Devoir de renseigner du candidat à l’embauche : quid des problèmes de santé ?

TF, 12.08.2023, 8C_387/2022*

Lors du processus d’embauche, une candidate doit renseigner l’employeur de troubles à la santé dont elle souffre seulement si ces troubles ont un impact sur l’aptitude au poste à repourvoir. De façon analogue, des questions sur l’état de santé de la candidate ne sont admissibles que si elles sont en lien de connexité avec l’aptitude au poste. Néanmoins, si le processus d’embauche prévoit un examen médical, il peut être raisonnablement exigé de la candidate qu’elle informe le médecin-conseil de l’employeur d’une maladie chronique qui pourrait affecter sa capacité de travail sur le long terme.

Faits

Lors du processus d’embauche pour un poste d’assistante à la clientèle auprès des CFF, une candidate doit répondre à un questionnaire et se soumettre à un examen d’aptitude médicale. En relation avec la question « Souffrez-vous actuellement de troubles de la santé ? », les instructions de remplissage du questionnaire précisent que par trouble à la santé « on entend des maladies ou des restrictions qui surviennent de façon répétée et nécessitent un contrôle périodique par un spécialiste médical et/ou une prise de médicaments ». Elles indiquent en outre que d’éventuels troubles à la santé devraient être également mentionnés « même si vous ne subissez pas de douleurs au quotidien et vous vous sentez apte à travailler ».… Lire la suite

Dernier moment pour chiffrer ses conclusions et la cession d’un droit de préemption

TF, 03.07.2023, 4A_145/2023*

Chiffrer la demande au moment des dernières plaidoiries respecte les exigences légales (confirmation de jurisprudence). Des éléments de fait qui figurent au dossier et le comportement des parties suffisent à imputer aux parties une volonté d’autoriser les cessions de droits de préemption.

Faits

En 1985, une propriétaire procède à la division de son terrain en deux parcelles, puis vend l’une des deux à un acheteur. Les deux contractants s’accordent un droit de préemption réciproque sur leur terrain respectif pour une durée de 30 ans. Ledit droit sera annoté au registre foncier pour une durée de 10 ans.

La première propriétaire décède en 1990 ; ses deux filles héritent du terrain de leur mère. De son côté, l’acheteur conclut avec ses deux fils un contrat de cession en vue d’une succession future (Abtretungsvertrag auf Rechnung künftiger Erbschaft). Ils deviennent ainsi propriétaire de la parcelle de leur père.

En 2013, les deux filles vendent leur terrain à une société pour un peu plus de CHF 4’000’000. Une fois informé de la vente, les deux fils exercent leur droit de préemption. En 2016, l’immeuble leur ayant échappé, les deux fils ouvrent action auprès du Regionalgericht de Bern-Mittelland. Ils concluent au transfert de la propriété en leur nom ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts.… Lire la suite

Clause insolite dans les conditions générales d’un contrat informatique

TF, 11.07.2023, 4A_372/2022

Une clause standardisée dans les conditions générales d’un contrat informatique impartissant au client trente jours au maximum pour s’opposer aux prestations facturées au moyen d’un courrier recommandé est insolite, car elle porte sérieusement atteinte à la situation juridique du client. Il en va de même pour une clause prévoyant une indemnité forfaitaire en cas de résiliation par le client sans faute de l’entreprise fournissant le logiciel informatique.

Faits

En 2016, une société active dans la fourniture de logiciels informatiques conclut trois contrats avec une autre entreprise : un contrat de licence en vue de l’utilisation du logiciel, un contrat de prestations de services informatiques pour le développement de logiciels spécifiques adaptés aux besoins du client et un contrat de maintenance. Chaque contrat est accompagné de conditions générales particulières.

L’art. 6 des conditions générales complétant le contrat de prestations de services prévoit (i) un délai maximal de 30 jours incombant au client pour s’opposer aux prestations facturées au moyen d’un courrier recommandé, et (ii) une indemnité forfaitaire de CHF 107’289.- en cas de résiliation du contrat par le client sans faute de l’entreprise.

En 2019, la cliente résilie les contrats avec effet immédiat en raison d’un important dépassement budgétaire et de failles dans la sécurité informatique.… Lire la suite

Le fardeau de l’allégation et de la preuve de la péremption d’un droit

TF, 11.05.2023, 4A_412/2022*

Le respect du délai péremptoire prévu à l’art. 336b al. 1 CO pour s’opposer à un licenciement n’est pas un fait implicite. Il appartient à la partie qui entend déduire un droit de cette disposition d’alléguer et de prouver qu’elle a respecté ce délai. 

Faits

Une employée explique être harcelée psychologiquement et sexuellement par un membre du conseil d’administration de la société qui l’emploie. Elle met la société en demeure de prendre toutes les mesures propres à protéger sa personnalité suite à quoi elle est licenciée. Une dizaine de jours après avoir été licenciée, l’employée adresse un courrier d’opposition au congé à l’employeuse.

L’employée introduit une demande tendant au paiement d’une indemnité de CHF 37’000 pour congé abusif. À l’appui de ses écritures judiciaires, elle ne produit pas son courrier d’opposition au congé, lequel est simplement mentionné dans d’autres pièces du dossier. L’employeuse pour sa part n’objecte pas que l’employée aurait manqué à son devoir de s’opposer à son congé à l’intérieur du délai de l’art. 336b al. 1 CO.

Les autorités judiciaires genevoises jugent le congé abusif et condamnent l’employeuse à verser une indemnité de CHF 10’000. Selon la Cour de justice de Genève, l’art.Lire la suite

L’interruption de la prescription par le dépôt d’une action dans la mauvaise monnaie

TF, 08.11.2022, 4A_298/2021*

L’introduction d’une demande en paiement qui contient des conclusions dans la mauvaise monnaie interrompt le délai de prescription de la demande dans la monnaie exacte.

Faits

En 2006, une patiente domiciliée en France est opérée à Genève. Après l’opération, elle dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence à l’encontre du chirurgien et de l’anesthésiste qui l’ont opérée. La plainte est classée en 2009.

En juin 2015, la patiente ouvre une première demande en paiement contre les deux médecins et l’hôpital. Ses conclusions sont chiffrées en francs suisses. Le Tribunal de première instance de Genève estime que la patiente aurait dû chiffrer ses conclusions en euros car elle réside en France et que c’est donc en France que le dommage est survenu. Aussi, considérant qu’elle n’est pas titulaire d’une prétention en francs suisse, il rejette son action. Sur appel de la patiente, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève confirme ce jugement dans un arrêt de novembre 2017.

En mars 2018, la patiente introduit une seconde demande en paiement contre les mêmes défendeurs, cette fois-ci en euros. Après avoir limité la procédure à la prescription et l’autorité de chose jugée, le Tribunal de première instance déclare l’action recevable mais la rejette.… Lire la suite