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La fourniture préalable de garanties diplomatiques en vue d’une extradition vers la Russie

ATF 148 I 127 | TF, 01.09.2021, 1C_381/2021*

Les garanties diplomatiques requises en l’espèce auprès de la Russie – telles que la mise en place d’un système de monitoring dès la remise de la personne extradée à l’État requérant, la connaissance du lieu de détention avant l’extradition et sa localisation à l’ouest de l’Oural – suffisent à assurer la protection de la personne extradée de manière conforme à la CEDH.

Faits 

Le 18 avril 2016, la Russie requiert de la Suisse l’extradition d’un ex-banquier russe recherché pour des faits de fraude à grande échelle et de blanchiment d’argent. Le 29 novembre 2019, l’Office fédéral de la justice accorde l’extradition, moyennant un certain nombre de garanties diplomatiques.

L’ex-banquier dépose un recours contre la décision d’extradition auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, laquelle le rejette (RR.2020.4 et RR. 2019.325). La Cour requiert toutefois que les garanties diplomatiques soient complétées par la Russie.

Le 21 décembre 2020, le Tribunal fédéral admet le recours de l’ex-banquier à l’encontre de l’arrêt de la Cour des plaintes, compte tenu de l’évolution de la situation des droits de l’homme en Russie. Il renvoie la cause à la Cour des plaintes, qui est chargée d’examiner si les garanties sont suffisantes, eu égard notamment à la situation prévalant actuellement en Russie et aux circonstances particulières du cas d’espèce (1C_444/2020).… Lire la suite

La surveillance des télécommunications par les services secrets : Arrêt de la Grande Chambre (CourEdH, Big Brother Watch) (I/II)

CourEDH. Grande Chambre, 25.05.2021, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15

L’interception massive de télécommunications et l’acquisition de données secondaires de communication (qui, où et quand) par les services de renseignement ne sont compatibles avec le droit à la vie privée (art. 8 CEDH) que si un cadre légal suffisamment strict les encadre. Des garanties procédurales de bout en bout doivent être mises en place. Parmi d’autres exigences, celles-ci doivent au moins comprendre l’autorisation préalable de la surveillance par une autorité indépendante (judiciaire ou non) et une voie de recours effective a posteriori, ouverte à toutes les personnes ayant (potentiellement) fait l’objet d’une surveillance.

Faits

À la suite des révélations d’Edward Snowden, plusieurs personnes physiques et morales contestent la conformité de la surveillance électronique déployée par les services secrets du Royaume-Uni au droit à la vie privée garanti par la CEDH (art. 8 CEDH).

Après avoir épuisé les voies de droit nationales, les requérants ont agi devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’affaire a fait l’objet d’une première décision par la Chambre (CourEDH, 13.09.2018, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15, résumé in : LawInside.ch/702LawInside.ch/707, et LawInside.ch/725), puis d’une demande de renvoi devant la Grande Chambre.… Lire la suite

La constatation de l’atteinte à la personnalité dans un média en ligne (2/2) : les personnes de l’histoire contemporaine

ATF 147 III 185TF, 18.02.2021, 5A_247/2020*

Le seul fait qu’une personne soit considérée comme une “personne relative de l’histoire contemporaine” ne confère pas nécessairement un intérêt digne de protection de la presse à l’identifier au moyen d’une photo. Ainsi, l’intérêt de la presse à informer le grand public doit être mis en balance avec le droit à la vie privée de l’individu.

Faits

Le 20 octobre 2013, un article paraît sur le portail en ligne Blick (détenu par Ringier SA) avec le titre suivant :

“C.B. [nom complet dans l’article] de Rafz ZH. Ce Suisse aide le culte de la torture des enfants” (traduction libre).

Le sous-titre se lit comme suit :

“La justice allemande enquête sur « Les Douze Tribus ». La secte torture des enfants – avec le soutien de la Suisse” (traduction libre).

Une photo a été insérée, montrant C.B. de manière identifiable au centre. Par la suite, le nom complet de C.B. a été supprimé et remplacé par ses initiales. Au jour de l’action, l’article est encore disponible sous cette forme sur internet (la photo n’ayant été pixellisée qu’à la suite de l’arrêt de l’Obergericht).

Le 8 novembre 2017, C.B. dépose une demande auprès du Bezirksgericht de Zofingue, en concluant à l’effacement de toutes les données relatives à sa personne dans la publication du 20 octobre 2013 ainsi qu’à la “constatation de l’illicéité”.… Lire la suite

Nemo tenetur invoqué par l’ancien organe d’une société anonyme

ATF 147 II 144 | TF, 08.03.2021, 2C_383/2020*

Un ancien CEO d’une société visée par une enquête de la COMCO ne peut pas se prévaloir du droit de ne pas incriminer son ancien employeur afin de refuser de témoigner. Il doit ainsi être entendu comme témoin et a l’obligation de déposer, sauf s’il risque personnellement des poursuites pénales.

Faits

La Commission de la concurrence (COMCO) ouvre une enquête contre plusieurs sociétés concernant une possible restriction à la concurrence. Ces sociétés seraient convenues illicitement de boycotter Apple Pay et Samsung Pay.

La COMCO décide d’entendre notamment l’ancien CEO de Twint comme témoin. Ce dernier conteste avec succès son audition en qualité de témoin auprès du Tribunal administratif fédéral. En effet, l’ancien CEO pourrait se prévaloir du principe nemo tenetur se ipsum accusare (droit de ne pas s’auto-incriminer) puisque l’audition concerne des faits relatifs à la période durant laquelle il exerçait comme CEO (B-6863/2018).

Le Département de l’économie, de la formation et de la recherche saisit le Tribunal fédéral en soutenant que l’ancien CEO pourrait être interrogé comme témoin sans qu’il bénéficie d’un droit de refuser de témoigner.

Le Tribunal fédéral est ainsi amené à préciser la portée du principe nemo tenetur en faveur des (anciens) organes lorsque la personne visée par la procédure est une société.… Lire la suite

La taxe militaire viole l’art. 14 CEDH (CourEDH)

CourEDH, 12.01.2021, Affaire Ryser c. Suisse, Requête no 23040/13

Le fait d’astreindre une personne à payer une taxe d’exemption de servir dans l’armée, après l’avoir déclarée inapte au service militaire pour raisons de santé, constitue une discrimination contraire à l’art. 14 en lien avec l’art. 8 CEDH.

Faits

Un citoyen suisse atteint d’un léger handicap est déclaré inapte au service militaire pour des raisons de santé, non précisées par l’autorités compétente. ll est toutefois déclaré apte au service de protection civile. Par décision séparée, l’Office de la sécurité civile, du sport et des affaires militaires du canton de Berne (l’office) l’astreint à payer la taxe d’exemption de l’obligation de servir.

L’intéressé s’estime victime de discrimination par rapport aux femmes – qui sont exemptées de l’obligation de servir dans l’armée – aux personnes déclarées aptes et aux objecteurs de conscience – qui peuvent effectuer un service civil de remplacement et être exemptés de taxe – et aux personnes présentant un handicap majeur – qui sont exonérées de la taxe en vertu de l’art. 4 LTEO.

Il forme opposition puis recourt contre la décision de l’office auprès de la Commission cantonale compétente et du Tribunal fédéral (2C_396/2012), avant de finalement saisir la CourEDH.… Lire la suite