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L’absence de base légale pour une compensation financière en plus de celle accordée par la CourEDH en cas de détention injustifiée

TF, 18.12.2023, 7B_800/2023*

Il manque, en droit national, une base légale pour l’octroi d’une compensation financière en raison d’une détention injustifiée, lorsque la CourEDH a déjà accordé une telle compensation.

Faits

En novembre 2009, le procureur général zurichois saisit l’Obergericht pour demander l’internement ultérieur d’un prisonnier condamné à 20 ans de peine privative de liberté dans les années 1990, sur la base de l’art. 65 al. 2 CP. La peine privative de liberté prend fin le 8 octobre 2010, à la suite de quoi l’intéressé est placé en détention pour motifs de sûreté.

Après plusieurs renvois d’affaire, dont un passage par-devant le Tribunal fédéral (arrêt 6B_404/2011 du 2 mars 2012), le Bezirkgsericht ordonne l’internement sur la base de l’art. 65 al. 2 CP en relation avec l’art. 64 al. 1 lit. b CP. L’affaire est à nouveau portée jusqu’au Tribunal fédéral, qui rejette le recours en matière pénale formé par l’intéressé (arrêt 6B_896/2014 du 16 décembre 2015).

Saisie à son tour, la CourEDH constate une violation des art. 5 ch. 1 CEDH, 7 ch. 1 CEDH et de l’art. 4 du 7Protocole additionnel (arrêt W.Lire la suite

La libération conditionnelle du pédophile septuagénaire après un long internement

ATF 147 I 259 | TF, 24.03.2021, 6B_124/2021*

Pour évaluer le risque de récidive en vue d’une éventuelle libération conditionnelle de l’internement (art. 64a CP), on peut prendre en compte des délits non susceptibles, per se, de motiver le prononcé de l’internement, comme la consommation de pornographie enfantine. L’âge avancé d’un délinquant sexuel ne permet pas toujours de minimiser le risque de récidive. Un concept reposant sur la mise en place d’une surveillance étroite de l’auteur après sa mise en liberté pour prévenir un passage à l’acte est irréaliste et irresponsable.

Faits

Un homme abuse sexuellement de plusieurs garçons prépubères. En 2003, il est reconnu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP). En sus d’une peine privative de liberté, le tribunal prononce son internement selon l’ancien droit. Ultérieurement, l’autorité compétente ordonne la continuation de cette mesure selon le nouveau droit (art. 64 CP).

En 2012, il s’avère que le détenu possède de la pornographie enfantine dans l’établissement pénitentiaire. Ceci donne lieu à une condamnation en vertu de l’art. 197 al. 5 CP. L’affaire monte jusqu’au Tribunal fédéral, qui confirme le verdict (TF, 09.01.2018, 6B _557/2017).… Lire la suite

La conversion directe d’une mesure ambulatoire en un internement

ATF 143 IV 445TF, 09.11.17, 6B_1192/2016*

L’art. 65 al. 2 CP ne s’applique que lorsqu’il s’agit de transformer une peine privative de liberté (prononcée seule) en un internement. Par conséquent, il n’est pas possible de convertir directement une mesure ambulatoire prononcée en plus d’une peine privative de liberté en un internement.

Faits

Un prévenu est condamné à quatre ans de peine privative de liberté ainsi qu’à une mesure ambulatoire (art. 63 CP). En se fondant sur l’art. 65 CP, le Service d’application des peines du canton de Fribourg demande au Tribunal de première instance de transformer le traitement ambulatoire en un internement (art. 64 CP). Le Tribunal compétent rejette la requête en estimant qu’il n’est pas possible de convertir directement un traitement ambulatoire en internement.

Le Ministère public recourt devant le Tribunal cantonal, puis devant le Tribunal fédéral qui doit trancher cette question.

Droit

Le Tribunal fédéral relève que le texte de l’art. 63b al. 5 CP permet uniquement la modification d’une mesure ambulatoire en traitement institutionnel, à l’exclusion d’une conversion en un internement (comparer avec l’art. 62c al. 4 CP qui dispose qu’une mesure institutionnelle peut être convertie en internement).… Lire la suite

L’internement de l’auteur de l’incendie de la cathédrale Saint-Ours à Soleure

TF, 03.10.2016, 6B_875/2016

Faits

En 2009, un individu a tenté en vain de faire dérailler un train transportant des personnes en plaçant une structure en acier sur la voie ferroviaire. En 2011, il a versé de l’essence dans la zone de l’autel de la cathédrale Saint-Ours de Soleure et a attendu que celle-ci s’enflamme d’elle-même. Après avoir constaté que cela ne fonctionnait pas, il est retourné allumer lui-même l’essence. L’incendie qui s’en est suivi a provoqué d’importants dommages matériels, mais n’a pas atteint l’intégrité de personnes.

Suite à ces évènements, le Tribunal de première instance a prononcé une peine privative de liberté pour incendie, tentatives répétées de perturbations du trafic ferroviaire, menaces alarmant la population et menaces, ainsi qu’une mesure thérapeutique stationnaire selon l’art. 59 CP. Le prévenu a en revanche été acquitté du grief de lésions corporelles graves. Ce jugement est aujourd’hui entré en force.

En 2015, le Service d’application des peines ordonne la levée de la mesure thérapeutique, qui apparaît vouée à l’échec. A sa demande, le Tribunal de première instance ordonne un internement ultérieur. Sur recours, le Tribunal cantonal annule le prononcé de l’internement et ordonne une détention pour des motifs de sûreté. Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le Tribunal de première instance était autorisé à revoir les faits du jugement de condamnation lors de l’examen de la réalisation des conditions d’une mesure d’internement selon l’art.Lire la suite

La prison à vie et l’internement ordinaire

ATF 142 IV 56 | TF, 04.02.2016, 6B_513/2015*

Faits

Un meurtrier est condamné en deuxième instance à la prison à vie et à l’internement ordinaire.

Dans le cadre du recours formé par le prévenu contre cette condamnation, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’internement ordinaire peut être prononcé simultanément à la prison à vie.

Droit

Le recourant fait valoir qu’ayant été condamné à la prison à vie, il ne sera relâché que si les conditions d’une libération conditionnelle sont remplies, soit en particulier s’il n’y a pas lieu de craindre de nouvelles infractions de sa part (absence de risque de récidive,  art. 86 al. 1 CP). Or, l’internement ne peut être prononcé que si la seule peine ne suffit pas à écarter le risque de récidive (art. 56 al. 1 let. a CP). Si le recourant devait être libéré conditionnellement, ce serait précisément parce que les autorités compétentes auraient estimé qu’il ne présentait plus de risque de récidive. Partant, le recourant considère qu’il n’aurait pas dû être condamné à l’internement en plus de la prison à vie, dès lors que la peine de prison à vie suffit à écarter tout risque de récidive (art. 56 al.Lire la suite