Le principe de la double instance cantonale en matière d’exequatur (art. 106 EIMP)

ATF 142 IV 170 – TF, 01.03.2016, 6B_346/2015*

Faits

Le Ministère de la Justice autrichien demande l’exécution d’une décision de condamnation d’un individu à une peine privative de liberté à l’autorité compétente suisse. Après consultation de l’autorité d’exécution du canton de Berne, l’Office fédéral de la Justice (ci-après : l’OFJ) admet la demande. L’autorité d’exécution demande alors à l’Obergericht bernois de mener la procédure d’exequatur. Après avoir entendu le procureur général, celui-ci déclare le jugement autrichien exécutoire. L’intéressé recourt alors au Tribunal fédéral contre cette décision au motif que son droit d’être entendu aurait été violé et qu’aucune voie de droit cantonale ne se trouvait à sa disposition.

Droit

Selon l’art. 104 al. 1 EIMP, l’OFJ rend une décision sur l’acceptation formelle de la demande d’exécution. S’il l’admet, il transmet le dossier avec son avis à l’autorité d’exécution. Ensuite, le juge cantonal matériellement compétent selon l’art. 32 CPP renseigne le condamné sur la procédure, l’entend en présence de son mandataire et statue sur l’exécution (art. 105 EIMP). Si les conditions de l’exécution sont remplies, il déclare la décision exécutoire et prend les mesures nécessaires (art. 106 al. 2 EIMP). La décision doit être rendue sous la forme d’un jugement motivé et le droit cantonal doit prévoir une voie de droit (art.Lire la suite

La demande groupée d’entraide fiscale des Pays-Bas

TAF, 21.03.2015, A-8400/2015 (annulé par TF 2C_276/2016 du 16.09.2016)

Faits

L’autorité fiscale des Pays-Bas dépose une demande d’entraide en matière fiscale auprès de l’Administration fédérale des contributions (AFC). Elle demande les informations personnelles (dont les numéros de compte) de contribuables qui possédaient un compte auprès d’UBS entre le 1er février 2013 et le 31 décembre 2014, qui avaient leur domicile aux Pays-Bas et qui n’ont pas fourni à UBS la preuve de la conformité fiscale de leurs avoirs (nonobstant la menace d’UBS de mettre fin à la relation contractuelle). La demande n’indique pas les noms des personnes visées.

L’AFC admet la demande en disposant la transmission des informations requises. Contre cette décision, un contribuable touché par la demande interjette recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Il se pose alors – pour la première fois – la question de l’admissibilité d’une demande groupée en application de la Convention de double imposition entre la Suisse et les Pays-Bas (CDI-NL).

Droit

La CDI-NL est en vigueur depuis 2011. Son art. 26 régit l’assistance administrative entre les autorités des deux pays, en reprenant essentiellement l’art. 26 du Model de convention de l’OCDE. Le critère déterminant pour décider de l’admissibilité d’une demande d’informations est donc celui de la « pertinence vraisemblable ».… Lire la suite

Les pouvoirs de signature pouvant être inscrits au RdC

ATF 142 III 204 TF, 03.03.2016, 4A_536/2015*

Faits

Une société requiert l’inscription au registre du commerce des droits de signature de ses administrateurs. Chaque membre du conseil d’administration a un pouvoir de signature collective à deux avec certains autres membres nommément désignés. Le registre du commerce refuse l’inscription au motif qu’un droit de signature ne peut être restreint à la signature conjointe avec une personne précise. Cette décision est confirmée par l’instance cantonale supérieure.

Sur recours de la société, le Tribunal fédéral est appelé à préciser quelles modalités de signature peuvent être inscrites au registre du commerce.

Droit

La jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l’empire de l’ancien droit admettait des pouvoirs de signature collectifs décrits avec précision, par exemple s’agissant des personnes conjointement avec lesquelles la signature peut être exercée (ATF 121 III 368). L’instance précédente a cependant retenu que cette jurisprudence ne trouvait plus application. En effet, elle se référait à l’art. 641 ch. 8 aCO en vertu duquel le mode d’exercice de la représentation (« die Art der Ausübung der Vertretung ») devait être inscrit au registre du commerce. Or, cette disposition a été abrogée lors de la révision du droit de la SA et de l’Ordonnance sur le registre du commerce en 2008.… Lire la suite

Le non-respect d’une méthode ADR avant la procédure d’arbitrage

ATF 142 III 296 | TF, 16.03.2016, 4A_628/2015*

Faits

Deux parties concluent un contrat avec la clause arbitrale suivante : « Tout différend survenant entre les Parties dans l’exécution ou dans l’interprétation du présent Contrat qui ne peut être résolu par les Parties, fera dans un premier temps, l’objet d’une tentative de conciliation en application du Règlement ADR (Alternative Disputes Resolution) de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Tout différend entre les Parties découlant de l’exécution ou de l’interprétation du présent Contrat non résolu par voie de conciliation sera tranché en dernier ressort par voie d’arbitrage conformément au Règlement d’Arbitrage de la CNUDCI (UNCITRAL) par trois (3) arbitres nommés conformément à ce règlement » (mise en évidence ajoutée). Le siège de l’arbitrage est fixé à Genève.

Suite à un différend, une partie (la requérante) dépose une demande de conciliation auprès du Centre international d’ADR de la CCI. Le Centre nomme alors une conciliatrice. Trois mois après cette nomination, alors que les parties n’ont pas réussi à s’entretenir physiquement ou par conférence téléphonique, la requérante adresse une notification d’arbitrage à sa cocontractante. Cette dernière s’oppose alors à la résolution du litige par l’arbitrage au motif que la procédure de conciliation n’a pas pris fin.… Lire la suite

L’escroquerie lors d’une commande sur Internet

ATF 142 IV 153 TF, 08.03.16, 6B_887/2015*

Faits

Un internaute achète sur Internet une imprimante à 2’200 francs. Il la reçoit, mais ne paie pas la facture annexée, car il ne dispose pas des moyens nécessaires. Le tribunal de 1ère instance puis le Tribunal cantonal condamnent l’acheteur pour escroquerie. Celui-ci recourt au Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’escroquerie lors d’une commande sur Internet.

Droit

Selon l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie, « celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ».

Le Tribunal fédéral constate qu’en commandant une imprimante sur Internet, le recourant a trompé le vendeur sur sa capacité financière. En effet, l’acheteur ne disposait pas de l’argent pour payer l’imprimante à l’échéance de la facture. Il reste à examiner si cette tromperie relève de l’astuce.

L’astuce est réalisée lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène.… Lire la suite