Entrées par Marie-Hélène Peter-Spiess

La « Lozärner Bier Lager » non produite à Lucerne : tromperie au sens de la LDAI ?

ATF 144 II 386 | TF, 25.06.18, 2C_761/2017*

Une tromperie au sens de la législation sur les denrées alimentaires peut être due à des caractéristiques individuelles de la présentation d’un produit, mais également à son aspect global. Pour savoir s’il y a tromperie, il convient de se baser sur les impressions du consommateur moyen. Il suffit que le produit soit objectivement propice à tromper le consommateur (“objektive Eignung sur Täuschung”), sans qu’il faille prouver qu’un certain nombre de consommateurs ont effectivement été induits en erreur.

Faits

Lozärner Bier AG (LU) est une société commercialisant des bières, ne disposant toutefois pas de sa propre brasserie.

En 2016, le Service du contrôle alimentaire et de la protection des consommateurs lucernois (le « Service ») constate que l’étiquetage de l’un des produits distribués, la « Lozärner Bier Lager », n’indique ni le lieu de production de la bière en Suisse ni la brasserie. Sur l’étiquette figurent simplement un drapeau lucernois, la mention « produit et mis en bouteille en Suisse », de même qu’une référence à la société Lozärner Bier AG.

Dans son rapport d’enquête, le Service met alors en cause le produit en question, le considérant comme trompeur au sens de la législation sur les denrées alimentaires : l’étiquetage donnerait la fausse impression que la bière est produite à Lucerne alors que ce n’est pas le cas (n.d.l.r.… Lire la suite

La représentation de l’hoirie en cas d’urgence

ATF 144 III 277 | TF, 03.05.2018, 5A_643/2017*

Alors que le principe de l’unanimité est assoupli lorsqu’il y a lieu de sauvegarder des intérêts juridiquement protégés contre l’un des héritiers, une dérogation ne se justifie pas lorsqu’il s’agit d’actes juridiques conclus entre la communauté héréditaire et un héritier. Par ailleurs, il y a exception au principe de l’indivision dans les cas urgents, chaque héritier étant alors habilité à agir comme représentant de la communauté. Les actes exécutés durant une situation d’urgence ne sont pas soumis à la ratification des cohéritiers.

Faits

Un avocat, agissant comme représentant d’une hoirie composée de trois personnes, adresse à l’Office des poursuites du district de Lausanne des réquisitions de poursuite contre deux individus, dont un membre de l’hoirie. Comme cause de l’obligation, les réquisitions mentionnent des baux à loyer et une interruption de prescription.

L’Office notifie alors des commandements de payer aux poursuivis, lesquels forment opposition. Ils indiquent en outre que l’avocat ne serait pas habilité à représenter l’hoirie.

Interpellé par l’Office, l’avocat révèle que ni lui, ni sa cliente, l’une des membres de l’hoirie, ne disposent de procuration leur permettant de représenter la communauté héréditaire. Il indique toutefois que sa mandante agit en tant que représentante de l’hoirie, ce afin d’interrompre le délai de prescription relatif à une créance de loyer dont serait titulaire la succession.… Lire la suite

Les mesures de protection de la personnalité à l’encontre d’un « stalker » (art. 28b CC)

ATF 144 III 257 | TF, 13.04.18, 5A_429/2017*

La conséquence juridique d’une atteinte à la personnalité selon l’art. 28b CC réside dans le droit à des mesures de protection de la personnalité pour la victime, quand bien même l’atteinte a cessé. Il est possible d’interdire le contact avec d’autres personnes que la victime elle-même, que ces personnes aient été contactées par le passé ou non. Le but des mesures de protection de la personnalité comprend ainsi également la protection contre une atteinte indirecte. Enfin, l’art. 28b CC ne prévoit pas de limite temporelle pour les mesures de protection contre la personnalité ; il revient au juge d’apprécier si une durée limitée est justifiée ou non.

Faits 

Un couple met fin à une relation de quelques mois. La femme est toutefois harcelée par son ex-compagnon. En effet, ce dernier l’espionne et tente d’entrer en contact avec elle et son entourage par divers moyens. Deux ans après la rupture, l’ex-compagne porte alors plainte pour atteinte à la personnalité contre le harceleur – ou « stalker » -, se fondant sur l’art. 28b CC. Elle souhaite notamment qu’une interdiction de contact et de périmètre soient prononcées.

Le Tribunal de district, puis le Tribunal cantonal schwyzois, donnent droit à la demande.… Lire la suite

Les règles de computation applicables au dépôt d’une plainte pénale

ATF 144 IV 161 | TF, 25.04.18, 6B_80/2018*

Le jour duquel court le délai de plainte selon l’art. 31 CP ne doit pas être compté : il convient ainsi de distinguer le jour où survient l’événement qui déclenche le délai du jour où le délai commence effectivement à courir. Cette règle se combine avec, mais ne s’applique pas de façon cumulative avec celle du calcul en quantième des délais en mois prévu par l’art. 110 al. 6 CP.

Faits

Le 17 août 2017, un individu dépose plainte contre ses voisins pour des dommages à la propriété constatés le 16 mai 2017.

Le Ministère public vaudois refuse toutefois d’entrer en matière, considérant que le droit de porter plainte du voisin est prescrit depuis le 16 août 2017, soit la veille du dépôt de la plainte.

Le plaignant recourt au Tribunal cantonal vaudois, sans succès. Il saisit alors le Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur la tardiveté du dépôt de la plainte. 

Droit

A teneur de l’art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a eu connaissance de l’auteur de l’infraction.

Selon l’art.Lire la suite

L’appel à candidatures pour des vélos en libre-service

ATF 144 II 184 TF, 09.03.2018, 2C_229/2017*

Lorsqu’une entreprise privée est chargée par l’Etat d’accomplir une tâche publique, celle-ci doit être considérée comme un marché public selon l’art. 6 al. 3 AIMP/GE. Ainsi, le système de vélos en libre-service envisagé dans le canton de Genève entre dans le champ d’application objectif des marchés publics.

Faits

La société genevoise TPG Vélo SA organise un appel à candidatures pour l’attribution d’une concession d’occupation du domaine public en vue de l’exploitation d’un système de vélos en libre-service ou “vélibs”. La concession, d’une durée de sept ans et sujette à une indemnité annuelle de CHF 10, n’est alors – selon la publication de l’appel en novembre 2015 – pas soumise aux dispositions sur les marchés publics.

La société biennoise intermobility SA interjette recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice, exigeant l’annulation de l’appel à candidatures. Selon la société, les exigences techniques de l’appel excluaient le système de libre-service qu’elle avait développé.

La Cour déclare toutefois le recours irrecevable. Intermobility SA s’adresse alors au Tribunal fédéral, lequel doit trancher la question de savoir si l’appel d’offre est soumis aux règles des marchés publics.

Droit

Le Tribunal fédéral rappele qu’il n’existe pas de définition univoque de la notion de marché public.… Lire la suite