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Le montant de l’amende additionnelle (ou peine immédiate) de l’art. 42 al. 4 CP

ATF 149 IV 321 | TF, 12.07.2023, 6B_337/2022*

L’amende additionnelle (ou peine immédiate) au sens de l’art. 42 al. 4 CP peut s’élever au maximum à 20 % de la sanction adaptée à la faute dans son ensemble, composée d’une peine principale prononcée avec sursis et d’une amende additionnelle.

Faits

Le Bezirksgericht lucernois reconnaît un homme coupable de plusieurs infractions en lien avec la consommation de stupéfiants. Il le condamne à une peine pécuniaire de 25 jours-amende à CHF 30 avec sursis ainsi qu’à une amende additionnelle de CHF 900. Sur appel du condamné, le Kantonsgericht réduit la peine pécuniaire à 19 jours-amende à 30 francs avec sursis, et le condamne à une amende de CHF 280, dont CHF 100 pour l’une des infractions à la LStup, non contestée.

Le Ministère public lucernois exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à préciser sa jurisprudence concernant l’amende additionnelle (art. 42 al. 4 CP), aussi appelée peine immédiate, prononcée en sus d’une peine avec sursis.

Droit

Aux termes de l’art. 42 al. 4 CP, le ou la juge peut prononcer, en plus d’une peine avec sursis, une amende conformément à l’art.Lire la suite

La banque négligente et la cliente victime d’une fraude au président : qui est responsable ?

ATF 146 III 387 | TF, 06.08.2020, 4A_178/2019, 4A_192/2019*

Même si une employée d’une société est négligente lorsqu’elle se laisse duper par une fraude au Président, la banque doit restituer à la société les montants escroqués lorsque la banque a été négligente au point d’interrompre le lien de causalité entre la faute de la société et le dommage (le montant escroqué). Tel est en particulier le cas lorsque la banque ne respecte pas le système convenu de transmission d’ordres bancaires. Le fait que les ordres du prétendu CEO contiennent des fautes d’orthographe et que tant la fréquence que le montant des ordres soient insolites est également de nature à interrompre le lien de causalité.  

Faits

Une société ouvre des comptes auprès d’une banque suisse. Dans la documentation contractuelle d’ouverture des comptes, la société précise qu’elle est valablement représentée par la signature collective de deux personnes autorisées, dont notamment le CEO et la comptable. La société ne signe pas le formulaire l’autorisant à donner des ordres par courriel. De son côté, la banque s’oblige à vérifier la légitimation de sa cliente selon la diligence usuelle en affaires.

Pendant dix ans, la société effectue ses ordres par e-banking, et non par téléphone ou par courriel.… Lire la suite

L’homme de confiance, la procuration illimitée et la bonne foi de la banque

ATF 146 III 121 | TF, 10.12.2019, 4A_504/2018*

La banque qui exécute des virements bancaires requis par un titulaire d’une procuration ne peut pas invoquer sa bonne foi (art. 3 al. 2 CC) lorsqu’elle se trouve en conflit d’intérêts, qu’elle a des doutes quant à la légitimation du représentant et qu’elle ne procède néanmoins à aucune vérification directement auprès de la cliente. N’étant pas de bonne foi, la banque ne peut pas se prévaloir de la procuration bancaire signée par la cliente (rapports externes) lorsque le représentant dépasse les pouvoirs qui lui ont été octroyés par la cliente (rapports internes).

Faits

Un homme d’affaires milliardaire français et sa compagne tissent des liens de confiance avec un maître de chantier. Au décès du premier, l’homme de confiance reste proche de la compagne. Il s’occupe notamment peu à peu de la gestion de ses avoirs.

Après s’être installée en Suisse en 2004, la compagne ouvre un compte bancaire et donne une procuration générale et illimitée à l’homme de confiance, lequel est présenté à la banque comme un ami de longue date.

De 2006 à 2009, l’homme de confiance détourne environ CHF 13’000’000 à l’aide de 14 ordres de virement en faveur de son propre compte auprès de la banque ou d’une banque tierce.… Lire la suite

La prétention récursoire de l’assurance sociale en présence d’un responsable privilégié

ATF 146 III 362 | TF, 01.07.2020, 4A_397/2019*

Lorsqu’une assurance sociale entreprend une action récursoire contre un tiers responsable, il se justifie de réduire ladite action de la part interne qui devrait être assumée par le responsable privilégié au sens de l’art. 75 al. 2 LPGA. L’art. 51 al. 2 CO établit une hiérarchie de responsabilité de principe à laquelle le tribunal ne peut déroger que si son application stricte ne permet pas de tenir compte des circonstances particulières du cas d’espèce.

Faits

Une société exploite un entrepôt qu’elle loue. Un de ses employés, le directeur de l’entrepôt, retire du sol de l’entrepôt plusieurs grilles métalliques afin de les nettoyer. Le propriétaire de l’entrepôt avait posé préalablement sous ces grilles des panneaux de polystyrène non-porteurs afin d’éviter de créer des courants d’air avec l’étage inférieur. Un autre employé de la société marche sur lesdits panneaux de polystyrènes. Ceux-ci cèdent sous son poids, l’employé passe à travers le sol et fait une chute de 4 mètres. Il est grièvement blessé.

Les assurances AI et AVS prennent à leur charge les dommages subis par l’employé. Elles introduisent ensuite une action en paiement d’un montant de CHF 850’000 contre le propriétaire de l’entrepôt devant le Zivilgericht de Bâle-Ville lequel la rejette.… Lire la suite

Le courtier et le vendeur escroqués : qui est responsable ?

TF, 25.11.2019, 4A_329/2019, 4A_331/2019

Lorsque la partie défenderesse ignore la véracité de certains faits allégués, elle doit les contester et peut préciser qu’elle les conteste faute de les savoir exacts.

Le vol constitue par nature un cas de nécessité justifiant de se contenter d’une vraisemblance prépondérante. En revanche, la victime d’un vol devra généralement apporter la preuve stricte qu’à un moment donné, elle a été en possession de l’objet volé.

Faits

Des époux souhaitent vendre leur villa à Cologny, Genève. Ils concluent alors un contrat de courtage avec un courtier dont ils connaissent l’expérience professionnelle. Le contrat est signé par leur fils, avocat, qui les représente pour la conclusion du contrat. Ce contrat prévoit un prix de vente de CHF 32’000’000 avec une commission de 2 % en faveur du courtier.

Les parties conviennent par ailleurs oralement que le mandat doit être exercé avec discrétion. Le dossier ne doit notamment pas apparaître dans la presse. En effet, les époux avaient été sensibilisés, notamment par le courtier, du risque d’escroquerie lors d’une telle opération.

Après quelques visites infructueuses en raison du prix, le courtier publie deux ans plus tard une annonce sur l’un des plus grands portails immobiliers au monde sans en informer les époux.… Lire la suite