La responsabilité de l’organisateur de voyage à forfait (1/2) : les conditions de la responsabilité

ATF 145 III 409 | TF, 29.08.2019, 4A_396/2018*

La responsabilité de l’organisateur de voyage à forfait, régie par les art. 14 s. LVF, doit s’apprécier à l’aune de la prestation mise en cause. Un accident de la circulation, dans le cadre d’une prestation de transport relevant du droit du mandat, ne constitue ainsi pas en tant que tel une violation contractuelle au sens de la LVF .

Faits

Un couple confie l’organisation d’un voyage en Inde à une agence de voyage basée à Genève. Pour un prix forfaitaire, l’agence se charge notamment des réservations d’hôtels et des transports en train et en voiture, à l’exclusion des vols internationaux.

En particulier, l’agence organise le transfert en voiture avec chauffeur privé entre un aéroport indien et l’hôtel où les voyageurs séjournent ; l’exécution du transfert étant confiée à une agence locale. Suite à l’atterrissage tardif d’un vol interne (dont on ignore l’auteur de la réservation), les voyageurs sont pris en charge par le chauffeur privé. Peu après, la voiture à bord de laquelle ils circulent entre en collision avec un camion, causant la mort de l’épouse du voyageur le lendemain de l’accident ainsi que des blessures graves à l’époux.

Le voyageur blessé forme une demande en paiement de CHF 30’000 à titre d’indemnité partielle pour tort moral auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève.… Lire la suite

L’obligation du mandataire de recourir contre une décision défavorable à son client

ATF 145 II 201 | TF, 20.06.19, 2C_737/2018*

Un mandataire, comme une fiduciaire, qui reçoit une décision défavorable à son client doit recourir lorsqu’elle n’obtient pas d’instruction de son mandant durant le délai de recours. À défaut, le client empêché d’agir pour des raisons médicales ne peut pas se prévaloir d’une restitution de délai et doit se laisser imputer le comportement de son mandataire.

Faits

L’administration fiscale du canton de Genève taxe un couple représenté par une fiduciaire. Cette dernière dépose une réclamation au nom des époux qui est rejetée le 20 mai 2016. Au moment de la notification de la décision sur réclamation, l’époux souffrait d’une atteinte psychique qui l’empêchait de gérer ses affaires, en particulier le litige fiscal. En revanche, son épouse ne souffrait d’aucune cause d’empêchement. Aucun recours contre la décision sur réclamation n’est déposé dans le délai de recours. En août 2016, lorsque l’époux a recouvré sa capacité d’agir, il dépose une demande de restitution de délai qui est rejetée par le Tribunal administratif de première instance, puis par la Cour de justice. Il recourt alors devant le Tribunal fédéral qui doit se pencher sur les conditions de la restitution de délai lorsque le contribuable est représenté par une fiduciaire.… Lire la suite

L’invité qui tombe dans une trappe et la responsabilité du propriétaire d’ouvrage

TF, 25.02.2019, 4A_38/2018

L’art. 58 al. 1 CO institue une responsabilité objective simple conditionnée à l’existence d’un défaut de l’ouvrage. Afin de déterminer si un tel défaut existe, il faut (i) connaître le but de l’ouvrage, (ii) considérer, d’un point de vue objectif, ce qui peut se passer selon l’expérience de la vie à l’endroit où se trouve l’ouvrage et, enfin, (iii) vérifier s’il existe des mesures raisonnablement exigibles pour éliminer ou amoindrir le défaut.

Faits

Un homme et sa compagne invitent un couple à déjeuner dans la propriété du premier. Celle-ci comprend une villa et une dépendance.

À la fin du repas, le propriétaire quitte ses invités pour aller faire une sieste. Sa compagne et les invités font alors un tour dans le jardin et entrent dans la dépendance. Lors de cette visite, l’invité chute dans une trappe que le propriétaire avait laissée ouverte depuis quelques jours pour éviter l’humidité.

L’invité, alors âgé de 77 ans, passe trois semaines à l’hôpital. Il ouvre action contre le propriétaire et sa compagne, demandant environ CHF 760’000.- pour la réparation du dommage causé par l’accident. La Cour civile du Tribunal cantonal vaudois admet partiellement la demande et retient une responsabilité solidaire du couple en application de l’art.Lire la suite

L’absence de privilège de recours de l’entreprise locataire de services

ATF 145 III 63 | TF, 24.01.2019, 4A_442/2018*

Une entreprise locataire de services ne bénéficie pas du privilège de recours prévu à l’art. 75 al. 2 LPGA. L’assureur-accidents peut donc se retourner contre elle afin de récupérer les montants payés à l’employé à la suite d’un accident professionnel.

Faits

Une société donne en location un charpentier à une entreprise. Lors d’une grave chute sur un chantier, l’employé subi des fractures aux pieds entrainant des frais médicaux de plus de CHF 30’000 et une incapacité de travail d’une année environ, correspondant à CHF 43’570 de perte de gain. Ces frais sont pris en charge par la SUVA, auprès de laquelle l’employé loué est assuré.

La SUVA se retourne contre l’entreprise locataire de services et réclame devant le Tribunal de commerce de Berne le remboursement des montants payés en lien avec l’accident de l’employé.

Suite à l’admission de cette demande, l’entreprise de locataire de services saisit le Tribunal fédéral qui est amené à trancher la question de savoir si le privilège de recours de l’employeur (art. 75 al. 2 LPGA) s’applique aux entreprises locataires de services.

Droit

L’art. 75 al. 1 LPGA dispose que l’assureur n’a un droit de recours contre le conjoint de l’assuré, ses parents en ligne ascendante et descendante ou les personnes qui font ménage commun avec lui que s’ils ont provoqué l’événement assuré intentionnellement ou par négligence grave.… Lire la suite

La répartition de la responsabilité selon l’art. 51 al. 2 CO

ATF 144 III 319 | TF, 12.07.2018, 4A_453/2017*

Le Tribunal fédéral revient sur sa jurisprudence concernant la hiérarchie des responsabilités en matière de solidarité imparfaite. La hiérarchie en trois lignes instaurée par l’art. 51 al. 2 CO ne doit pas être appliquée de manière absolue et le juge doit s’en écarter lorsque les circonstances du cas concret l’exigent. Tel est notamment le cas lorsqu’aucune des parties solidairement responsables n’a commis de faute grave.

Faits

Une entreprise est chargée de l’assainissement et de l’étanchéité d’un réseau de canalisation d’eaux usées dans le canton de Zurich. Durant les travaux, un employé de l’entreprise décide d’allumer une cigarette alors qu’il se trouve dans un puits de contrôle d’eaux usées. Le puits en question contient un résidu de gaz qui, au contact de la cigarette, s’enflamme et cause à l’employé des brûlures aux mains et à la tête. Le résidu de gaz provenait d’une conduite exploitée par une seconde entreprise. Suite à cet accident, l’employé lésé obtient des prestations d’assurances de la CNA, l’AI et de l’AVS. Les trois assureurs sociaux se retournent contre l’assurance responsabilité civile de l’entreprise exploitante pour obtenir le remboursement des prestations versées à l’employé lésé. Ces faits ont donné lieu à l’ATF 143 III 79 et à l’ATF 144 III 319, arrêt qui constitue l’objet principal de ce résumé.… Lire la suite