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La restitution du délai en cas de faute grave de l’avocat·e (art. 94 CPP) et la défense obligatoire

ATF 149 IV 196TF, 26.01.2023, 6B_16/2022*

Dans le cas d’une demande de restitution du délai au sens de l’art. 94 CPP, la défense obligatoire est une condition indispensable pour faire exception à l’imputation de la faute grave de l’avocat·e à son·sa mandant·e.

Faits

En 2017, un homme décède à son domicile. Quelques heures auparavant, il avait consulté un médecin en raison de problèmes respiratoires et de douleurs aux poumons. Il était rentré chez lui sans recevoir aucune médication.

Par ordonnance pénale du 20 mai 2021, le Ministère public neuchâtelois condamne le médecin pour homicide par négligence à une peine pécuniaire avec sursis. L’ordonnance pénale lui est notifiée le lendemain, au domicile de son conseil.

Par courrier daté du 1er juin 2021 et remis à la Poste le lendemain, le médecin explique que son conseil avait signé une opposition à l’ordonnance pénale en date du 28 mai 2021, mais qu’à la suite d’une erreur de secrétariat, la lettre n’avait pas été postée. Il demande donc une restitution du délai d’opposition (art. 94 CPP) et déclare former opposition à l’ordonnance pénale.

Le Ministère public rejette la demande de restitution du délai d’opposition, ce que confirme l’Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois.… Lire la suite

La restitution du délai pour recourir au Tribunal fédéral

ATF 149 IV 97 | TF, 22.11.2021, 6B_1079/2021*

Même une condamnation lourde prononcée en appel ne suffit pas à justifier la restitution du délai de recours au sens de l’art. 50 al. 1 LTF. Le Tribunal fédéral fait une interprétation stricte de cette norme, indépendante du domaine du droit et des points attaqués.

Faits

Le Tribunal cantonal vaudois rejette l’appel formé par un prévenu contre le jugement le condamnant notamment à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis durant cinq ans et prononçant son expulsion de Suisse pour cinq ans.

Le défenseur du prévenu introduit un recours en matière pénale contre le jugement du Tribunal cantonal avec un jour de retard. Le Tribunal fédéral est dès lors amené à se prononcer sur la recevabilité du recours.

Droit

L’art. 50 al. 1 LTF dispose que si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’une partie doit se laisser imputer la faute de son avocat·e (ATF 143 I 284, résumé in LawInside.ch/449/).… Lire la suite

Le recours en matière pénale est irrecevable en l’absence de procuration

ATF 146 IV 364TF, 15.09.2020, 6B_639/2020*

À défaut de procuration, le recours en matière pénale déposé par un avocat pour son mandant est irrecevable, même lorsque celui-ci est injoignable et que l’avocat assurait sa défense obligatoire dans le cadre de la procédure cantonale.

Faits

La Juge de police de l’arrondissement fribourgeois du Lac condamne par défaut un conducteur à une peine privative de liberté de 18 mois, dont 6 fermes, pour violation grave qualifiée des règles de la circulation routière.

Son défenseur d’office dépose une annonce et une déclaration d’appel. Le Tribunal cantonal refuse toutefois d’entrer en matière au motif que le délai pour former appel et le délai pour demander un nouveau jugement n’ont pas commencé à courir, le jugement par défaut n’ayant pas pu être notifié personnellement au conducteur.

L’avocat ayant recouru au Tribunal fédéral contre l’arrêt du Tribunal cantonal, le Président de la Cour de droit pénal l’invite à produire une procuration. L’avocat répond toutefois n‘avoir jamais rencontré ou eu de contacts avec son client. Il estime pouvoir agir valablement sans procuration.

Droit

Les mandataires qui représentent une partie devant le Tribunal fédéral doivent justifier de leurs pouvoirs par une procuration (art. 40 al.Lire la suite

Le respect des droits de défense du prévenu dans le cadre du prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle

ATF 145 IV 281TF, 20.12.2018,  6B_156/2019*

L’institution d’une mesure thérapeutique institutionnelle constitue un cas de défense obligatoire. Le fait que le prévenu ne bénéficie pas encore de l’assistance d’un avocat lors de la mise en œuvre de l’expertise visant à déterminer l’opportunité d’une telle mesure ne rend toutefois pas cette expertise inexploitable. En effet, les droits de la personne concernée sont suffisamment protégés si elle est assistée d’un défenseur uniquement dans le cadre de la procédure judiciaire.

Faits

Une personne est condamnée à une peine privative de liberté de 6 ans accompagnée d’un traitement ambulatoire pour tentative de meurtre et délit contre la Loi fédérale sur les armes (Larm). Environ deux ans plus tard, le Service de l’exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg (SESPP) décide d’interrompre son traitement pour cause d’échec. Sur requête de ce même service, le Tribunal pénal de l’arrondissement de la Sarine remplace l’exécution de la peine privative de liberté par une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP.

L’intéressé recourt contre cette décision auprès du Tribunal cantonal fribourgeois, puis du Tribunal fédéral. À l’appui de son recours, il invoque notamment la violation de ses droits de défense et de son droit d’être entendu.… Lire la suite

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale en tant que motif de nullité absolue

ATF 145 IV 197TF, 24.04.2019, 6B_517/2018*

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale condamnant une personne de langue étrangère et analphabète ne constitue pas un motif de nullité absolue lorsque le condamné ne requiert pas la traduction de l’ordonnance et ne se renseigne pas au sujet de son contenu.

Faits

Une personne est condamnée à trois reprises, respectivement en 2014, en 2015 et en 2016, par ordonnance pénale pour avoir séjourné illégalement en Suisse. Ces prononcés ne font pas l’objet d’une traduction malgré le fait que le condamné ne maîtrise pas l’allemand et est analphabète.

En 2017, le condamné introduit une demande de révision tendant à faire annuler les trois ordonnances pénales. L’Obergericht zurichois rejette la demande de révision concernant les condamnations de 2014 et 2015, mais annule celle de 2016 en renvoyant la cause au ministère public pour nouvelle décision.

Le condamné saisit le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si les trois ordonnances sont nulles de plein droit du fait qu’elles n’ont pas été traduites.

Droit

Dans son principal grief, le recourant fait valoir la nullité des trois ordonnances prononcées à son encontre, au motif que celles-ci ne lui auraient pas été traduites et que, de ce fait, il n’aurait pas pu comprendre les enjeux de ces condamnations et donc se défendre de façon efficace (art.Lire la suite