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La publication d’un blâme à l’encontre d’un avocat, une sanction illicite ?

CDAP (VD), 16.01.20202, GE.2017.0188

La publication d’une décision prononçant un blâme à l’encontre d’un avocat est contraire à la LLCA si le nom de l’avocat, même caviardé, est reconnaissable à la lecture de la décision.

Faits

Dans la cadre d’une procédure disciplinaire, la Chambre des avocats du canton de Vaud prononce un blâme à l’encontre d’un avocat (art. 17 al. 1 let. b LLCA). Selon le dispositif de la décision, celle-ci sera publiée, comme toutes les décisions de la Chambre, sur le site Internet officiel de l’État de Vaud, avec toutefois le nom de l’avocat caviardé.

L’avocat dépose un recours devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal afin que cette décision ne soit pas publiée. La Cour doit alors préciser si la publication d’une sanction caviardée respecte la LLCA.

Droit

La Cour rappelle en premier lieu que l’art. 17 LLCA règle de manière exhaustive les mesures disciplinaires pour les avocats. Or le Tribunal fédéral a reconnu récemment que la publication d’une mesure disciplinaire doit être considérée comme une sanction en soi (ATF 143 I 352, résumé in LawInside.ch/480/). Dès lors que la LLCA ne prévoit pas la publication des décisions prises en application de cette loi, une publication constituerait une sanction supplémentaire contraire à la LLCA dans la mesure où l’avocat sanctionné est reconnaissable.… Lire la suite

Le principe de la transparence et la publication de tous les arrêts cantonaux

TF, 07.06.2019, 1C_394/2018

Le principe de la publicité de la justice exige que l’ensemble des décisions rendues au fond par les tribunaux soit à tout le moins mis à disposition du public, par exemple au greffe de la juridiction, avec la possibilité d’en faire une copie anonymisée.

Faits

Dans le cadre d’une défense d’office, une avocate demande au Tribunal pénal du canton de Genève l’accès à toutes les décisions et ordonnances rendues par celui-ci durant les dix dernières années.

L’avocate voit sa demande rejetée par le Secrétariat général du pouvoir judiciaire, à la suite de quoi elle saisit le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence. Ce dernier recommande au Tribunal pénal d’autoriser l’avocate à consulter l’intégralité des décisions et ordonnances dans les locaux du Tribunal. Malgré cette recommandation, le Tribunal refuse l’accès requis par l’avocate.

Saisie d’un recours, la Chambre administrative de la Cour de justice considère que le travail d’anonymisation concerne quelque 22’000 décisions, ce qui représente un travail disproportionné. Quant à la consultation sur place des décisions non caviardées, celle-ci est réservée aux recherches scientifiques. Dès lors, elle rejette le recours (ATA/550/2018).

L’avocate dépose un recours auprès du Tribunal fédéral qui est amené à préciser la portée du principe de la publicité de la justice.… Lire la suite

La notification fictive d’une décision dans le cas d’une garde de courrier par la Poste

ATF 141 II 429 | TF, 26.11.2015, 1C_115/2015*

Faits

Les CFF soumettent des plans à l’approbation de l’Office fédéral des transports (OFT). Lors de la procédure d’approbation et de la mise à l’enquête publique, un administré forme une opposition, qui est rejetée par l’OFT le 20 décembre 2013.

Par acte du 5 février 2014, l’administré recourt au Tribunal administratif fédéral (TAF). Il ressort de l’instruction que la décision de l’OFT est arrivée à la Poste du domicile de l’administré le 24 décembre 2013. La Poste n’a toutefois pas livré le courrier au recourant ni même tenté de le faire, car celui-ci avait demandé à la Poste de garder son courrier en raison de vacances.

En raison de cette demande de garde, le document a été conservé par la Poste jusqu’au 6 janvier 2014, date à laquelle il a effectivement été retiré par le recourant. Le TAF considère que la tentative infructueuse de distribution est intervenue au plus tard le 24 décembre 2013, et non le 6 janvier 2014. Par conséquent, le délai pour recourir est arrivé à échéance le 3 février 2014 et le recours, déposé le 6 février 2014, est tardif.

L’administré forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir quand une tentative infructueuse de distribution au sens de l’art.Lire la suite

La restriction de la liberté des médias dans une procédure pénale

ATF 141 I 211 | TF, 06.11.2015, 1B_169/2015*

Faits

Lors d’une procédure pénale, un juge unique prononce une décision qui impose aux chroniqueurs judiciaires de préserver l’anonymat du prévenu, en interdisant notamment de publier son nom, des photos le concernant, son âge et son domicile. La violation de la décision est sanctionnée par une amende d’ordre de 1000 francs.

Contre cette décision, un chroniqueur judiciaire recourt à l’Obergericht du canton de Zurich qui admet partiellement le recours.

Le chroniqueur judiciaire interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si la décision du juge unique repose sur une base légale.

Droit

La liberté des médias est garantie (art. 17 Cst.). La décision du juge unique interdisant au chroniqueur judiciaire de publier des informations sur le prévenu est une ingérence dans la liberté des médias, dont la restriction nécessite une base légale (art. 36 Cst.). Une restriction grave doit reposer sur une base légale claire et précise résultant d’une loi au sens formel.

L’art. 69 CPP concrétise l’art. 30 al. 3 Cst. et consacre le principe de la publicité des débats. Du fait que les citoyens ne peuvent assister de manière permanente aux débats, c’est aux médias de les retranscrire dans leurs chroniques judiciaires afin de rendre la justice transparente au public.… Lire la suite

Le changement de la composition d’une autorité en cours de procédure

ATF 142 I 93 | TF, 29.09.15, 4A_271/2015*

Faits

Un entrepreneur requiert l’inscription d’une hypothèque légale. En 2009, le Tribunal de première instance tient une audience et auditionne des témoins. En 2014, il rejette l’inscription de l’hypothèque légale en statuant dans une autre composition, à l’exception du Président qui était déjà présent en 2009. L’entrepreneur saisit alors le Tribunal cantonal puis le Tribunal fédéral qui doit déterminer si la décision rendue est nulle en raison du changement de composition de l’autorité en cours de procédure.

Droit

Le droit d’être entendu (art. 29 Cst.) impose que chaque juge ait connaissance des preuves administrées dans une affaire. Par conséquent, la procédure doit être tout ou en partie répétée si certains juges n’étaient pas présents lors de l’administration de preuves orales et qu’il n’existe pas de procès-verbal. Le droit d’être entendu garantit aussi que les nouveaux magistrats aient accès au dossier pour être au même niveau de connaissance que les autres juges. Dans le cas présent, tous les juges ayant statué en 2014 n’étaient pas présents lors de l’audience de 2009. Cependant, les auditions des témoins ont été protocolées et les nouveaux juges ont eu accès au procès-verbal d’audition de sorte qu’il n’y a pas eu de violation de l’art.Lire la suite