Entrées par Camille de Salis

Le niveau de planification requis par l’art. 16a al. 3 LAT

TF, 20.11.2023, 1C_526/2022*

L’art. 16a al. 3 LAT, permettant les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne d’une exploitation agricole, nécessite une planification d’affectation. La simple désignation d’une zone agricole spéciale au niveau de la planification directrice n’est pas suffisante.

Faits

Dans la commune genevoise de Bernex, des copropriétaires d’une parcelle en zone agricole exploitent une serre par le biais d’une entreprise. Cette dernière dépose une demande d’autorisation de construire auprès du Département cantonal du territoire (le DT), portant sur la surélévation de la serre existante et l’amélioration de l’ergonomie de travail.

Le DT délivre l’autorisation requise. Les propriétaires d’une parcelle située à proximité déposent un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance, qui le rejette. La Chambre administrative de la Cour de justice en fait de même.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, les propriétaires de la parcelle voisine saisissent le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à préciser le niveau de planification requis par l’art. 16a al. 3 LAT.

Droit

Les recourants font en particulier valoir une violation de l’art. 16a al. 3 LAT.… Lire la suite

Principe in dubio pro duriore et expertise de crédibilité d’un·e enfant

TF, 24.10.2023, 7B_28/2023

Il n’y a pas de violation du principe in dubio pro duriore lorsque le classement (art. 319 al. 1 lit. a CPP) intervient à la suite d’une enquête approfondie ne révélant aucun moyen de preuve objectif, y compris une expertise de crédibilité d’une enfant supposément victime de violences sexuelles de la part de son père.

Faits

À la suite d’un divorce, la garde d’une enfant est attribuée à sa mère, tandis que son père dispose d’un droit de visite. Dès le divorce, l’exercice du droit de visite représente une source de conflit entre les parents.

Cinq ans après le divorce, la mère dépose une plainte pénale contre le père, pour de prétendus actes d’ordre sexuel commis sur leur fille, alors âgée de sept ans. D’autres accusations s’y ajoutent ensuite : viols multiples, contraintes sexuelles multiples, pornographie et menaces, toujours au détriment de l’enfant.

À la suite du classement de la procédure par le Ministère public soleurois, la mère saisit l’Obergericht, sans succès. Elle exerce ensuite un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit examiner si l’instance précédente a pu nier sans arbitraire l’existence de soupçons suffisants, ce qui justifierait un classement (art.Lire la suite

L’examen de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 80a LEI)

TF, 15.09.2023, 2C_457/2023*

Une personne détenue dans le cadre de la procédure Dublin ne renonce pas définitivement au contrôle judiciaire de sa détention par le simple fait de cocher une case en ce sens sur un formulaire. L’autorité judiciaire qui n’entre pas en matière sur la demande subséquente de contrôle viole le droit d’accès à un·e juge de la personne détenue.

Faits

Soupçonné de voyager sans titre de transport valable, un ressortissant marocain est contrôlé le 9 août 2023. Il ne présente pas de documents d’identité valables. Il ressort du système d’information Schengen qu’il est interdit d’entrée en Italie et aux Pays-Bas. Il est arrêté provisoirement sur ordre de l’Office des migrations de Bâle-Ville.

Le lendemain, le concerné dépose une demande d’asile pour la Suisse. Parallèlement, l’Office des migrations ordonne sa mise en détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 76a LEI) pour une durée de sept semaines. Le 21 août 2023, sa représentante juridique requiert le contrôle judiciaire de sa détention. L’Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville n’entre pas en matière sur cette demande, au motif que le détenu aurait préalablement renoncé au contrôle judiciaire de sa détention.

Par la voie d’un recours en matière de droit public, le détenu saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’autorité précédente a violé le droit applicable en refusant d’entrer en matière sur la demande de contrôle judiciaire de sa détention.… Lire la suite

La condamnation pour incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) et la liberté d’expression : le cas de la Grève du Climat

TPF, 03.07.2023, SK.2023.4

La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral acquitte trois militants climatiques prévenus de provocation et d’incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) après leur appel à la grève militaire. Une condamnation en raison de leurs propos, pacifiques et détachés de toute déprédation, serait disproportionnée et constituerait une violation de la liberté d’expression consacrée par la CEDH et la Constitution.

Faits

Le 11 mai 2020, un article au nom de la Grève du Climat est publié sur internet depuis le territoire suisse. Intitulé « L’Armée, je boycotte », il comprend notamment les passages suivants : « La Grève du Climat appelle à faire grève militaire. Par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire » et « Si vous êtes appelé au service militaire, n’y allez pas ». L’article indique également que la Grève du Climat s’engage à tenter de soutenir les personnes qui recevraient des ordonnances pénales et autres répressions en lien avec cette action.

Un Conseiller national dépose une dénonciation contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour provocation et incitation à la violation des devoirs militaires (art.Lire la suite

Le principe de la légalité et les prestations en espèces en tant que mesures disciplinaires visant des étudiant·es

TF, 08.09.2023, 2C_694/2021*

Une mesure disciplinaire qui prévoit des prestations en espèces allant jusqu’à CHF 4’000.- ne saurait être qualifiée de légère lorsqu’elle vise des étudiant·es, a fortiori lorsqu’une exclusion allant jusqu’à six semestres peut être prononcée en cas de non-paiement. Elle doit donc figurer dans une loi au sens formel et être édictée par l’organe compétent (art. 5 al. 1 Cst. cum art. 38 Cst./ZH).

Faits

Le 25 mai 2020, l’Université de Zurich rend une décision prévoyant l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2020, d’une nouvelle ordonnance disciplinaire. Le §11 de l’ordonnance prévoit, parmi les mesures disciplinaires, des prestations en espèces au profit de l’Université de Zurich allant jusqu’à CHF 4’000.-, en tenant compte de la situation financière de la personne concernée (al. 1 lit. c et al. 3). Si, malgré un rappel, les prestations en espèces ne sont pas fournies, l’organe disciplinaire a le pouvoir d’ordonner une exclusion temporaire de l’Université de Zurich pour une durée allant jusqu’à six semestres (al. 4).

Représentés par deux titulaires de masters en droit, tant l’Association des étudiant·es de l’Université de Zurich que son coprésident saisissent le Verwaltungsgericht du canton de Zurich. Ce dernier admet le recours s’agissant des dispositions susmentionnées et les annule.… Lire la suite