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Qualité pour agir du créancier cessionnaire admis provisoirement à l’état de collocation et relation entre action en restitution et action en responsabilité

ATF 149 III 422 TF, 30.05.2023, 4A_465/2022 ; 4A_467/2022*

Un créancier dont la créance a été admise provisoirement à l’état de collocation peut se voir céder des prétentions de la masse en faillite et agir dans une procédure en cette qualité. La cession doit alors être assortie d’une condition résolutoire pour le cas où la créance est définitivement écartée de l’état de collocation.

L’action en restitution (art. 678 CO) et l’action en responsabilité (art. 754 ss CO) sont en relation de concurrence (Anspruchkonkurrenz). Lorsque plusieurs personnes sont responsables à ce titre, elles répondent selon les règles de la solidarité imparfaite (art. 51 al. 2 CO).

Faits

À l’issue d’une procédure d’arbitrage, une société entame des poursuites à l’encontre de la société reconnue débitrice. La société poursuivante obtient la mainlevée pour un montant de CHF 5.8 millions. S’ensuit l’ouverture de la faillite de la société débitrice.

Agissant en tant que créancier cessionnaire, la société poursuivante ouvre (i) une action en restitution à l’encontre de la société actionnaire de la société débitrice ainsi qu’une (ii) action en responsabilité à l’encontre du président du conseil d’administration et directeur unique de cette même société et de la société débitrice, ainsi qu’à l’encontre de l’organe de révision de la société débitrice.… Lire la suite

Le client piraté et la banque négligente

ATF 146 III 326 | TF, 09.07.2020, 4A_9/2020*

Les clauses bancaires de transfert de risque ne sont valables que dans les limites des art. 100 et art. 101 CO (convention exclusive de la responsabilité) appliqués par analogie. En matière d’ordres frauduleux, il n’y a faute grave que s’il saute aux yeux de toute personne raisonnable que l’ordre transmis, de par son adresse, son texte, son contenu ou un lieu de virement exotique, et compte tenu de la situation du client, ne peut émaner de celui-ci. 

Faits

En novembre 2014, un ressortissant turc et homme d’affaires retraité dépose environ EUR 850’000 auprès d’une société de négoce en valeurs mobilières. Parmi la documentation contractuelle signée, se trouve notamment une clause de décharge pour les ordres transmis par e-mail :

le client autorise expressément la société à accepter des instructions données notamment par e-mail et à les exécuter immédiatement, en n’importe quelles circonstances, même si elles ne sont pas suivies d’une confirmation écrite. Le client déclare assumer tous les risques, même en cas d’erreur de la part de la société quant à son identité et dégage celle-ci de toute responsabilité de ce chef pour tous dommages qu’il pourrait encourir.

Les conditions générales prévoient également que le dommage résultant de défauts de légitimation ou de faux non décelés est à la charge du client, sauf en cas de faute grave de la société de négoce.… Lire la suite

L’homme de confiance, la procuration illimitée et la bonne foi de la banque

ATF 146 III 121 | TF, 10.12.2019, 4A_504/2018*

La banque qui exécute des virements bancaires requis par un titulaire d’une procuration ne peut pas invoquer sa bonne foi (art. 3 al. 2 CC) lorsqu’elle se trouve en conflit d’intérêts, qu’elle a des doutes quant à la légitimation du représentant et qu’elle ne procède néanmoins à aucune vérification directement auprès de la cliente. N’étant pas de bonne foi, la banque ne peut pas se prévaloir de la procuration bancaire signée par la cliente (rapports externes) lorsque le représentant dépasse les pouvoirs qui lui ont été octroyés par la cliente (rapports internes).

Faits

Un homme d’affaires milliardaire français et sa compagne tissent des liens de confiance avec un maître de chantier. Au décès du premier, l’homme de confiance reste proche de la compagne. Il s’occupe notamment peu à peu de la gestion de ses avoirs.

Après s’être installée en Suisse en 2004, la compagne ouvre un compte bancaire et donne une procuration générale et illimitée à l’homme de confiance, lequel est présenté à la banque comme un ami de longue date.

De 2006 à 2009, l’homme de confiance détourne environ CHF 13’000’000 à l’aide de 14 ordres de virement en faveur de son propre compte auprès de la banque ou d’une banque tierce.… Lire la suite