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Force probante d’une expertise « extérieure » dans une procédure civile

 TF, 13.12.2021, 4A_410/2021

Lorsqu’une expertise produite dans une procédure civile a été mise en œuvre par une autre autorité dans une autre procédure, l’expertise est dite « extérieure ». À la différence d’une expertise privée, l’expertise « extérieure » a valeur probante et le juge civil doit respecter le droit d’être entendu des parties au sujet de l’expertise. 

Faits

En janvier 2006, une conductrice est victime d’un accident de la route. Elle se plaint immédiatement de douleurs cervicales et consulte son médecin le même jour. Celui-ci diagnostique une entorse cervicale et atteste une incapacité de travail totale de 3 à 5 jours, puis une incapacité partielle pendant cinq mois.

En raison de douleurs persistantes, l’assureur-accidents obligatoire de la lésée demande à deux spécialistes d’effectuer une expertise pluridisciplinaire en avril 2008. Ils retiennent que le lien de causalité naturelle entre l’accident et les douleurs cervicales persistantes est vraisemblable, voire certain. Lors d’une deuxième expertise, un neurologue parvient au même constat.

Le médecin-conseil de l’assurance responsabilité civile de l’automobiliste estime toutefois que ces deux expertises présentent de nombreux éléments incohérents ou incomplets. La lésée effectue alors un troisième examen en février 2010. Le spécialiste en neurochirurgie considère qu’à ce stade, l’atteinte à la santé n’est plus liée à l’accident.… Lire la suite

L’expertise privée : encore une simple allégation

TF, 07.12.2020, 4A_247/2020

Un tribunal ne peut pas procéder à une appréciation anticipée des moyens de preuve lorsque ces « preuves » sont des expertises privées. En effet, celles-ci constituent de simples allégations de partie, et non des moyens de preuve.

Faits

Un employé tombe en incapacité de travail à cause d’une maladie. Après avoir payé durant quelques semaines des indemnités journalières à l’employé, l’assurance privée arrête ses prestations et demande leur remboursement en se fondant sur une expertise d’un médecin.

L’employé saisit le Sozialversicherungsgericht du canton de Zurich d’une requête de preuve à futur afin qu’il soit ordonné une expertise judiciaire sur sa capacité de travail. L’assurance accepte la demande de l’employé. Néanmoins, le Tribunal la rejette. Il considère en effet que l’expertise pourra être obtenue ultérieurement et que la preuve n’est donc pas « mise en danger » au sens de l’art. 158 CPC.

L’employé dépose alors une action au fond auprès du même Tribunal. L’assurance dépose une demande reconventionnelle, en se fondant à nouveau sur l’expertise médicale. Le Sozialversicherungsgericht considère que l’expertise de l’assurance n’est pas suffisante pour renverser la preuve apportée par les certificats médicaux de l’employé. Partant, l’incapacité de travail de l’employé doit être confirmée. Le Tribunal admet ainsi la demande de l’employé.… Lire la suite

L’illicéité et l’exploitabilité d’une observation privée en procédure pénale

ATF 143 IV 387 | TF, 16.08.2017, 1B_75/2017*

L’observation privée d’une personne constitue une preuve illicite, faute de base légale suffisante en procédure pénale. Ce moyen de preuve n’est toutefois pas manifestement inexploitable. 

Faits 

Suite à un accident de la route, un assuré est déclaré en incapacité de gain par une expertise psychiatrique. 

L’assurance responsabilité civile de l’assuré mandate un détective privé afin de l’observer, dans des espaces publics, à cinq reprises entre 2006 et 2013. 

L’assurance dépose une plainte pénale contre l’assuré et produit l’expertise privée résultant des observations. Dans le cadre de l’instruction, le Ministère public de Soleure perquisitionne divers documents et enregistrements au domicile du prévenu.  

Le prévenu demande la mise sous scellés de ces documents, mais le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) accepte la levée des scellés requise par le Ministère public. Le TMC considère que la jurisprudence récente sur les preuves illicites récoltées à l’aide d’observations en matière d’assurances sociales (cf. notamment 9C_806/2016*, résumé in LawInside.ch/498) ne s’applique pas en procédure pénale. De plus, en droit pénal, la partie plaignante a en principe le droit de se procurer ses propres moyens de preuve et de les déposer auprès de l’autorité compétente.… Lire la suite

La force probante d’une expertise privée dans l’assurance complémentaire

ATF 141 III 433 | TF, 11.09.2015, 4A_178/2015*

Faits

Un assuré au bénéfice d’une assurance indemnité journalière fondée sur la LCA est en incapacité de travail.

L’assuré demande une rente d’invalidité que son assurance privée refuse en se fondant sur une expertise privée qui ne retient aucune incapacité de travail.

L’assuré ouvre action contre son assurance. En instance cantonale, l’assurance obtient gain de cause. Les juges ont considéré que l’expertise privée est un moyen de preuve. L’assuré forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral qui doit trancher la question de savoir si l’expertise privée sur laquelle se fonde l’assureur maladie dans l’assurance complémentaire est un moyen de preuve au sens du CPC.

Droit

En droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a considéré dans l’ATF 125 V 351, que le simple fait que la prise de position du médecin s’effectue dans le cadre d’une expertise privée à la demande de l’assureur ne suffit pas pour mettre en doute la valeur probatoire de l’expertise. Celle-ci a donc valeur de moyen de preuve. En revanche, en droit privé, il est de jurisprudence constante qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve, mais une simple allégation avancée par une partie (ATF 140 III 24 ; ATF 132 III 83).… Lire la suite