LPM.

Déboutée par le Handelsgericht, la demanderesse exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le lapin de Lindt bénéficie de la protection du droit des marques face au produit concurrent de Lidl.… Lire la suite

La désignation suffisante d’un·e prévenu·e dans une ordonnance pénale

TF, 27.09.2022, 6B_1325/2021*, 6B_1348/2021*

Dans une ordonnance pénale, la désignation du ou de la prévenu·e doit être « suffisante ». Si ses données personnelles sont totalement ou partiellement inconnues, l’autorité peut le ou la désigner à l’aide d’une description générique et de données signalétiques, si cela permet d’être certain que la personne qui fait l’objet de la procédure est bien celle qui y est désignée, à l’exclusion de toute autre.

Faits

Par ordonnance pénale, le Ministère public de l’arrondissement de la Côte reconnaît « Inconnu[e] xxx, alias B., de sexe féminin, de type caucasien, cheveux bruns, yeux foncés, numéro de profil signalétique : PCN yyy, sans domicile connu » coupable de violation de domicile, d’empêchement d’accomplir un acte officiel et d’insoumission à une décision de l’autorité. Elle avait pénétré et occupé la colline du Mormont. Le Ministère public la condamne notamment à une peine privative de liberté de 60 jours.

L’avocate de la prévenue déclare agir pour « Inconnue xxx, numéro de profil signalétique : PCN yyy » et forme opposition à cette ordonnance. Elle annexe à son écriture une procuration, par laquelle l’inconnue, alias B., déclare la mandater et confirme l’opposition de manière manuscrite, suivie de deux empreintes digitales. Au cours de la procédure, l’avocate est remplacée par un avocat, au bénéfice d’une procuration similaire.… Lire la suite

L’art. 224 CP et la théorie de la représentation

ATF 148 IV 247 | TF, 27.04.2022, 6B_795/2021*

Conformément à la théorie de la représentation, un danger collectif au sens de l’art. 224 CP peut être retenu en cas de mise en danger d’une seule personne ou d’une seule chose, à condition qu’elle n’ait pas été prise pour cible à l’avance mais soit atteinte par le seul effet du hasard, de sorte qu’elle apparaît comme une représentante de la collectivité.

Faits

En novembre 2018, un homme fixe une fusée pyrotechnique sur un radar semi-stationnaire de contrôle de la vitesse dans une localité et en allume la mèche. La détonation cause des dommages matériels à hauteur de plus de CHF 11’000 à l’installation.

Le Strafgericht de Bâle-Campagne le condamne pour dommages à la propriété (art. 144 CP). Sur appel du Ministère public, le Kantonsgericht confirme cette décision. Le Ministère public exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si les éléments constitutifs de l’infraction d’emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224 CP), en particulier la mise en danger d’autrui, sont réalisés.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler la teneur de l’art. 224 CP, selon lequel celui qui, intentionnellement et dans un dessein délictueux, aura, au moyen d’explosifs ou de gaz toxiques, exposé à un danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes, ou la propriété d’autrui, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins.… Lire la suite

Manifestations non autorisées et liberté d’expression

TF, 31.08.22, 6B_655/2022

Même lorsqu’une manifestation n’a pas été autorisée, les forces de l’ordre doivent faire preuve d’une certaine tolérance à l’égard des rassemblements pacifiques, ce qui implique une pesée des intérêts en présence. En l’espèce, l’état de fait établi par le Tribunal cantonal vaudois est lacunaire et justifie le renvoi de l’affaire afin qu’il le complète.

Faits

Entre septembre 2019 et juin 2020, un homme participe à plusieurs manifestations pacifiques non autorisées (mais annoncées par leurs organisateurs·ices aux autorités compétentes), au cours desquelles il contribue au blocage de certains axes de circulation routière. Évacué par les forces de l’ordre, il leur oppose une résistance physique en s’agrippant aux autres manifestant·es ou à des objets mobiliers.

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne déclare le manifestant coupable notamment d’entrave aux services d’intérêt général (art. 239 ch. 1 CP), d’empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR). Il le condamne à une peine pécuniaire et à une amende. Sur appel, le Tribunal cantonal vaudois réduit les peines et, pour le surplus, confirme le jugement attaqué. Le condamné exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, en invoquant notamment les art.Lire la suite