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L’examen par le Tribunal fédéral d’une sentence arbitrale ne contenant ni motivation ni constatation de faits

ATF 149 III 338 | TF, 12.05.2023, 4A_41/2023*

Lorsque, en conformité avec le droit procédural choisi librement pour un arbitrage, la sentence ne contient ni motivation juridique ni constatation de faits, le Tribunal fédéral ne peut de facto pas examiner les griefs soulevés par un·e recourant·e.

Faits

En septembre 2022, des parties signent une convention portant sur la résolution d’un litige patrimonial par un tribunal arbitral rabbinique siégeant à Zurich. Selon la traduction libre et non contestée par les parties de l’hébreu vers l’allemand, l’accord prévoit que la résolution du litige se fera selon les procédures réglées par la loi juive (unter den hiefür nach jüdischem Gesetz geregelten Prozeduren).

Le 7 décembre 2022, à la suite d’une audience, le tribunal arbitral rabbinique verse un procès-verbal au dossier. Ce procès-verbal contient un passage intitulé « jugement » (Psak Din), mais précise aussi que les faits doivent être clarifiés davantage. Le 12 janvier 2023, le tribunal arbitral rabbinique rend sa sentence. Elle ne contient ni motivation, ni explications sur les faits, ni considérations juridiques. En effet, en accord avec le droit juif, choisi par les parties, le principe de l’oralité prédomine dans la procédure.

Le défendeur exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, demandant l’annulation des deux décisions.… Lire la suite

La répétition d’actes de procédure suite à la démission d’un arbitre

ATF 147 III 379 | TF, 01.04.2021, 4A_332/2020*

La composition irrégulière du tribunal arbitral (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ne peut pas être invoquée pour exiger la répétition d’actes de procédure suite à la démission d’un arbitre et à son remplacement.  

En arbitrage international, il n’existe pas de règle généralement admise selon laquelle, en cas de récusation d’un arbitre, tous les actes de procédure auxquels l’arbitre concerné a participé devraient être répétés.

Faits

Trois héritiers entament une procédure d’arbitrage à l’encontre de trois sociétés en vertu des Swiss Rules of International Arbitration de 2012

Après plusieurs échanges d’écritures, le tribunal arbitral et les parties procèdent à des auditions de témoins. Quelques mois après la clôture de la procédure, les trois sociétés demandent la récusation de l’arbitre désigné par les héritiers. Selon elles, l’arbitre serait partial en raison de divers contacts entretenus avec le conseil de la partie adverse.

L’arbitre présente alors sa démission immédiate, niant toutefois les allégations formulées à son encontre. Un nouvel arbitre est nommé. Les trois sociétés exigent que l’ensemble de la procédure soit répété.

Le tribunal arbitral informe les parties qu’il entend poursuivre la procédure sans répéter aucun acte de procédure, conformément à l’art.Lire la suite

L’extension d’une clause arbitrale à une sous-traitante

ATF 147 III 107 | TF, 13.11.2020, 4A_124/2020*

En participant à l’exécution d’un contrat principal qui contient une clause arbitrale, une sous-traitante ne consent pas implicitement à se soumettre à ladite clause arbitrale.

Faits

Un maître d’ouvrage commande à une société coréenne une centrale électrique. Le contrat principal conclu entre les parties contient une clause d’arbitrage CCI avec siège à Genève. La société coréenne commande les moteurs diesel nécessaires au fonctionnement de la centrale à une sous-traitante. Le contrat de sous-traitance ne contient pas de clause arbitrale.

Après avoir reçu l’ouvrage, le maître constate que les moteurs diesel présentent des défauts si bien qu’il refuse de payer le prix convenu. La société coréenne entreprend donc une procédure arbitrale à Genève. Le maître d’ouvrage demande que la sous-traitante intervienne dans l’arbitrage aux côtés de la société coréenne.

Dans une sentence partielle, le Tribunal arbitral donne une suite favorable à la demande du maître et reconnait l’opposabilité de la clause arbitrale convenue entre le maître et la société coréenne à la sous-traitante. Sur recours de cette dernière (art. 190 al. 2 let. b LDIP), le Tribunal fédéral est amené à examiner les conditions d’extension d’une clause arbitrale à une entreprise sous-traitante.… Lire la suite

La notion d’investissement en arbitrage international et l’abus de droit

ATF 146 III 142 | TF, 25.03.2020, 4A_306/2019*

La notion d’investissement selon l’art. I (2) du TBI Espagne-Venezuela doit être comprise de manière large. En particulier, il n’y a pas besoin d’investissement actif afin que le TBI trouve application. Par ailleurs, il y a un abus de droit lorsqu’un investisseur effectue une opération précisément en vue d’un litige spécifique à venir afin de bénéficier de la protection d’un traité d’investissement.

Faits

Une société américaine est l’actionnaire unique d’une société vénézuélienne. La société américaine crée une société espagnole. Lors de cette création, la société américaine transfère l’intégralité de ses actions de la société vénézuélienne comme apport en nature. La société espagnole détient alors toutes les actions de la société vénézuélienne.

Une année plus tard, la société espagnole intente une procédure d’arbitrage contre le Venezuela, en se fondant sur la convention visant à l’encouragement et la protection réciproques des investissements conclue entre l’Espagne et le Venezuela le 2 novembre 1995 (TBI). Conformément au Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), un tribunal arbitral de trois membres est constitué avec siège à Genève.

Le Tribunal arbitral se déclare néanmoins incompétent pour statuer sur la demande.… Lire la suite

Le recours contre la décision sur la compétence en arbitrage international

ATF 143 III 462TF, 20.07.2017, 4A_98/2017*

Faits

Une société introduit une procédure d’arbitrage contre un Etat en se fondant sur le Traité de la Charte de l’énergie en vue d’obtenir un paiement de plus de 13 milliards de dollars à titre de dommages-intérêts dérivant d’une prétendue expropriation illégale.

L’Etat actionné soulève l’exception d’incompétence en raison de cinq motifs alternatifs. Le Tribunal arbitral décide de scinder la procédure et d’examiner d’abord trois des cinq motifs invoqués, les deux autres devant être traités avec le fond de la cause.

Par Interim Award on Jusrisdiction, le Tribunal arbitral écarte les trois motifs et dit que toutes les autres objections concernant la compétence et la recevabilité seront traitées avec le fond.

L’Etat exerce un recours en matière civile pour violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la recevabilité d’un recours en matière d’arbitrage international contre une décision qui ne tranche pas définitivement la question de la compétence du tribunal arbitral.

Droit

Lorsqu’un tribunal arbitral se déclare expressément compétent, il rend une décision au sens de l’art. 190 al. 2 LDIP contre laquelle un recours doit être intenté immédiatement, sous peine de forclusion.… Lire la suite