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Affaire Petrobras : la légalité de la créance compensatrice ordonnée à l’encontre de l’intermédiaire (2/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Le juge ordonne, en principe, une confiscation (art. 70 CP), respectivement une créance compensatrice (art. 71 CP) à l’encontre de la personne physique ou morale qui a perçu le produit d’une activité délictuelle. Si une société perçoit ce produit, un Durchgriff sur l’actionnaire unique est possible s’il existe une identité économique entre eux et si l’invocation de l’indépendance juridique de la personne morale paraît abusive. En revanche, le seul fait que l’actionnaire détienne la société ne suffit pas.

Le produit délictueux reste à recouvrer auprès de la société ayant perçu ce montant, même en présence de dépenses effectuées avec des valeurs mélangées, tant que ces dépenses n’excèdent pas la part légale disponible sur le compte (théorie résiduelle ou Bodensatztheorie).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras. Aux termes des négociations, la société Petrobras attribue les contrats auxdites sociétés mandantes.

En 2015, la société Petrobras découvre que, au cours des négociations d’un des contrats, certains de ses directeurs ont perçu des pots-de-vin. Elle résilie alors ledit contrat.… Lire la suite

Transfert de patrimoine durant une procédure pénale : la société reprenante est-elle partie plaignante ?

TF, 26.01.2022, 1B_537/2021

Le transfert des actifs et passifs au sens des art. 69 ss LFus ne confère pas (per se) à la société reprenante la qualité de partie plaignante (art. 118 al. 1 CPP), cette société n’étant qu’indirectement lésée.

Conformément à la jurisprudence, un pareil transfert découle de la volonté des parties. Dès lors, on ne saurait octroyer à la société reprenante la qualité de partie plaignante en vertu de l’art. 121 al. 2 CPP, qui ne règle que les effets du transfert de par la loi de droits déterminés à des personnes qui ne sont pas elles-mêmes des lésées. Aucun motif ne justifie un changement de jurisprudence.

Faits

À la suite d’une plainte pénale déposée par une fondation, le Ministère public central vaudois ouvre une instruction pénale à l’encontre de l’ancien secrétaire général de cette fondation pour gestion déloyale, faux dans les titres et gestion déloyale des intérêts publics. Après l’ouverture de cette instruction, la fondation transfère l’intégralité de ses actifs et passifs à une société anonyme conformément aux art. 69 ss LFus.

Par ordonnance ultérieurement confirmée par le Tribunal cantonal vaudois, le Ministère public dénie alors la qualité de partie plaignante à la société anonyme.… Lire la suite

L’intervention accessoire d’un héritier dans une procédure pour carence d’organisation d’une société (art. 731b CO)

TF, 27.10.2021, 4A_147/2021*

Un héritier, membre d’une communauté héréditaire détenant collectivement une société anonyme, peut intervenir à titre individuel dans un procès intenté par l’exécuteur testamentaire à l’encontre de cette société pour carence d’organisation (art. 731b CO).

Faits

Deux héritiers, membres d’une communauté héréditaire, possèdent collectivement la totalité des actions d’une société détenant un immeuble à Genève. Ils sont en conflit depuis de nombreuses années.

Lors d’une assemblée générale, un des héritiers s’oppose à la vente de l’immeuble propriété de la société. Suite à ce refus, l’unique membre du conseil d’administration de la société démissionne. L’exécuteur testamentaire demande alors au Tribunal de première instance du canton de Genève de nommer un nouvel administrateur afin de pallier la carence d’organisation de la société (art. 731b al. 1 CO).

Dans ce contexte, un des héritiers dépose une demande d’intervention accessoire à la procédure (art. 74 CPC). En sa qualité d’actionnaire, il souhaite s’assurer que le conseil d’administration désigné soit impartial.

Le Tribunal de première instance déclare la requête en intervention accessoire de l’héritier irrecevable. Il estime que son intervention n’est ni destinée à défendre les intérêts de l’exécuteur testamentaire, ni ceux de la société et serait ainsi contraire à l’art.Lire la suite

Le droit de l’actionnaire à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur

ATF 147 III 469 | TF, 09.08.21, 4A_39/2021*

L’actionnaire dispose d’un droit légal à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur. Ce droit peut toutefois être exclu statutairement, à tout le moins en ce qui concerne les actions nominatives.

Faits

L’actionnaire à hauteur de 70 des 210 actions nominatives d’une société anonyme (SA) engage une procédure auprès du Handelsgericht de Zurich, demandant principalement à ce qu’il soit ordonné aux organes de la SA de lui remettre soit (i) 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur soit (ii) un certificat d’actions relatif à 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur, sous peine de sanction selon l’art. 292 CP. La demanderesse fait valoir que la livraison des actions incorporées dans un papier-valeur – soit des titres émis physiquement – lui garantit la possibilité de transmission et de vente.

Par jugement du 2 décembre 2020, le Handelsgericht conclut qu’il existe en principe un droit légal à la remise d’actions incorporées dans un papier-valeur, sauf si ce droit est expressément exclu statutairement. Puisque les statuts de la société défenderesse n’excluent pas ce droit des actionnaires, la demanderesse a ainsi droit à la matérialisation de sa qualité d’actionnaire sous forme de papier-valeur.… Lire la suite

La convention d’actionnaires et l’engagement excessif selon l’art. 27 al. 2 CC

ATF 143 III 480TF, 27.06.2017, 4A_45/2017*

Faits

Une convention d’actionnaires non résiliable est conclue pour une durée indéterminée entre les fondateurs d’une société anonyme (SA). Les dispositions de cette convention prévoient notamment un droit de préemption, un droit de siéger au conseil d’administration et une clause pénale. Le contrat dispose en outre que si le salaire de l’un des actionnaires – également directeur – dépasse une certaine somme, la société s’engage à verser à un autre actionnaire minoritaire un pourcentage du montant qui dépasse cette somme.

Suite à divers conflits, l’un des fondateurs quitte le conseil d’administration. Quelques années plus tard, un autre résilie la convention. L’ancien administrateur demande à réintégrer le conseil à plusieurs reprises, mais ne parvient toutefois pas à se faire réélire. Enfin, les deux autres administrateurs de la société quittent leur fonction. Le premier, abandonnant également sa fonction de directeur, reçoit une indemnité de départ. Quant au second, il décède peu après.

Trente ans après la constitution de la SA, le fondateur ayant quitté la société en premier introduit une demande auprès du Tribunal cantonal d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Il conclut à l’exécution de la convention, plus particulièrement à sa réélection au conseil d’administration, et au paiement d’un montant pour violation de la convention par l’actionnaire au bénéfice de la clause salariale, sur la base de son absence de réélection et du fait qu’il n’ait pas été inclus dans les discussions relatives à l’indemnité de départ du directeur.… Lire la suite