Entrées par Marie-Hélène Peter-Spiess

L’indemnisation en cas de note de frais tardive

ATF 146 IV 332 | TF, 17.09.20, 6B_130/2020*

Lorsque l’autorité enjoint au prévenu de chiffrer et de justifier ses prétentions selon l’art. 429 al. 2 CPP, celui-ci a un devoir de collaboration. Un comportement passif du prévenu – par exemple en cas de dépôt tardif de la note de frais, soit après l’expiration du délai imparti à cet effet – peut ainsi équivaloir à une renonciation implicite. Dans un tel cas, l’indemnité pour les frais de défense ne doit pas être fixée d’office.

Faits

Suite à une querelle de quartier, le Ministère public du canton de Thurgovie ouvre une procédure pénale à l’encontre de plusieurs individus. Par la suite, la procédure est toutefois classée. Le Ministère public met alors les frais à la charge de l’État, mais ne verse pas d’indemnité pour frais de défense à un prévenu représenté par un avocat et également partie plaignante dans cette affaire.

Le prévenu précité recourt contre la décision du Ministère public, mettant notamment en cause le refus d’indemnisation et concluant à ce qu’il lui soit versé une indemnité à hauteur d’environ CHF 6’700. Le Tribunal cantonal thurgovien rejette le recours, concluant à une renonciation implicite à l’indemnisation en raison du fait que la note de frais de l’avocat n’a été déposée qu’après l’expiration du délai imparti – et prolongé – à cet effet (plus précisément cinq jours après l’expiration du délai fixé par le Ministère public et le lendemain de l’ordonnance de classement). … Lire la suite

La punissabilité du délit de fuite par négligence

ATF 146 IV 358 | TF, 25.09.20, 6B_1452/2019*

Un automobiliste qui n’a, par sa faute, pas remarqué sa collision latérale avec un motocycliste et ainsi continué sa course – sans porter secours ni avertir la police – se rend coupable d’un délit de fuite (art. 51 al. 2 LCR cum art. 92 al. 2 LCR) par négligence. Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence, selon laquelle le délit de fuite peut être commis par négligence.

Faits

Un automobiliste dépasse un motocycliste et, ce faisant, entre en collision latérale avec celui-ci. Le motocycliste est blessé, tandis que l’automobiliste continue sa course sans porter secours aux blessés ni avertir la police.

Le conducteur automobile est reconnu coupable de délit de fuite (art. 51 al. 2 LCR cum art. 92 al. 2 LCR) par le Ministère public du canton des Grisons et est condamné à une peine pécuniaire avec sursis ainsi qu’une faible amende. Le Tribunal régional d’Albula confirme cette décision, adaptant toutefois la peine à la baisse et estimant que le délit de fuite a été commis par négligence.

L’affaire monte au Tribunal cantonal grisonnais, lequel confirme le jugement de l’instance précédente. Le conducteur forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur la question de savoir si un délit de fuite (art.Lire la suite

L’annulation du licenciement immédiat d’un policier genevois

TF, 09.07.2020, 8C_336/2019

L’annulation par la Cour de justice du canton de Genève du licenciement immédiat d’un policier genevois ayant participé à une discussion aux propos déplacés sur WhatsApp n’est pas arbitraire.

Faits

En 2018, un policier genevois, agent de la police municipale depuis 2002 et sergent-major instructeur depuis 2015, participe à une discussion aux propos déplacés sur WhatsApp avec des agents en formation, entre autres. Sont notamment échangés des messages aux connotations racistes ou sexuelles. Quant au policier, il publie deux messages inappropriés, incluant “Fils de pute” et “Je suis vraiment chaud”.

Quelques mois après les faits et après avoir dans un premier temps suspendu le policier de son activité avec effet immédiat, le Conseil administratif de la ville de Genève prononce la résiliation immédiate des rapports de travail pour justes motifs. Selon le conseil précité, le policier – n’étant plus digne de confiance – aurait gravement enfreint ses devoirs de service en participant activement à la discussion sur WhatsApp, en ne rappelant pas les autres participants à leurs obligations et en ne protégeant pas la personnalité d’une aspirante objet de la discussion.

Le policier forme un recours contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève.… Lire la suite

L’exclusion temporaire d’une élève non vaccinée contre la rougeole

TF, 8.06.20, 2C_395/2019

L’exclusion temporaire de l’école d’une élève non vaccinée contre la rougeole après un cas de rougeole déclaré dans sa classe est une mesure proportionnée. L’administration d’immunoglobulines aux autres enfants non vaccinés de sa classe n’entre pas en ligne de compte en tant que mesure moins contraignante, dans la mesure où elle concerne de tierces personnes. 

Faits

En 2017, un enfant d’une classe d’école primaire est atteint de rougeole. La médecin cantonale de Saint-Gall ordonne alors l’exclusion temporaire de l’une de ses camarades de classe pendant deux semaines, au motif que l’élève en question – de même que d’autres élèves de la classe – n’avait pas été vaccinée contre la rougeole et n’avait encore jamais contracté cette maladie.

L’élève exclue, représentée par ses parents, forme recours contre la décision d’exclusion auprès du Tribunal administratif du canton de Saint-Gall, faisant valoir l’absence de proportionnalité de la mesure ordonnée en présence de mesures moins contraignantes, comme l’administration d’immunoglobulines aux enfants ne pouvant pas être vaccinés et n’ayant pas contracté la rougeole.

Déboutée par le Tribunal administratif saint-gallois, l’élève agit devant le Tribunal fédéral. Celui-ci doit en particulier se prononcer sur la proportionnalité de la mesure ordonnée, soit l’exclusion temporaire de l’élève non vaccinée.Lire la suite

L’action en nullité d’un brevet en lien avec une nouvelle combinaison de caractéristiques

ATF 146 III 177 | TF, 11.05.20, 4A_613/2019*

En droit européen, une modification de l’objet du brevet après la demande est admise uniquement si l’homme du métier peut déduire la modification directement et sans ambiguïté du contenu global de la demande initiale à la date de dépôt, en tenant compte de ses connaissances générales (test “Gold Standard”). Lorsque la demande initiale contient plusieurs listes de caractéristiques, la sélection parmi plusieurs variantes d’une unique caractéristique pour chacune des listes (“singling out”) n’est pas autorisée dans la mesure où cela revient à créer une nouvelle combinaison de caractéristiques. La situation est différente si des références à cette combinaison étaient déjà présentes dans la demande initiale (par exemple si les caractéristiques finalement sélectionnées avaient été désignées comme “préférées”). 

Faits

Mundipharma Medical Company (Mundipharma) détient un brevet européen désignant également la Suisse. Le brevet revendique des formules pharmaceutiques contenant les principes actifs oxycodone et naloxone pour le traitement de la douleur et la réduction simultanée d’effets secondaires.

En 2017, Develco Pharma Schweiz AG (Develco) introduit une action en nullité auprès du Tribunal fédéral des Brevets (TFB) sur la base de l’art. 26 al. 1 let. c LBI cum art. 138 et 123(2) CBE.… Lire la suite