Articles

Inapplicabilité du principe “oui c’est oui” en l’état actuel du droit pénal suisse

ATF 148 IV 234 | TF, 28.03.2022, 6B_894/2021*

En l’état actuel du droit, l’absence de consentement ne permet pas de retenir un viol ou une contrainte sexuelle. La victime doit donner des signes évidents et déchiffrables de son opposition, qui doivent être reconnaissables pour l’auteur.

Faits

Lors d’une soirée, un homme et une femme se rencontrent dans un bar à Genève. Après avoir discuté et bu quelques bières, il se rendent ensemble au domicile du premier. Face à l’aspect peu invitant de l’appartement, la femme a eu envie de repartir, mais ne l’a pas fait. Tous deux se sont retrouvés sur le lit. Une fellation et un rapport sexuel pénétratif ont lieu.

Le lendemain, la femme dépose plainte pénale contre l’homme, notamment pour contrainte sexuelle et viol. Elle affirme s’être laissée faire par peur que son partenaire ne devienne violent, à la suite de morsures douloureuses qu’il lui aurait infligées avant les actes d’ordre sexuel et malgré ses protestations. Aux dires du prévenu, il ne s’agissait que de suçons qui étaient intervenus au cours des actes d’ordre sexuel. La plaignante avait fait état de douleurs liées à ces morsures ou suçons (“ça fait mal, arrête”, “aïe”), mais était restée pour le surplus passive, sans manifester verbalement un défaut de consentement avec des rapports intimes.… Lire la suite

Le principe de l’accusation et l’appréciation des preuves en cas de viols

ATF 147 IV 505 | TF, 29.11.2021, 6B_1498/2020*

Le principe de l’accusation est respecté lorsque le prévenu peut déduire de l’acte d’accusation que l’unique mode opératoire décrit vaut pour tous les viols qui lui sont reprochés. Face à des déclarations contradictoires entre l’auteur et sa victime, il n’est pas arbitraire pour l’autorité de retenir une version des faits au détriment d’une autre, lorsque les autres éléments et indices invoqués lui permettent de forger sa conviction.

Faits

Un homme est reconnu coupable de viol (art. 190 al. 1 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de menaces (art. 180 al. 2 let. a CP). Ces infractions ont été commises contre son épouse d’alors en l’espace de quelques mois. Il est condamné par le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland à une peine privative de liberté, à une peine pécuniaire avec sursis et au paiement d’indemnités à sa victime.

À la suite de l’appel du condamné et de l’appel joint du Ministère public, l’instance cantonale supérieure prolonge la durée de la peine privative de liberté. Le condamné exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer en particulier sur le respect du principe de l’accusation (art.Lire la suite

La crédibilité de la victime de viol en cas de plainte tardive

ATF 147 IV 409 | TF, 24.06.2021, 6B_257/2020 et 6B_298/2020*

Le fait qu’une plainte pour infractions à l’intégrité sexuelle ne soit déposée que plusieurs mois après les faits ne permet pas, en soi, de remettre en doute la véracité des déclarations de la victime, même si celles-ci paraissent particulièrement précises ou contradictoires. Dans leur appréciation de la plainte, les autorités sont tenues de prendre en compte les développements scientifiques relatifs au traitement cérébral des traumatismes, à défaut de quoi elles versent dans l’arbitraire.

Faits

Deux amis consomment d’importantes quantités de drogues (cocaïne et kétamine notamment) lors d’une soirée en ville de Zurich. Une violente bagarre éclate entre eux et l’un des deux inflige à l’autre de graves blessures, entraînant finalement sa mort. L’ancienne fiancée du prévenu, entendue dans le cadre de l’enquête, déclare que celui-ci l’avait contrainte à avoir des rapports sexuels avec lui dans une chambre d’hôtel à Londres quelques mois auparavant. La victime est interrogée à plusieurs reprises dans le cadre de l’enquête pour le meurtre précité, mais elle ne porte plainte qu’une année plus tard.

Le Bezirksgericht de Meilen condamne le défendeur à une peine privative de liberté de douze ans et six mois pour meurtre intentionnel (art.Lire la suite