Le port du bracelet électronique et la liberté personnelle

ATF 149 III 193 | TF, 02.02.2023, 5A_881/2022*

Le port du bracelet électronique (art. 28c CC) doit respecter les conditions de l’art. 36 Cst. Il renforce la protection de la victime avec un effet dissuasif et permet d’apporter des preuves supplémentaires en cas de violation de la mesure ordonnée (art. 28b CC). Partant, il peut être ordonné même lorsqu’un risque que l’auteur passe néanmoins à l’acte subsiste.

Faits

La Présidente de la Section civile du Tribunal régional du Jura bernois-Seeland prononce le divorce de deux époux. Elle fait également interdiction à l’ex-époux de prendre contact avec son ex-épouse ainsi que d’approcher à moins de 300 mètres du domicile de celle-ci et de leurs enfants. L’ex-épouse dépose une requête d’exécution des mesures de protection en demandant que le port d’un bracelet électronique soit ordonné.

Les instances cantonales rejettent la demande au motif que la mesure de protection serait inadéquate au vu du comportement de l’ex-époux (mépris face aux injonctions des autorités et domicile inconnu, ce qui indiquait que le port d’un bracelet ne l’empêcherait pas de passer à l’acte). L’ex-épouse interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le port du bracelet électronique est en adéquation avec le but visé par l’art.Lire la suite

La prise en compte globale des contributions de prise en charge et d’entretien du conjoint en appel

TF, 05.12.2022, 5A_60/2022*

En cas de réduction de la contribution de prise en charge de l’enfant, il n’est pas arbitraire d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint même si celle-ci est non contestée dans l’appel interjeté par le parent débiteur.

Faits

En 2018, un couple se marie. Leur fille naît la même année. En octobre 2020, l’épouse saisit le Kantonsgericht de Zoug d’une demande de mesures protectrices de l’union conjugale. Elle demande en particulier que son époux lui verse, pour elle et sa fille, une contribution d’entretien mensuelle de près de CHF 10’000.

La juge unique accorde notamment une contribution d’entretien mensuelle de CHF 7’400 en faveur de la fille du couple. Sur appel du seul époux, l’Obergericht réduit le montant des contributions dues à l’enfant, mais prévoit en revanche une contribution d’entretien pour l’épouse, qui augmente au fur et à mesure que celle due à l’enfant diminue.

L’époux exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il est arbitraire, en cas de réduction d’une contribution due à l’enfant, d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint alors que celle-ci n’est pas contestée par le parent débiteur.… Lire la suite

Sources publiques, sources privées

TF, 08.12.2022, 5A_420/2022*

Il appartient aux cantons de déterminer dans quels cas, en dérogation au principe de l’accession, les sources et cours d’eau sont considérés comme publics au sens de l’art. 664 al. 1 CC. Une source reste toutefois privée (art. 704 al. 1 CC) lorsqu’elle ne forme pas immédiatement un cours d’eau.   

Faits

Les copropriétaires d’une parcelle située dans la commune de Brigue-Glis font constater par le Tribunal de district de Brigue qu’ils sont propriétaires d’une source qui en jaillit. Sur appel de la commune, le Tribunal cantonal valaisan annule le jugement de première instance et constate que la source litigieuse appartient au domaine public.

Les copropriétaires recourent au Tribunal fédéral, qui est amené à clarifier les conditions auxquelles une source peut être qualifiée de publique.

Droit

En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe une partie intégrante des fonds desquels elles jaillissent. En règle générale, la propriété du fonds s’étend donc aux sources (art. 667 al. 2 et 704 al. 1 CC). En revanche, aux termes de l’art. 664 al. 2 CC, les eaux publiques ne font, sauf preuve contraire, pas l’objet d’une propriété privée.… Lire la suite

Légitimation passive et action en modification d’une contribution d’entretien de l’enfant

ATF 148 III 270 | TF, 12.01.2022, 5A_75/2020*

Le Tribunal fédéral procède à un revirement de jurisprudence, en considérant que l’action en modification d’une contribution d’entretien doit être intentée contre l’enfant seul·e (ou son/sa représentant·e légal·e), et non contre la collectivité publique, y compris lorsque cette dernière a avancé une partie des contributions.

Faits

En 2010, le père d’un enfant né en 2007 s’engage à lui verser des contributions d’entretien dont les montants varient jusqu’à sa majorité. La collectivité publique avance ces contributions. En novembre 2016, le père introduit une action contre son fils, demandant la suppression de l’obligation d’entretien avec effet rétroactif à juin 2015. Le Bezirksgericht rejette partiellement l’action, faute de légitimation passive de l’enfant pour les contributions déjà avancées. S’agissant des contributions futures, il les réduit, considérant qu’il n’était pas nécessaire d’actionner conjointement la collectivité publique.

Les deux parties font appel. L’appel du père mentionne également la collectivité publique comme partie adverse. L’Obergericht du canton de Lucerne confirme la réduction opérée par l’instance précédente, considérant que la légitimation passive pour les contributions revenait exclusivement à l’enfant. Ce dernier exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la légitimation passive de la collectivité publique lorsque cette dernière a avancé des contributions d’entretien.… Lire la suite

L’entretien convenable en cas de mesures protectrices de l’union conjugale

TF, 27.06.2022, 5A_849/2020*

S’agissant de mesures protectrices de l’union conjugale, les éventuelles contributions d’entretien doivent permettre aux époux, de manière égale, d’atteindre le niveau de vie d’avant la séparation si la situation est suffisamment favorable, et non simplement de couvrir leur minimum vital. Il ne se justifie pas de supprimer les contributions d’entretien à partir du moment où le revenu hypothétique imputé permettrait à la partie crédirentière de couvrir seule son minimum vital, si cela ne lui permet pas d’atteindre le niveau de vie conjugale.

Faits

Sans enfant, un couple marié se sépare en décembre 2017. L’époux travaille alors à temps plein, et l’épouse à 60 %. Par décision de mesures protectrices de l’union conjugale, le Kantonsgericht de Nidwald fixe une contribution d’entretien d’environ CHF 3’000 en faveur de l’épouse jusqu’en août 2019, considérant qu’aucune contribution n’est due à partir de septembre 2019.

Sur appel, l’épouse obtient de l’Obergericht une contribution d’entretien plus élevée jusqu’en décembre 2019. Elle exerce ensuite un recours auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si, dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale, il se justifie de limiter les contributions d’entretien dans le temps.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que, les mesures protectrices de l’union conjugale constituant des mesures provisionnelles au sens de l’art.Lire la suite