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Pas de préjudice irréparable au niveau cantonal : l’intérêt juridiquement protégé suffit

TF, 26.11.2021, 1B_485/2021

Les ordonnances du ministère public par lesquelles ce dernier refuse de retirer du dossier des moyens de preuve prétendument inexploitables sont sujettes à recours. Une personne qui souhaite recourir contre une telle ordonnance, conformément à l’art. 393 ss CPP, doit uniquement se prévaloir d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP), et non pas d’un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 LTF.

Faits

Le Ministère public genevois ouvre une instruction contre un homme pour escroquerie ainsi que tentative d’escroquerie. Dans le cadre de cette procédure, le prévenu demande le retrait de certaines pièces du dossier. Le Ministère public ayant refusé d’accéder à cette requête, il recourt à la Cour de justice de la République et canton de Genève. Se fondant sur la jurisprudence relative à l’art. 93 LTF, cette dernière déclare le recours irrecevable.

Le prévenu forme alors recours devant le Tribunal fédéral, appelé à déterminer si un recours au niveau cantonal au sens de l’art. 393 ss CPP est conditionné à l’existence d’un préjudice irréparable.

Droit

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que, lorsqu’un recours porte sur la question de l’existence même d’un recours cantonal, le recours auprès du Tribunal fédéral est en principe recevable, indépendamment de l’existence d’un préjudice irréparable au sens de l’art. Lire la suite

Le droit d’accès à l’origine des données

ATF 147 III 139 | TF, 10.12.2020, 4A_125/2020*

Une ordonnance de preuve ne doit pas avoir pour effet de procurer au requérant les informations visées par la demande au fond.

Les informations qui se trouvent dans la mémoire humaine ne tombent pas sous le coup du droit d’accès selon l’art. 8 LPD.

Faits

Un associé d’une étude d’avocats zurichoise est inculpé par les autorités pénales américaines de complicité à des délits fiscaux.

Quelques années plus tard, après avoir été exclu de son étude, l’ancien associé apprend que sa banque veut mettre un terme à sa relation contractuelle avec lui. L’avocat soupçonne qu’un associé de son ancienne étude a informé le General Counsel de la banque du fait qu’il avait été inculpé aux États-Unis. Il dépose alors une demande de droit d’accès fondée sur la protection de données.

Le Bezirksgericht de Zurich rend une ordonnance de preuve afin d’entendre l’associé de l’étude, un autre avocat, ainsi que le General Counsel de la banque au sujet d’une potentielle conversation téléphonique entre l’associé et le General Counsel.

L’Obergericht confirme l’ordonnance de preuve. Il considère en particulier que le droit de connaître l’origine des données (art. 8 al. 2 let.Lire la suite

L’existence d’un risque de préjudice irréparable en cas de disjonction

ATF 147 IV 188 | TF, 28.12.2020, 1B_524/2020*

Une ordonnance de disjonction fonde en principe un risque de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF. Les circonstances qui fondent un tel risque dans le cas concret sont des faits de double pertinence traités dans le cadre de l’examen au fond.

Le fait que des infractions aient été commises par plusieurs auteurs indépendants contre la même personne, au même endroit et au cours de la même nuit n’est pas suffisant en soi pour retenir que ces infractions doivent être poursuivies et jugées conjointement au sens de l’art. 29 CPP.

Faits

Le Ministère public de Winterthur/Unterland instruit une procédure contre deux prévenus. Ceux-ci sont notamment soupçonnés d’infractions contre l’intégrité sexuelle d’une même victime, au cours de la même fête et à peu de temps d’intervalle mais de manière néanmoins indépendante l’un de l’autre.

Le Ministère public disjoint la procédure au motif que les états de fait reprochés aux prévenus sont distincts et que la cause est en état d’être jugée s’agissant de l’un d’entre eux. Celui-ci recourt contre l’ordonnance de disjonction devant le Tribunal cantonal zurichois, puis auprès du Tribunal fédéral.

Droit

Les recours contre des décisions incidentes ne sont recevables devant le Tribunal fédéral que dans les hypothèses visées par les art.Lire la suite

L’admission de la compétence sur la base de la théorie des faits de double pertinence n’est pas une décision d’admission de la compétence

ATF 147 III 159 | TF, 17.02.2021, 4A_619/2020*

La décision par laquelle un tribunal accepte de se saisir d’une cause sur la base de la théorie des faits de double pertinence ne constitue pas une décision d’admission de compétence. Partant, une telle décision ne peut pas faire l’objet d’un recours immédiat au Tribunal fédéral fondé sur l’art. 92 LTF. Le recourant doit démontrer les conditions de l’art. 93 LTF, soit l’existence d’un préjudice irréparable.

Faits

Une banque dépose une demande en paiement à la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise contre une société russe. Celle-ci requiert que le tribunal limite la procédure à la question de sa compétence à raison du lieu. Elle explique que la demande n’est pas fondée sur un acte illicite comme le soutient la banque, mais sur le principe de la confiance ce qui exclurait la compétence de la Chambre.

La Juge déléguée considère que la question de savoir si la défenderesse engage sa responsabilité délictuelle à l’égard de la demanderesse ou répond au titre de la responsabilité fondée sur la confiance est un fait de double pertinence. Ce faisant, elle considère que les faits allégués par la demanderesse suffisent à ce stade du procès pour retenir qu’un acte illicite a été commis au détriment de la banque, rejette la requête de la défenderesse et admet la compétence de la Chambre.… Lire la suite

L’application de la LTrans aux documents relatifs à la sélection du comité de direction d’un programme national de recherche

ATF 147 II 137TF, 21.08.2020, 1C_643/2019*

Les documents relatifs à la composition et à la sélection du comité de direction d’un programme national de recherche (art. 7 al. 2 Ordonnance relative à la loi fédérale sur l’encouragement de la recherche et de l’innovation [O-LERI]) concernent de façon immédiate la procédure de décision sur les requêtes de subside pour projet de recherche. Par conséquent, ils entrent dans le champ d’application de la loi sur la transparence (art. 2 al. 1 let. b LTrans).

Faits

En se fondant sur la LTrans, une association demande au Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) de lui accorder l’accès à des documents suivants relatifs au programme national de recherche (PNR) 67 « Fin de vie » :

  1. Tous les documents concernant la composition et la sélection du comité de direction ;
  2. Tous les documents concernant les requêtes de subside pour projet de recherche rejetées ;
  3. Tous les documents concernant les requêtes de subside pour projet de recherche acceptées, pour tous les projets de recherche du programme ;
  4. Les noms des expertes et experts concernant les projets de recherche du programme.

Le FNS accorde à l’association un accès restreint aux documents concernant les requêtes acceptées (requête 3) puis, sur recommandation du Préposé à la transparence et à la protection des données, aux documents anonymisés concernant les requêtes rejetées (requête 2).… Lire la suite