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Greffier et juge suppléant au sein du même tribunal : des fonctions incompatibles ?

ATF 149 I 14 | TF, 09.09.2022, 1B_420/2022*

La pratique zurichoise autorisant les greffiers d’un tribunal à siéger comme juges suppléants au sein du même tribunal viole le droit à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al. 1 Cst. féd.. En effet, une telle pratique crée à tout le moins une apparence de partialité en raison de l’existence d’une hiérarchie informelle entre les membres de l’autorité décisionnelle. Le fait que les juges suppléants soient élus selon les mêmes modalités que les juges ordinaires et ne leur soient pas formellement subordonnés n’y change rien.

Faits

Un homme est arrêté le 22 juin 2022 en raison d’un fort soupçon d’abus de confiance. Par décision du 25 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du district de Zurich ordonne sa détention provisoire en raison d’un risque de collusion.

Le détenu exerce un recours à l’encontre de cette décision auprès de l’Obergericht du canton de Zurich. Ce dernier informe le détenu de la composition du collège de trois juges ordinaires appelés à se prononcer sur son recours.

Par décision du 26 juillet 2022, l’Obergericht du canton de Zurich rejette le recours du détenu. Cette décision n’est toutefois pas rendue par le tribunal dans sa composition initiale.… Lire la suite

Quelques précisions sur l’organisation d’une étude d’avocat-e-s en société anonyme

ATF 147 II 61TF, 26.11.2020, 2C_372/2020*

Lorsqu’une étude d’avocat-e-s est constituée en société anonyme, l’autorité de surveillance cantonale ne peut pas ordonner l’introduction d’une disposition statutaire contraignant d’éventuel-le-s actionnaires non avocat-e-s à transférer leurs titres à une personne inscrite au barreau. Une telle mesure est en dehors de son champ de compétences. 

Faits

Un avocat bullois exerce sa profession sous la forme d’une société anonyme dont il est l’unique actionnaire et administrateur. Afin de garantir son indépendance structurelle, la Commission du barreau fribourgeoise l’enjoint à préciser les statuts de sa société anonyme avec la clause suivante :

“si la société n’offre pas à l’acquéreur de reprendre ses actions à leur valeur réelle, l’acquéreur dans la mesure où il ne remplit pas les conditions de l’art. 7.3 [soit s’il n’est pas lui-même un avocat inscrit dans un registre d’avocat d’un canton suisse] aura l’obligation dans un délai d’un an, de transférer ses actions à un tiers remplissant les conditions de l’art. 7.3 et pouvant par conséquent être actionnaire de la société”.

Selon la Commission du barreau, un tel ajout devait permettre de garantir qu’en cas d’acquisition particulière, notamment par succession ou en vertu du régime matrimonial, les actions ne se retrouvent pas durablement en d’autres mains que celles d’avocat-e-s inscrit-e-s dans un registre cantonal.Lire la suite

L’utilisation d’un espace de co-working par un avocat

ATF 145 II 229 | TF, 04.06.2019, 2C_1083/2017*

L’utilisation d’un espace de co-working par un avocat est susceptible de le mettre dans une situation de dépendance structurelle non conforme à l’art. 8 al. 1 let. d LLCA et de compromettre son secret professionnel (art. 13 LLCA).

Faits

Une avocate genevoise souhaite recourir aux services d’une société mettant à disposition des espaces de co-working pour les avocats. Elle informe ainsi la Commission du barreau de son changement d’adresse professionnelle.

Sur demande de la Commission du barreau, l’avocate présente les conditions générales du contrat qui la lie à la société de co-working. Il en ressort notamment que les courriers destinés à l’avocate sont adressés à la société de co-working. Celle-ci s’engage à chercher le courrier à la case postale tous les matins des jours ouvrables à Genève. Elle s’engage également à garder le courrier de l’avocat non ouvert (sauf les fax), à disposition de l’avocat, pendant une période maximale de six mois après réception, période après laquelle le courrier est détruit sans autre préavis. Si l’option d’ouverture du courrier et de réexpédition par e-mail est convenue, le personnel de la société de co-working ouvre les envois et procède à la réexpédition par courrier électronique dans les plus brefs délais.… Lire la suite

L’arbitrage “forcé” en matière sportive et la CEDH

CourEDH, 02.10.2018, Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse, Requêtes nos 40575/10 et 67474/10

En principe, le choix de résoudre un litige par la voie de l’arbitrage est un choix volontaire. Toutefois, un arbitrage est considéré comme “forcé” lorsque l’acceptation de la clause arbitrale ne relève pas d’un choix “libre, licite et sans équivoque”. Dans ce cas, le tribunal arbitral doit respecter les garanties prévues par l’art. 6 CEDH

Faits 

Un footballeur jouant pour Chelsea voit son contrat résilié avec effet immédiat en raison de la découverte de cocaïne lors d’un contrôle antidopage. Chelsea dépose une demande de dommages-intérêts à l’encontre du footballeur, laquelle est admise par la Chambre compétente de la FIFA. Le footballeur saisit le TAS et requiert, par la suite, la récusation de l’arbitre choisi par Chelsea. Sa requête de récusation ainsi que son appel au TAS sont tous deux rejetés.

Le footballeur dépose un recours au Tribunal fédéral invoquant le fait que deux des trois arbitres auraient dû se récuser. Le Tribunal fédéral rejette le recours par arrêt du 10 juin 2010 (4A_458/2009).

Le footballeur dépose alors une requête auprès de la CourEDH, laquelle est amenée à préciser si le footballeur se trouvait dans un arbitrage “forcé”.… Lire la suite

Le Tribunal arbitral du sport et l’art. 6 CEDH : exigences d’indépendance, d’impartialité et d’audience publique

CourEDH, 02.10.2018, Affaire Mutu et Pechstein c. Suisse, Requêtes nos 40575/10 et 67474/10

Le système de liste fermée d’arbitres du Tribunal arbitral du sport respecte les exigences d’indépendance et d’impartialité requises par l’art. 6 CEHD.

Dans le cas d’un arbitrage forcé, le Tribunal arbitral du sport doit en principe tenir une audience publique afin de respecter le droit à un procès équitable (art. 6 CEDH).

Faits

Une patineuse de vitesse professionnelle est suspendue pour une période de deux ans suite à un test antidopage. La patineuse saisit le Tribunal arbitral du sport (TAS) et requiert une audience publique, ce qui lui est refusé. Suite à la confirmation de la suspension par le TAS, la patineuse dépose un recours devant le Tribunal fédéral en invoquant le manque d’indépendance et d’impartialité du TAS en raison du mode de nomination des arbitres ainsi la violation de son droit à une audience publique selon l’art. 6 CEDH.

Par arrêt du 10 février 2010, le Tribunal fédéral rejette le recours (4A_612/2009). Il considère que le TAS doit être considéré comme un véritable tribunal arbitral. Concernant le droit à une audience publique, le Tribunal fédéral considère que l’art.Lire la suite