L’imputation de la mesure sur la peine privative de liberté

ATF 142 IV 359 | TF, 06.09.2016, 6B_173/2015*

Faits

Le tribunal de première instance condamne un mineur pour diverses infractions et déduit de la peine privative de liberté à effectuer les jours de placement en milieu fermé qu’il a déjà effectués. Le tribunal ne déduit en revanche pas de la peine le séjour de l’intéressé en milieu semi-ouvert (dont diverses périodes de fugue). La décision est confirmée en seconde instance.

Le mineur recourt auprès du Tribunal fédéral et requiert la déduction intégrale de la durée du placement. Le Tribunal fédéral est ainsi appelé à préciser les conditions auxquelles une mesure de protection ordonnée à titre provisionnel est imputée sur la peine.

Droit

L’autorité prononce le placement d’un mineur en établissement ouvert ou fermé lorsque l’éducation ou le traitement exigé par l’état du mineur ne peuvent être assurés autrement (art. 15 DPMin). En cas de prononcé simultané d’un placement et d’une peine, le placement est exécuté en premier lieu (art. 32 al. 1 DPmin), conformément au système dualiste (dualistisch-vikariierend) qui donne la priorité à la mesure sur la peine.

S’il est mis fin au placement parce qu’il a atteint son objectif, la privation de liberté n’est plus exécutée (art.Lire la suite

La gestion déloyale (art. 158 CP) et le churning

ATF 142 IV 346 | TF, 21.09.16, 6B_1203/2015*

Faits

L’associé d’une Sàrl active dans la gestion de fortune emploie un travailleur chargé d’acquérir des clients en les convainquant de placer de l’argent auprès de la société. L’employé contacte une personne qui a accepté d’investir USD 50’000.-. Le client reçoit régulièrement les extraits de compte et la performance de ses placements. Respectivement un et deux mois après le début des transactions, il fait des apports supplémentaires pour un total d’environ USD 230’000. En raison de la fréquence élevée des transactions (plus de 2’600 ordres en l’espace de 2,5 mois), le client doit payer plus de USD 160’000.- de commissions. A cela, s’ajoute encore une perte sur le marché, de sorte que l’investisseur perd quasiment l’entier de son argent.

Le ministère public ouvre une procédure contre l’associé-gérant pour gestion déloyale (art. 158 CP) et contre l’employé pour complicité de gestion déloyale. Le tribunal de première instance les reconnaît coupables. Ces derniers recourent au Tribunal cantonal qui les acquitte totalement. Le ministère public saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer les conditions de la gestion déloyale.

Droit

Selon l’art. 158 CP, commet une gestion déloyale, « celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés ».… Lire la suite

L’internement de l’auteur de l’incendie de la cathédrale Saint-Ours à Soleure

TF, 03.10.2016, 6B_875/2016

Faits

En 2009, un individu a tenté en vain de faire dérailler un train transportant des personnes en plaçant une structure en acier sur la voie ferroviaire. En 2011, il a versé de l’essence dans la zone de l’autel de la cathédrale Saint-Ours de Soleure et a attendu que celle-ci s’enflamme d’elle-même. Après avoir constaté que cela ne fonctionnait pas, il est retourné allumer lui-même l’essence. L’incendie qui s’en est suivi a provoqué d’importants dommages matériels, mais n’a pas atteint l’intégrité de personnes.

Suite à ces évènements, le Tribunal de première instance a prononcé une peine privative de liberté pour incendie, tentatives répétées de perturbations du trafic ferroviaire, menaces alarmant la population et menaces, ainsi qu’une mesure thérapeutique stationnaire selon l’art. 59 CP. Le prévenu a en revanche été acquitté du grief de lésions corporelles graves. Ce jugement est aujourd’hui entré en force.

En 2015, le Service d’application des peines ordonne la levée de la mesure thérapeutique, qui apparaît vouée à l’échec. A sa demande, le Tribunal de première instance ordonne un internement ultérieur. Sur recours, le Tribunal cantonal annule le prononcé de l’internement et ordonne une détention pour des motifs de sûreté. Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le Tribunal de première instance était autorisé à revoir les faits du jugement de condamnation lors de l’examen de la réalisation des conditions d’une mesure d’internement selon l’art.Lire la suite

La délégation du tri judiciaire en cas de mise sous scellés (art. 248 al. 4 CPP)

ATF 142 IV 372TF, 08.09.2016, 1B_90/2016*

Faits

Dans le cadre d’une enquête pénale, un témoin se voit séquestrer son ordinateur portable. Suite à la mise sous scellés de l’ordinateur, le procureur entame la procédure de levée des scellés devant le Tribunal des mesures de contrainte genevois (TMC). Le TMC décide de nommer un policier membre de la Brigade de criminalité informatique (BCI) en tant qu’expert pour effectuer le tri des données informatiques contenues dans l’ordinateur.

Contre cette décision, le témoin forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, en demandant la nomination d’un expert neutre et indépendant. Il requiert en outre que son avocat puisse assister au travail de l’expert. Il se pose ainsi en particulier la question de savoir si le TMC est en droit de déléguer l’exécution du tri judiciaire à un membre de la BCI.

Droit

La décision querellée ne met pas un terme à la procédure et revêt par conséquent un caractère incident. Dès lors, elle n’est attaquable que si elle est susceptible de causer un préjudice irréparable au destinataire (art. 93 let. a LTF) ou si l’admission du recours permet d’éviter une procédure probatoire longue et couteuse (art. 93 let.Lire la suite

L’absence de féries judiciaires en cas de recours contre une décision sur le remboursement de l’impôt anticipé (art. 54 LIA)

ATF 142 II 305

Faits

Suite à une décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale refusant le remboursement de l’impôt anticipé pour un certain montant, un contribuable forme un recours auprès de la Commission cantonale de recours. La décision est notifiée le 12 août 2015, le recours déposé le 14 septembre 2015. La Commission déclare le recours irrecevable pour tardiveté. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral doit déterminer si les féries judiciaires du droit cantonal, de la PA ou du CPC s’appliquent à la procédure de recours devant le Tribunal administratif spécial.

Droit

L’art. 54 al. 1 LIA dispose que « la décision rendue sur réclamation par l’office cantonal de l’impôt anticipé peut, dans les trente jours suivant sa notification, être attaquée par voie de recours écrit à la commission cantonale de recours ». L’art. 55 LIA reste réservé. Il prévoit que « les cantons peuvent prescrire que la procédure de réclamation et la procédure de recours à la commission cantonale de recours (y compris les délais) se règlent d’après les prescriptions de la procédure cantonale en matière de contestation et de contrôle de la taxation, lorsque la décision de remboursement a été liée à une décision de taxation  ». En l’espèce, la décision de remboursement n’est pas liée à une décision de taxation.… Lire la suite