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Le moment déclencheur du délai de l’art. 49 al. 1 CPC concernant la récusation : quelques précisions liées à la jurisprudence récente

TF, 01.09.2023, 4A_299/2023*

S’agissant d’une demande de récusation contre un·e greffier·ère statuant comme juge suppléant·e, le moment déclencheur du délai de l’art. 49 al. 1 CPC ne doit en principe pas être celui de l’appréciation juridique de la situation à laquelle procède un tribunal, mais celui où la partie prend connaissance des circonstances de fait qui, selon elle, constituent le motif de récusation.

Faits

En mai 2021, une partie ouvre action contre une autre pour un montant de CHF 360’000. Toutes les décisions rendues dans cette procédure l’ont été par Stefan Jaissle, premier greffier au Bezirksgericht Winterthur, en tant que juge suppléant et référent (à titre accessoire). M. Jaissle a également dirigé l’audience d’instruction du 3 novembre 2021.

Le 12 décembre 2022, la partie demanderesse dépose une demande de récusation contre M. Jaissle. Elle s’appuie en particulier sur l’ATF 149 I 14 du 9 septembre 2022 (résumé in LawInside.ch/1240) et sur l’arrêt du Tribunal fédéral 1B_519/2022 du 1er novembre 2022. Selon ces arrêts, la pratique autorisant les greffier·ères d’un tribunal à siéger comme juges suppléant·es au sein du même tribunal viole le droit à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al.Lire la suite

La prise en charge des frais d’avocat·e par la LAVI : pas de péremption ni de subsidiarité

ATF 149 II 246 | TF, 02.06.2023, 1C_344/2022, 1C_656/2022*

L’aide aux victimes peut prendre en charge les frais d’avocat·e d’une victime exclusivement au titre d’aide immédiate (art. 13 al. 1er LAVI) ou d’aide à plus long terme (art. 13 al. 2 LAVI) et non d’indemnité au sens de l’art. 19 LAVI. Le droit à la prise en charge de tels frais ne se périme pas. Il n’est ainsi pas nécessaire que la victime présente sa requête d’assistance avant la fourniture des prestations juridiques. Enfin, la prise en charge de ces frais par l’aide aux victimes n’est pas subsidiaire à l’assistance judiciaire gratuite.

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale, avant le renvoi en jugement du prévenu, une victime d’actes sexuels formule à titre subsidiaire des prétentions fondées sur la LAVI. Le Bezirksgericht de Weinfelden (Thurgovie) disjoint la procédure concernant ces prétentions de la procédure pénale et la suspend jusqu’à l’entrée en force de la décision pénale.

Après la condamnation définitive du prévenu et l’octroi à la victime d’une indemnité pour tort moral, le Bezirksgericht reprend la procédure LAVI. Il octroie à la victime l’indemnité pour tort moral sollicitée mais rejette sa requête tendant à l’indemnisation de son conseil juridique pour la procédure pénale.… Lire la suite

Greffier et juge suppléant au sein du même tribunal : des fonctions incompatibles ?

ATF 149 I 14 | TF, 09.09.2022, 1B_420/2022*

La pratique zurichoise autorisant les greffiers d’un tribunal à siéger comme juges suppléants au sein du même tribunal viole le droit à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al. 1 Cst. féd.. En effet, une telle pratique crée à tout le moins une apparence de partialité en raison de l’existence d’une hiérarchie informelle entre les membres de l’autorité décisionnelle. Le fait que les juges suppléants soient élus selon les mêmes modalités que les juges ordinaires et ne leur soient pas formellement subordonnés n’y change rien.

Faits

Un homme est arrêté le 22 juin 2022 en raison d’un fort soupçon d’abus de confiance. Par décision du 25 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du district de Zurich ordonne sa détention provisoire en raison d’un risque de collusion.

Le détenu exerce un recours à l’encontre de cette décision auprès de l’Obergericht du canton de Zurich. Ce dernier informe le détenu de la composition du collège de trois juges ordinaires appelés à se prononcer sur son recours.

Par décision du 26 juillet 2022, l’Obergericht du canton de Zurich rejette le recours du détenu. Cette décision n’est toutefois pas rendue par le tribunal dans sa composition initiale.… Lire la suite

Le Ministère public comme domicile de notification

ATF 147 IV 518 | TF, 12.05.2021, 1B_244/2020*

Seul le prévenu suffisamment informé peut effectivement renoncer à faire opposition à une ordonnance pénale. Une telle renonciation n’est par ailleurs possible qu’après la communication de l’ordonnance, par application analogique de l’art. 386 al. 1 CPP. L’élection d’un domicile de notification auprès du Ministère public sur la base d’un simple formulaire standardisé n’est donc pas valable, dans la mesure où une telle élection équivaut à une renonciation de facto à faire opposition.  

Faits

Un ressortissant brésilien dépourvu de documents de voyage et de visa est contrôlé par les gardes-frontières suisses en provenance d’Allemagne. Il se voit remettre un formulaire lui demandant de désigner une adresse de notification, au choix, auprès d’une personne de contact domiciliée en Suisse ou directement auprès d’un-e employé-e du Ministère public de Bâle-Ville. Il opte pour la seconde option.

Par ordonnance pénale, le Ministère public condamne l’intéressé pour infraction à la LEI. L’ordonnance pénale est acceptée par une employée du Ministère public chargée des notifications, qui en adresse une copie d’orientation par courrier à l’adresse brésilienne du prévenu.

Suite à l’opposition formée par ce dernier plus de trois mois après le prononcé de l’ordonnance pénale, le Tribunal pénal de Bâle-Ville constate la nullité de l’ordonnance pénale et renvoie la cause au Ministère public.… Lire la suite

Le droit d’accès aux arrêts cantonaux

ATF 147 I 407 | TF, 16.06.2021, 1C_307/2020*

L’art. 54 al. 3 et 4 CPC ne s’oppose pas à la publication anonymisée de la jurisprudence cantonale en droit de la famille. Un prétendu travail disproportionné d’anonymisation ne justifie pas non plus une restriction au principe de publicité de la justice.

Faits

En relation avec une procédure de divorce qui le concerne, un justiciable demande à l’Obergericht du canton de Zoug de lui transmettre sous forme anonyme et numérique toutes les décisions rendues depuis le 1er janvier 2015 dans divers domaines du droit de la famille.

L’Obergericht rejette la demande pour plusieurs motifs. En premier lieu, l’art. 54 al. 4 CPC s’y opposerait (« [l]es procédures relevant du droit de la famille ne sont pas publiques »). Deuxièmement, l’art. 54 al. 3 CPC s’appliquerait (« [l]e huis clos total ou partiel peut être ordonné lorsque l’intérêt public ou un intérêt digne de protection de l’un des participants à la procédure l’exige »). En effet, malgré l’anonymisation, l’identité des parties pourrait être révélée. Enfin, la demande nécessiterait une charge de travail disproportionnée.

Suite au rejet de cette demande, le justiciable saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public.… Lire la suite