L’appel en cause non chiffré

ATF 142 III 102 | TF, 26.01.2015, 4A_375/2015*

Faits

Lors d’un procès en garantie des défauts, le maître de l’ouvrage réclame un montant de 150’000 francs à l’entrepreneur. Celui-ci appelle en cause trois autres sociétés qui seraient également responsables de la mauvaise exécution des travaux. Le Tribunal de commerce déclare l’appel en cause irrecevable en raison du fait que l’appel n’était pas chiffré. Le maître d’ouvrage saisit le Tribunal fédéral qui doit déterminer dans quelle mesure les conclusions de l’appel en cause doivent être chiffrées.

Droit

L’appel en cause doit respecter les conditions générales de recevabilité. À cet égard, l’art. 84 al. 2 CPC prévoit qu’une action en paiement doit être chiffrée. Si l’évaluation de la valeur litigieuse est impossible ou ne peut être exigée d’emblée, le demandeur peut déposer une action non chiffrée (art. 85 al. 1 CPC). Il doit cependant indiquer une valeur litigieuse provisoire (art. 85 al. 1 CPC).

Dans la mesure où l’appel en cause dépend de l’action principale, il peut être non chiffré si l’action principale ne l’est pas non plus. Il en va de même lorsque l’action principale est chiffrée, mais que l’appel en cause nécessite des réquisitions de preuve pour évaluer la prétention contre l’appelé en cause.… Lire la suite

La représentation de l’enfant dans une procédure de divorce (art. 299 CPC)

ATF 142 III 153TF, 17.12.2015, 5A_52/2015*

Faits

Une avocate intervient en tant que représentante des enfants dans une procédure de divorce (art. 299 CPC). Elle agit à ce titre tout au long de la procédure, qui dure plusieurs années. A l’issue du procès, l’Obergericht lui alloue une indemnité pour son travail en tant que représentante bien moindre que celle demandée.

L’avocate recourt au Tribunal fédéral, qui est ainsi appelé à préciser le rôle du représentant de l’enfant dans une procédure de divorce et les principes présidant son indemnisation.

Droit

L’indemnité du représentant de l’enfant dans une procédure de divorce fait partie des frais de justice (art. 95 al. 2 lit. e CPC). Pour assurer une défense effective du bien de l’enfant (art. 299 ss CPC ; art. 12 al. 2 Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant), l’indemnité du représentant doit être proportionnelle au temps effectivement consacré, pour autant que celui-ci soit approprié. La jurisprudence fédérale a qualifié à plusieurs reprises d’arbitraires les décisions fixant l’indemnité du représentant de l’enfant sans tenir compte de ce critère.

En l’espèce, le droit cantonal ne prévoit pas la prise en compte du temps effectivement consacré.… Lire la suite

La négation du génocide arménien et le droit à la liberté d’expression (CourEDH)

CourEDH (Grande Chambre), 15.10.2015, Affaire Perinçek c. Suisse (Nº 27510/08)

Faits

Le requérant Dogu Perinçek participe à diverses conférences au cours desquelles il nie l’existence de tout génocide perpétré par l’Empire ottoman contre le peuple arménien. Il qualifie l’idée d’un tel génocide de « mensonge international ».

Sur plainte de l’association Suisse-Arménie, le requérant est pénalement condamné pour discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP) par le tribunal de police. Ce jugement est confirmé par le Tribunal cantonal, puis par le Tribunal fédéral (TF, 12.12.2007, 6B_398/2007). Le requérant saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme. Dans une première décision rendue en 2013 (CourEDH, 17.12.2013, Affaire Perinçek c. Suisse [N° 27510/08]), la Cour a considéré que la condamnation par la Suisse de Perinçek violait la liberté d’expression (art. 10 CEDH). N’acceptant pas les motifs de cette décision, la Suisse a demandé à la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme d’effectuer une nouvelle appréciation du cas (art. 43 par. 1 CEDH). Celle-ci a accepté la demande de renvoi (art. 43 par. 2 CEDH).

La Grande Chambre doit déterminer si la condamnation pénale du requérant pour avoir publiquement déclaré qu’il n’y avait pas eu de génocide arménien est contraire au droit à la liberté d’expression (art.Lire la suite

L’ordonnance pénale rendue par le collaborateur du ministère public (art. 17 CPP)

ATF 142 IV 70TF, 01.02.2016, 6B_845/2015*

Faits

Par ordonnance pénale prise au nom du Ministère public de Bâle-Campagne, un collaborateur du Ministère public condamne un prévenu pour une contravention.

Sur opposition du prévenu, le président du Tribunal pénal confirme l’ordonnance pénale. Sur recours du prévenu, le Kantonsgericht casse la décision de l’instance précédente et renvoie l’affaire au tribunal pénal. Il a estimé que le collaborateur du Ministère public n’était pas compétent pour rendre une ordonnance pénale.

Contre cette décision, le Ministère public forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher la question de savoir si le collaborateur du Ministère public était compétent pour rendre une ordonnance pénale en matière de contravention.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que la compétence pour rendre une ordonnance pénale revient en principe au ministère public (art. 352 CPP). En vertu de l’art. 17 al. 1 CPP, les cantons peuvent déléguer tout ou partie de la poursuite du jugement de contraventions à des autorités administratives. Les cantons sont libres de désigner l’autorité administrative de leur choix (p. ex. préfet, juge de police, etc.). Contrairement à la position du Ministère public, le Tribunal fédéral considère que cette désignation doit reposer sur une base légale au sens formel.… Lire la suite

La protection des créanciers lors de la liquidation du régime matrimonial (art. 193 CC)

ATF 142 III 65 | TF, 11.01.2016, 5A_159/2015*

Faits

Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une enquête contre un prévenu et séquestre ses comptes bancaires. Le Tribunal pénal fédéral le condamne en 2010 et met à sa charge une créance en dommages-intérêts de 400’000 francs en faveur de la Confédération. Durant la procédure pénale, le prévenu et sa femme ont déposé une action en divorce. Le jugement de divorce, rendu en 2011, ratifie la convention sur les effets accessoires par laquelle l’épouse devient titulaire de tous les comptes en banque séquestrés afin de couvrir une créance de 365’000 francs en répartition du bénéfice de l’union conjugale et une créance de 60’000 francs à titre de contribution d’entretien.

Par la suite, la Confédération ouvre une procédure de recouvrement de dette au sens de la LP pour sa créance de 400’000 francs. Puisque l’époux ne dispose pas suffisamment d’argent pour payer la créance de la Confédération, celle-ci fait saisir les comptes bancaires transférés à l’épouse lors du divorce. Le montant total des comptes n’est pas assez élevé pour couvrir la créance de la Confédération (400’000 francs) et les créances de l’épouse résultant du divorce (365’000 francs et 60’000 francs).… Lire la suite