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Transfert de patrimoine durant une procédure pénale : la société reprenante est-elle partie plaignante ?

TF, 26.01.2022, 1B_537/2021

Le transfert des actifs et passifs au sens des art. 69 ss LFus ne confère pas (per se) à la société reprenante la qualité de partie plaignante (art. 118 al. 1 CPP), cette société n’étant qu’indirectement lésée.

Conformément à la jurisprudence, un pareil transfert découle de la volonté des parties. Dès lors, on ne saurait octroyer à la société reprenante la qualité de partie plaignante en vertu de l’art. 121 al. 2 CPP, qui ne règle que les effets du transfert de par la loi de droits déterminés à des personnes qui ne sont pas elles-mêmes des lésées. Aucun motif ne justifie un changement de jurisprudence.

Faits

À la suite d’une plainte pénale déposée par une fondation, le Ministère public central vaudois ouvre une instruction pénale à l’encontre de l’ancien secrétaire général de cette fondation pour gestion déloyale, faux dans les titres et gestion déloyale des intérêts publics. Après l’ouverture de cette instruction, la fondation transfère l’intégralité de ses actifs et passifs à une société anonyme conformément aux art. 69 ss LFus.

Par ordonnance ultérieurement confirmée par le Tribunal cantonal vaudois, le Ministère public dénie alors la qualité de partie plaignante à la société anonyme.… Lire la suite

« Die spinnt ! » n’est pas une atteinte à l’honneur

ATF 147 IV 47 | TF, 17.12.2020, 6B_582/2020*

L’expression germanophone « Die spinnt ! » (« Elle débloque ! ») ne peut être qualifiée de diffamatoire en soi. Elle ne porte pas non plus atteinte à l’honneur de la personne concernée dans le contexte d’espèce (prononcée au cours d’une assemblée de copropriétaires).  

Par ailleurs, s’agissant d’un délit poursuivi sur plainte, la partie plaignante est tenue de prendre en charge les frais procéduraux et d’indemniser la prévenue suite à la clôture de la procédure.

Faits

Au cours d’une médiation entre copropriétaires et propriétaires par étage, l’une des personnes présentes (la prévenue) dit d’une autre (la plaignante) qu’« elle débloque » (« Die spinnt ! »). L’intéressée porte plainte pour atteinte à l’honneur. Suite au classement de la procédure par le Ministère public, elle recourt auprès du Tribunal cantonal de Schwyz, qui rejette le recours, met les frais procéduraux à la charge de la plaignante et l’enjoint d’indemniser la prévenue pour la procédure de recours.

La plaignante forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est appelé à déterminer si l’expression en question constitue une atteinte à l’honneur au sens des art. 173 ss CP et si la recourante est tenue de supporter les frais susmentionnés.… Lire la suite

La qualité de l’héritier de se constituer demandeur au pénal (art. 121 al. 1 CPP)

ATF 142 IV 82 | TF, 01.02.2016, 6B_827/2014*

Faits

Un mari dépose une plainte pénale contre une personne pour diverses infractions perpétrées contre le patrimoine de sa femme défunte. Il soutient notamment que sa femme a été victime d’une escroquerie (art. 146 CP) et qu’après son décès, le produit de ce crime a fait l’objet d’un blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière, au motif que le mari n’a pas le statut de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP nécessaire pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 310 CPP). Le mari recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal cantonal, qui lui dénie la qualité pour recourir et n’entre ainsi pas en matière sur le recours (art. 382 al. 1 CPP).

Le mari forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si le mari, en tant qu’héritier, dispose de la qualité pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 121 al. 1 CPP).

Droit

Au sens de l’art. 115 al. 1 CPP, une personne dispose du statut de lésé lorsque ses droits ont été touchés directement par une infraction.… Lire la suite

L’héritier lésé constitué partie plaignante

ATF 141 IV 380 | TF, 03.09.2015, 6B_1198/2014*

Faits

Un héritier dépose une plainte pénale contre sa sœur cohéritière au motif que celle-ci aurait prélevé plusieurs milliers de francs d’un compte en Suisse suite à la mort de leur mère au Portugal. Elle aurait ainsi lésé la communauté héréditaire, composée de trois enfants. Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière. Suite à un recours déclaré irrecevable par l’instance cantonale pour défaut de légitimation à recourir, l’héritier saisit le Tribunal fédéral.

Il se pose en particulier la question de savoir si l’héritier est directement lésé par les actes de sa sœur cohéritière, sans quoi il ne peut se constituer partie plaignante et participer à la procédure.

Droit

Pour l’essentiel, l’instance cantonale a retenu que l’héritier aurait dû agir en justice ensemble avec tous les membres de la communauté héréditaire. Une exception à cette règle existerait dans le seul cas où un héritier dénonce le comportement délictueux de tous les autres membres de la communauté héréditaire.

Le lésé est toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). La jurisprudence requiert que le lésé soit titulaire du bien juridique protégé par la norme pénale violée.… Lire la suite