La légèreté de la dupe dans l’escroquerie

ATF 143 IV 302 | TF, 19.07.2017, 6B_184/2017*

En principe, une annonce à un assureur d’un faux cas de sinistre constitue une tromperie astucieuse. En matière d’assurance casco, le fait que l’assureur ne vérifie pas l’état du véhicule avant la conclusion du contrat d’assurance ne constitue pas une légèreté suffisante pour lever le caractère astucieux à la tromperie.

Faits

Le 20 mai 2014, un assuré souscrit à une assurance casco-complète auprès d’un assureur pour sa caravane. Trois mois plus tard, il annonce par téléphone à son assureur un sinistre dû à la grêle. Alors qu’il avait indiqué à son assureur que le sinistre était intervenu durant un voyage en Biélorussie le 24 juin 2014, il s’est avéré que le dégât annoncé existait déjà au moment où l’assuré a acheté sa caravane et que l’assuré connaissait en fait l’existence de ces dégâts. Lorsque l’assureur indique vouloir faire appel à un expert pour vérifier les dires de l’assuré, celui-ci retire son annonce de sinistre.

En première et en deuxième instance, l’assuré est reconnu coupable de tentative d’escroquerie. Il recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le comportement de l’assuré est constitutif d’une telle infraction.

Droit

Le Tribunal fédéral établit d’abord que, pour déterminer si une tromperie est astucieuse, il faut identifier la mesure dans laquelle l’auteur de la tromperie est en position d’évaluer les facultés d’autoprotection de la dupe.… Lire la suite

La coactivité par négligence est-elle admissible ?

TF, 01.06.2017, 6B_360/2016 et 6B_361/2016*

Une condamnation pour coactivité par négligence est admissible pour autant qu’un projet commun de comportement en violation de certaines règles de comportement/de prudence soit établi. Tel n’est pas le cas en l’espèce, les prévenus n’ayant aucunement concerté leur action.

Faits

Deux jeunes hommes sont reconnus coupables, en tant que coauteurs, d’incendie par négligence (art. 222 CP) et d’infraction à la loi cantonale argovienne sur la protection contre l’incendie, pour avoir provoqué un important incendie (ayant entrainé à peu près CHF 900’000.- de dommage) en faisant partir chacun deux fusées depuis la terrasse d’un appartement au rez-de-chaussée. L’enquête n’a pas permis de déterminer laquelle des fusées a effectivement causé l’incident.

Sur opposition, le Tribunal de district acquitte les prévenus. Ce jugement est renversé en appel.

Les deux jeunes hommes recourent au Tribunal fédéral qui doit déterminer si la condamnation en tant que coauteurs d’un délit commis par négligence était fondée.

Droit

Aux termes de l’art. 222 al. 1 CP, celui qui, par négligence, aura causé un incendie et aura ainsi porté préjudice à autrui ou fait naître un danger collectif, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.… Lire la suite

La chose confiée dans l’abus de confiance

ATF 143 IV 297 | TF, 07.06.17, 6B_841/2016*

Faits

En première instance, un prévenu est condamné pour plusieurs infractions dont abus de confiance au sens de l’art. 138 CP. D’après les constatations du Tribunal cantonal, le prévenu a pris en leasing une voiture auprès d’un garage. Il a indiqué que le preneur de leasing était une société et a fait signer le contrat de leasing par l’administrateur de cette société. Quelques mois après, le donneur du leasing a résilié le contrat et a exigé la restitution du véhicule. Le prévenu a alors vendu la voiture à un tiers.

Selon les CG du contrat de leasing, le preneur peut mettre à disposition de ses employés le véhicule. En revanche, il ne peut pas laisser utiliser le véhicule par des tiers. Le prévenu n’étant pas employé de la société preneuse du leasing, le Tribunal cantonal du canton de Berne retient que le véhicule ne pouvait pas lui avoir été confié juridiquement. Le Ministère public conteste cette appréciation auprès du Tribunal fédéral, lequel doit clarifier la notion d’« objet confié ».

Droit

Aux termes de l’art. 138 al. 1 ch. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.… Lire la suite

La conformité à l’acquis de Schengen d’une condamnation pour séjour illégal

ATF 143 IV 249 | TF, 15.05.2017, 6B_274/2016*

Faits

Un ressortissant guinéen voit sa demande d’asile rejetée en 2004. Il disparaît alors des structures d’asiles, ce pourquoi les autorités n’entament aucune démarche en vue de son renvoi. En 2015, il est condamné en première instance à une peine privative de liberté pour séjour illégal. Sur appel, la Cour de justice genevoise l’acquitte.

Saisi par le Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer dans quelles circonstances la Directive européenne sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (qui appartient à l’acquis de Schengen repris par la Suisse) s’oppose à une condamnation pénale pour séjour illégal.

Droit

A teneur de l’art. 115 al. 1 let. b LEtr, celui qui séjourne illégalement en Suisse est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.

La Directive européenne relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive 2008/115/CE, la « Directive ») appartient à l’acquis de Schengen que la Suisse s’est engagée à reprendre (Accord entre la Confédération suisse, l’Union européenne et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen).… Lire la suite

Le geste de la « quenelle » : discrimination raciale ?

ATF 143 IV 308 | TF, 18.07.2017, 6B_734/2016*

Faits

Deux jeunes vêtus d’habits noirs et un militaire en tenue d’assaut, visages en partie camouflés, effectuent une « quenelle », geste popularisé par l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala (Dieudonné) et consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l’autre bras sur l’épaule, devant une synagogue.

Les trois jeunes sont reconnus coupables de discrimination raciale par le Ministère public du canton de Genève. L’un d’entre eux s’oppose à la condamnation et l’affaire finit devant le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à analyser la signification du geste de la quenelle et, plus précisément, si celui-ci constitue une discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 première partie CP.

Droit

Aux termes de l’art. 261bis al. 4 première partie CP, se rend coupable de discrimination raciale celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une expression relève de cette norme lorsqu’elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d’espèce comme relevant de la discrimination raciale.… Lire la suite