Entrées par Emilie Jacot-Guillarmod

La prévoyance professionnelle lors du divorce d’époux mariés avant 1995

ATF 141 V 667 | TF, 03.11.15, 9C_266/2015*

Faits

Un couple marié depuis 1993 divorce. S’agissant de la prévoyance professionnelle, le jugement de divorce prévoit la répartition par moitié des prestations de sorties des conjoints. L’affaire est déférée au tribunal compétent pour qu’il statue sur le montant de la créance en partage de la prévoyance professionnelle.

Le prononcé sur le montant susmentionné est contesté devant le Tribunal fédéral. Il se pose en particulier la question de la méthode de détermination de la créance en partage de la prévoyance professionnelle pour des époux qui se sont mariés avant l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la prestation de libre passage (LFLP).

Droit

En cas de divorce, l’art. 122 al. 1 CC prévoit que lorsque l’un des époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu’aucun cas de prévoyance n’est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du mariage selon les dispositions de la LFLP. Lorsque les conjoints ont des créances réciproques, seule la différence entre ces deux créances doit être partagée.

La prestation de sortie calculée pour la durée du mariage correspond à la différence entre la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre-passage au moment du divorce et la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre-passage qui existait au moment du mariage (art.Lire la suite

L’internement à vie

ATF 141 IV 423 | TF, 05.11.15, 6B_217/2015*

Faits

Un délinquant sexuel multirécidiviste est incarcéré durant de longues années et bénéficie d’un suivi psychiatrique. Peu après sa mise en liberté, il commet deux nouvelles infractions. Son mode opératoire consiste à faire absorber un somnifère à ses victimes à leur insu, puis à abuser d’elles sexuellement.

Le délinquant est condamné en première instance pour contrainte sexuelle (art. 189 CP) à quatre ans et demi de prison et à l’internement à vie. Le jugement est confirmé sur appel.

Le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si les conditions de l’internement à vie sont remplies en l’espèce.

Droit

Aux termes de l’art. 64 al. 1bis CP, l’internement à vie est prononcé si l’auteur a commis l’un des crimes énumérés dans la disposition, et que, cumulativement, (let. a) il a porté ou voulu porter une atteinte particulièrement grave à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui ; (let. b) il est hautement probable qu’il commette à nouveau un de ces crimes ; et (let. c) l’auteur est qualifié de durablement non amendable, la thérapie semblant vouée à l’échec sur le long terme.

Le Tribunal fédéral souligne que l’internement à vie est soumis à des exigences très élevées, ceci valant non seulement pour l’incurabilité (let.Lire la suite

Amiante et prescription – révision de l’ATF suite à l’arrêt de la CourEDH

TF, 11.11.2015, 4F_15/2014*

Faits

Un employé contracte un cancer, sans doute à la suite de son exposition à de l’amiante lors de son travail. Il dépose une action en justice contre son employeur et décède de sa maladie peu après. Ses héritiers poursuivent sans succès la procédure, toutes les instances suisses jugeant la prétention prescrite. Ils portent l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (la CourEDH ), qui constate une violation de l’art. 6 par. 1 CEDH (CourEDH, Howald et autres c. Suisse).

Les héritiers du lésé demandent alors la révision du jugement du Tribunal fédéral qui les avait déboutés. L’arrêt porte ainsi sur les conditions d’une révision d’un arrêt du Tribunal fédéral à la suite d’une condamnation par la CourEDH.

Droit

L’art. 122 LTF permet de demander la révision d’un arrêt du Tribunal fédéral aux conditions cumulatives (let. a) que la CourEDH ait constaté de façon définitive une violation de la CEDH, (let. b) qu’une indemnité ne soit pas de nature à remédier aux effets de la violation et (let. c) que la révision soit nécessaire pour remédier aux effets de la violation. En l’espèce, il n’est pas contesté que la première condition est remplie.… Lire la suite

La modification notable d’une installation (art. 8 al. 3 OPB)

ATF 141 II 483 | TF, 14.10.2015, 1C_506/2014*

Faits

Des travaux d’envergure sur la route nationale N 1 sont prévus. L’approbation du plan y relatif est contestée avec succès devant le Tribunal administratif fédéral, au motif que l’assainissement contre les nuisances sonores serait insuffisant.

Le Département fédéral compétent recourt au Tribunal fédéral, qui doit clarifier la notion de modification notable d’une installation.

Droit

La législation sur la protection de l’environnement soumet la modification d’une installation existante à des régimes différents selon qu’elle doit être ou non qualifiée de notable. Une modification qui n’est pas notable ne donne pas lieu à une obligation d’assainir, les émissions devant uniquement être limitées dans la mesure de ce qui est réalisable sur le plan de la technique et de l’exploitation et économiquement supportable (art. 8 al. 1 OPB). En revanche, en cas de modification notable, les valeurs limites d’immission ne peuvent être dépassées (art. 18 LPE, art. 8 al. 2 OPB). Aux termes de l’art. 8 al. 3 OPB, une modification est notable lorsqu’il y a lieu de s’attendre à ce que l’installation même ou l’utilisation accrue des voies de communication existantes entraîne la perception d’immissions de bruit plus élevées, la reconstruction d’installations étant considérée dans tous les cas comme une modification notable.Lire la suite

L’aide sociale aux détenteurs de permis L

ATF 141 V 688 | TF, 22.10.2015, 8C_897/2014*

Faits

Un ressortissant étranger s’établit en Suisse et bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE de type L, permis qui est délivré aux travailleurs de l’Union européenne qui souhaitent s’installer en Suisse pour une durée inférieure à un an, dans le cadre d’un contrat de travail ou non. Il effectue une brève mission temporaire, mais est sans emploi pour le surplus. Il requiert l’aide sociale dans sa commune, ce qu’elle lui refuse au motif qu’il ne possède qu’un permis L et ne travaille pas. L’aide d’urgence lui est en revanche accordée. Cette décision est confirmée pour l’essentiel par les autorités cantonales de recours.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si et le cas échéant à quelles conditions il est admissible d’exclure les détenteurs de permis L de l’aide sociale ordinaire.

Droit

L’aide sociale relève pour l’essentiel de la compétence cantonale. Étant un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, le recourant peut en outre se prévaloir de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (l’ALCP).

L’ALCP autorise la Suisse à exclure certaines catégories de personnes de l’aide sociale, y compris les titulaires de permis L (art.Lire la suite