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La licéité d’une manifestation pacifique non autorisée (CourEDH)

CourEDH, 03.05.2022, Affaire Bumbeș c. Roumanie, requête no 18079/15

Pour déterminer le caractère licite d’une manifestation, les autorités nationales sont tenues d’examiner le niveau de nuisance concrètement causé par celle-ci.

Malgré l’absence de l’autorisation requise par la législation nationale, une manifestation pacifique n’entraînant pas de perturbation de la vie quotidienne est licite au regard des art. 10 (liberté d’expression) et 11 CEDH (liberté d’association et de réunion) et, par conséquent, ne peut entraîner de sanction pour ses participant·e·s. 

Faits

En août 2013, le gouvernement roumain approuve un projet de loi autorisant l’extraction d’or et d’argent sur le site de Roșia Montană, sans consulter ni informer la population au préalable. Le projet, qui implique l’usage de cyanure, est controversé en raison de son probable impact négatif sur l’environnement et le patrimoine local. Afin de protester contre l’exploitation minière du site, quatre citoyen·ne·s se menottent à une barrière bloquant l’accès au parking du quartier général du gouvernement roumain, tout en brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire « Sauver Roșia Montană ». Il ressort de l’enregistrement vidéo de l’évènement, posté sur YouTube, que la police intervient rapidement pour détacher et évacuer les manifestant·e·s, qui gardent le silence et opposent une résistance purement passive.… Lire la suite

Le recours abstrait contre la Loi sur la police bernoise (I/III)

ATF 147 I 103TF, 29.04.2020, 1C_181/2019*

Les frais d’intervention de la police peuvent être mis à la charge des organisateur·ice·s d’une manifestation à débordements violents, ainsi qu’à la charge des personnes ayant participé auxdits actes de violence ou refusé de s’éloigner sur sommation de l’autorité. Cette règle est compatible avec les art. 16 al. 2 et 22 Cst. dans la mesure où la LPol/BE prévoit des conditions et des garanties suffisantes du point de vue de l’art. 36 Cst..

Faits

Le 27 mars 2018, le Grand Conseil du canton de Berne vote une révision totale de sa Loi sur la police (ci-après : LPol/BE). De nombreuses associations – notamment le Parti socialiste bernois, Les Verts (BE) et Unia – forment un recours abstrait en matière de droit public contre cette loi auprès du Tribunal fédéral. Les recourantes requièrent l’abrogation des nouvelles dispositions sur (1) la répartition des frais engendrés par les manifestations avec actes de violence, (2) les mesures de renvoi et d’interdiction d’accès et (3) les mesures de surveillance.

Le présent résumé traite du premier point. À ce propos, la nouvelle loi bernoise introduit la règle selon laquelle, en cas d’actes de violence commis dans le cadre d’une manifestation, les communes peuvent mettre les frais de l’intervention policière à la charge des organisateur·ice·s de ladite manifestation, lorsque ceux-ci ne bénéficiaient pas de l’autorisation nécessaire ou n’ont, volontairement ou de manière gravement négligente, pas respecté les conditions de l’autorisation.… Lire la suite

La validité de l’initiative populaire “La Reithalle ne doit pas profiter des deniers des contribuables !”

ATF 144 I 193TF, 18.04.2018, 1C_221/2017*

L’initiative cantonale « La Reithalle ne doit pas profiter des deniers des contribuables ! » est contraire à la garantie de l’autonomie communale (art. 50 al. 1 Cst.), au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et à l’égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.). En mettant une pression financière sur la Ville de Berne pour que celle-ci cesse de financer la Reitschule et fasse cesser l’affectation de ce bien-fonds comme centre culturel, elle la dissuade de manière inadmissible d’exercer son autonomie dans le domaine de la promotion de la culture.

Faits

L’initiative cantonale bernoise « La Reithalle ne doit pas profiter des deniers des contribuables ! » propose une modification de la loi sur la péréquation financière et la compensation des charges de sorte qu’une commune voie certaines prestations réduites de manière importante tant que subsistent sur son territoire une ou plusieurs installations au sens de l’annexe III de la loi, dont découlent notoirement des dangers concrets pour la sécurité et l’ordre public qui ne peuvent être complètement évités que par l’engagement de ressources considérables.

Comme «  Equipements ou installations dont émanent notoirement des dangers concrets pour la sécurité et l’ordre public ne pouvant être complètement écartés que moyennant le recours à des ressources considérables », l’annexe III proposée par l’initiative désigne uniquement l’affectation actuelle ou toute affectation future comparable du bien-fonds de la Reitschule à Berne.… Lire la suite

L’interdiction de qualifier un discours politique de “racisme verbal” et la liberté d’expression (CourEDH)

CourEDH, 09.01.2018, Affaire GRA Stiftung gegen Rassismus und Antisemitismus c. Suisse, requête no 18597/13

La Suisse a violé la liberté d’expression (art. 10 CEDH) de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme en lui ordonnant de retirer de son site internet une publication qualifiant de “racisme verbal” les propos tenus par un président de section cantonale d’un parti politique lors d’un discours de campagne, estimant en substance qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam, que la culture de référence suisse, basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures et que, dans ce contexte, un signe symbolique comme l’interdiction des minarets représenterait une expression de la préservation de l’identité suisse.

Faits

En 2009, après une manifestation publique organisée dans le cadre de la campagne sur l’initiative contre la construction des minarets, les Jeunes UDC publient sur leur site internet un rapport indiquant notamment ce qui suit : à l’occasion de son discours, le président des Jeunes UDC de Thurgovie a souligné qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam. Il a ajouté que la culture de référence suisse (schweizerische Leitkultur), basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures.… Lire la suite

Les frais de l’opposition en matière d’aménagement du territoire et de constructions

ATF 143 II 467 – TF, 14.06.2017, 1C_266/2016*

Les frais de la procédure d’opposition en matière de planification ainsi qu’en matière d’autorisation de construire doivent en principe être mis à la charge de l’initiateur du projet et non de l’opposant. Ils peuvent exceptionnellement être mis à la charge de l’opposant, lorsque l’opposition apparaît d’emblée manifestement irrecevable ou manifestement infondée au point d’engager la responsabilité de l’opposant au sens de l’art. 41 CO. En revanche, le droit cantonal ne peut pas se contenter de prévoir que l’opposant qui succombe supporte les frais subséquents à une séance de conciliation s’il les a occasionnés sans nécessité.

Faits

Le Parlement de la République et canton du Jura modifie la réglementation de la répartition des frais relatifs aux procédures d’opposition en matière de permis de construire et de plans communaux. Les nouvelles dispositions de la loi cantonale sur les constructions et l’aménagement du territoire (LCAT/JU) prévoient que l’opposant supporte les frais relatifs à la séance de conciliation si l’opposition est manifestement irrecevable ou manifestement infondée. En cas d’échec de la conciliation, les frais subséquents sont mis à la charge de l’opposant qui succombe s’il les a occasionnés sans nécessité.

Après avoir contesté sans succès cette modification législative auprès de la Cour constitutionnelle, des citoyens du canton saisissent le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public pour faire annuler les dispositions litigieuses.… Lire la suite