Entrées par Célian Hirsch

Le comportement passif de l’autorité comme réduction de la culpabilité

TF, 26.11.2015, 6B_917/2014

Faits

En octobre 2007, l’Office fédéral des assurances privées (OFAP) informe une société, dont le but est de “mettre en place et favoriser les cautionnements de loyers, à la demande de locataires, en faveur de leurs bailleurs”, que son activité nécessite une autorisation. L’OFAP la rend également attentive aux conséquences pénales de l’exercice de son activité sans autorisation. La société demande à l’OFAP qu’elle lui accorde plus de temps afin de pouvoir mettre en place un partenariat avec une assurance et ainsi respecter l’obligation de disposer d’une autorisation.

En décembre 2008, la société annonce à l’OFAP qu’elle n’a pas réussi à mettre en place ce partenariat. En avril 2009, la FINMA, qui a remplacé l’OFAP en matière de surveillance, constate formellement que la société exerce une activité en matière d’assurance et donc qu’elle nécessite d’une autorisation.

Le responsable opérationnel de cette société est poursuivi en justice pour avoir exercé l’activité d’assurance sans autorisation (art. 44 LFINMA). Le Tribunal pénal fédéral (TPF) le condamne ainsi à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 390 francs par jour.

Le prévenu recourt contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral. Il prétend que les autorités fédérales auraient adopté des comportements contradictoires, notamment en tolérant l’activité de sa société avant de le condamner par la suite.… Lire la suite

La conduite prétendument illicite d’un policier

ATF 141 IV 417 | TF, 04.11.2015, 6B_1025/2015*

Faits

Alors qu’il conduisait une voiture civile, un policier se fait dépasser par un conducteur qui ne respecte pas la limite de vitesse. Le policier active la caméra à l’intérieur de son véhicule et poursuit le conducteur. Lors de cette poursuite, le policier effectue un dépassement par la droite sur une autoroute.

L’enregistrement vidéo fait depuis la voiture du policier permet de prouver le comportement pénalement répréhensible du conducteur ; celui-ci est condamné pour violation grave d’une règle de la circulation au sens de l’art. 90 al. 2 LCR.

Le conducteur recourt au Tribunal fédéral et invoque le fait que le dépassement par la droite effectué par le policier constitue un comportement illicite. Dès lors, puisque l’enregistrement par la caméra de la voiture du policier a été acquis par un comportement illicite, cette preuve ne pouvait pas être exploitée (art. 141 al. 2 CPP).

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que différentes bases légales pour les contrôles policiers existent tant au niveau fédéral (OCR, OOCCR-OFROU) que cantonal (la loi sur la police zurichoise trouve application dans le cas d’espèce). Couplées à l’art. 14 CP, ces dispositions lèvent l’illicéité de certains comportements du policier, notamment les violations des règles de la route.… Lire la suite

L’assistance administrative internationale suite à un vol de données bancaires (TAF)

Note : cet arrêt a été cassé par le Tribunal fédéral par l’ATF 143 II 202. Pour un résumé complet de l’arrêt du Tribunal fédéral, cf. https://www.lawinside.ch/405/.

ATAF, 15.09.2015, A-6843/2014

Faits

En décembre 2013, la Direction générale des finances publiques française (autorité française) adresse à l’Administration fédérale des contributions (AFC) une demande d’assistance administrative en vue d’obtenir des informations sur des contribuables français figurant dans trois différentes listes. L’autorité française souhaite avoir les « références de tous les comptes bancaires dont les contribuables listés dans les annexes 1, 2 et 3 (y compris leur conjoint et leurs ayants droit le cas échéant) sont directement ou indirectement titulaires, quelles que soient les structures interposées, ou ayants droit économiques au sein de la banque UBS ainsi que ceux pour lesquels ils disposent d’une procuration ».

Informé de cette procédure, un contribuable s’oppose à toute transmission d’informations qui le concernent. À la suite d’une correspondance avec le contribuable, l’AFC décide de faire suite à la demande d’assistance administrative de l’autorité française.

Le contribuable attaque cette décision devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Il fait valoir, entre autres griefs, que la demande d’assistance administrative se fonde sur des données volées.

Le TAF doit dès lors établir si la demande des autorités françaises se fonde sur des données volées, et, si tel est le cas, déterminer quelles en sont les conséquences.… Lire la suite

La validité d’une clause arbitrale pathologique

TF, 03.06.2015, 4A_676/2014

Faits

Une fondation de droit néerlandais conclut un contrat avec une société de droit américain. Le contrat contient la clause suivante :

This agreement shall be interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany

À la suite d’un litige, la fondation notifie une requête d’arbitrage au secrétariat de la Cour d’arbitrage de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Un Tribunal arbitral composé de trois arbitres est constitué et se penche sur sa propre compétence. Sur ce point, le Tribunal arbitral considère qu’il n’y a pas de clause arbitrale valable après avoir procédé à une interprétation subjective et objective du contrat. Il considère que cette clause se rapproche d’une élection de droit. Partant, le Tribunal arbitral se déclare incompétent.

La société forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral pour violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Elle soutient que le Tribunal arbitral s’est déclaré à tort incompétent.

Le Tribunal fédéral doit déterminer si la clause litigieuse peut être considérée comme une clause arbitrale valable au regard du droit suisse.… Lire la suite

Le conflit d’intérêts dans la représentation de plusieurs prévenus

ATF 141 IV 257 | TF, 28.07.2015, 1B_98/2015*

Faits

En 2012, le syndicat UNIA a décerné à une Sàrl la palme d’or du mauvais employeur du canton de Neuchâtel. Celle-ci a déposé plainte pénale pour calomnie et diffamation à l’encontre de trois syndicalistes et de trois de ses anciens employés. Un seul avocat s’est constitué pour la défense de tous les prévenus.

La juge du Tribunal de police a interdit à l’avocat de représenter les six prévenus. Ceux-ci, ainsi que l’avocat, ont recouru contre cette décision. L’Autorité de recours a confirmé la décision en retenant qu’une défense efficace imposait que les deux groupes – les trois syndicalistes et les trois anciens employés – soient défendus par des avocats différents.

Les six prévenus et l’avocat forment un recours en matière pénale. Le Tribunal fédéral doit dès lors se déterminer sur la question du conflit d’intérêts de l’avocat qui représente plusieurs prévenus dans une même procédure.

Droit

L’art. 127 al. 3 CPP prévoit que “[d]ans les limites de la loi et des règles de sa profession, un conseil juridique peut défendre les intérêts de plusieurs participants à la procédure dans la même procédure”. Puisque seul un avocat peut représenter des prévenus (art.Lire la suite