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L’exploitabilité de preuves recueillies de manière illicite pour élucider des infractions à la LCR

TF, 06.09.2023, 6B_821/2021*

En fonction des circonstances concrètes, la violation grave d’une règle de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) et la conduite sans permis (art. 95 al. 1 let. b LCR) – qui sont des délits – peuvent constituer des infractions graves au sens de l’art. 141 al. 2 CPP. Dans un tel cas, les preuves recueillies de manière illicite au sens de cette norme peuvent néanmoins être exploitées.

Faits

Un motocycliste est notamment reconnu coupable de violations intentionnelle de règles fondamentales de la circulation (art. 90 al. 3 et 4 LCR), de violations graves de règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) et de conduite sans droit (art. 95 al. 1 let. b LCR) par le Tribunal criminel du canton de Lucerne, qui le condamne à une peine privative de liberté.

Sur appel du motocycliste, cette condamnation est confirmée par le Tribunal cantonal lucernois. Les deux instances cantonales fondent notamment leurs décisions sur le contenu d’une caméra GoPro et d’une carte SD saisies lors d’une perquisition au domicile du père du motocycliste après que celui-ci a lui-même commis une infraction à la LCR.… Lire la suite

Le préjudice irréparable issu de recherches secrètes illicites

ATF 148 IV 82 | TF, 19.10.2021, 1B_404/2021*

Un préjudice irréparable, condition pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision incidente (art. 93 al. 1 let. a LTF), est notamment reconnu lorsque la loi prévoit expressément la restitution ou la destruction immédiate des moyens de preuves illicites. Tel n’est pas le cas en matière de recherches secrètes illicites. 

Faits

De source confidentielle, la Police de sûreté du canton de Vaud apprend qu’un individu utilisant un certain numéro de téléphone vend probablement de la cocaïne. Elle entreprend des investigations et des surveillances qui lui permettent d’identifier l’individu.

Un policier téléphone à l’utilisateur du numéro de téléphone et simule une transaction en lui donnant rendez-vous. L’individu qui se présente et qui lui vend un « parachute » de cocaïne s’avère être la personne soupçonnée.

Informé par la police, le Ministère public cantonal ordonne la perquisition du domicile de l’individu ainsi que son audition. Lors de celle-ci, l’individu admet qu’il consomme et vend de la cocaïne.

Le Ministère public ouvre alors une instruction pénale contre l’individu pour délit contre la LStup et séjour illégal. Il requiert également sa mise en détention provisoire auprès du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc). Celui-ci l’accorde pour une durée maximale de trois mois.… Lire la suite

L’accès par l’employeur aux messages WhatsApp de l’employé

TF, 25.08.2021, 4A_518/2020

Une employeuse qui accède aux messages privés d’un employé porte atteinte à la personnalité de l’employé. La nécessité de recueillir des preuves en prévision d’un procès ne permet pas de s’affranchir des principes généraux de la LPD. L’employeur doit ainsi procéder d’abord à des moyens d’investigations moins intrusifs.

L’employeuse qui partage avec plusieurs personnes des éléments de la sphère privée, voire intime (en particulier des éléments à caractère sexuel), d’un employé peut être condamnée au paiement d’une indemnité pour tort moral (art. 49 CO).

Faits

En septembre 2013, une société qui exploite des centres de formation linguistique engage un employé comme directeur des opérations. Elle lui remet un téléphone et un ordinateur portables qu’il doit utiliser exclusivement à des fins professionnelles.

En septembre 2016, les relations entre l’employé et le directeur général se dégradent. En novembre, la société résilie le contrat de travail. L’employé rend son téléphone et son ordinateur portables après avoir préalablement réinitialisé le téléphone. Il forme opposition contre le congé qu’il estime abusif.

En décembre 2016, après que l’employé est tombé en dépression, et qu’il est donc en incapacité de travailler, la société résilie le contrat avec effet immédiat pour rupture du lien de confiance.… Lire la suite

Filmer avec sa GoPro des infractions à la LCR : une preuve inexploitable en pénal ?

ATF 147 IV 16TF, 13.11.2020, 6B_1282/2019*

Lorsque des preuves recueillies par un particulier portent atteinte à la personnalité du prévenu (art. 28 CC et art. 12 LPD), elles doivent être considérées comme licites s’il existe un motif justificatif levant l’illicéité (art. 13 LPD ou art. 28 al. 2 CC). Il convient en effet de retenir une notion uniforme, et non autonome, de la notion d’illicéité de la preuve (précision bienvenue de la jurisprudence).

Faits

Un matin, sur une route descendante à Lausanne, un automobiliste klaxonne sans raison une personne conduisant une trottinette électrique (le “cyclomotoriste“). L’automobiliste le dépasse ensuite dans une longue courbe à gauche, puis se rabat subitement à droite. Le cyclomotoriste, qui roulait à environ 35 km/h, freine énergiquement et donne deux coups avec sa main gauche contre la partie arrière du flanc droit de la voiture afin d’attirer l’attention du conducteur. Ce dernier garde sa position 1,5 seconde avant de se décaler à gauche et de poursuivre sa route.

Choqué, le cyclomotoriste appelle immédiatement la police et lui transmet la scène filmée grâce à sa caméra GoPro fixée sur son guidon le jour en question. Il ne dépose néanmoins pas de plainte pénale.… Lire la suite

L’exploitabilité de preuves recueillies de manière illicite à titre privé

ATF 147 IV 9 | TF, 01.09.2020, 6B_1468/2019*

Pour déterminer si une infraction doit être qualifiée de grave au sens de l’art. 141 al. 2 CPP, il importe d’examiner les circonstances du cas concret. Si l’infraction en question est une émeute (art. 260 CP), il s’agit de prendre en compte l’émeute en tant que telle et non le comportement individuel du participant. Partant, si l’émeute est qualifiée d’infraction grave et que la pesée des intérêts le justifie, des enregistrements de vidéosurveillance recueillis de manière illicite par un privé sont exploitables à l’encontre d’un participant, même si ce dernier n’a pas activement commis d’actes de violence.

Faits

En 2015, une manifestation non autorisée d’environ 300 personnes provoque divers dommages à la propriété dans la ville de Berne. Des actes de violence sont commis envers les forces de police. Lors du cortège, des « sprayers » se cachent dans la foule afin d’échapper aux contrôles policiers et un drapeau de la Suisse est brûlé. Les manifestants apparaissent comme une foule unie et leur attitude menace l’ordre public.

Pendant la manifestation, un participant est enregistré par des caméras de surveillance d’un hôtel. Ayant joué un rôle actif et distribué des tracts, il est condamné par le Ministère public du canton de Berne pour émeute à 60 jours-amende à CHF 30.-.… Lire la suite