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La qualité pour recourir des associations professionnelles contre une décision d’adjudication de gré à gré

TF, 07.02.2024, 2C_196/2023*

En matière de marchés publics, une association professionnelle qui souhaite recourir contre une décision d’adjudication de gré à gré, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, doit rendre plausible qu’une majorité ou un grand nombre de ses membres seraient à la fois aptes et disposés à soumissionner pour le marché en cause.

Faits

La Direction générale des immeubles et du patrimoine de l’Etat de Vaud (DGIP) lance un concours de projets pour le Gymnase du Chablais. Les lauréats du concours sont désignés. Par la suite, la DGIP adjuge de gré à gré la construction d’un autre gymnase, à savoir le Gymnase d’Echallens, aux lauréats du concours du Gymnase du Chablais.

Deux associations professionnelles composées d’architectes et d’ingénieurs forment un recours au Tribunal cantonal vaudois contre les décisions d’adjudication de gré à gré de la DGIP. Le Tribunal cantonal déclare le recours irrecevable au motif que les associations n’ont pas la qualité pour recourir. Les associations forment alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la qualité pour recourir des associations professionnelles contre une décision d’adjudication de gré à gré.

Droit

La recevabilité du recours en matière de marchés publics suppose notamment que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (art.Lire la suite

Le fardeau de la preuve en cas d’adjudication de gré à gré (revirement de jurisprudence)

TF, 06.11.2023, 2C_50/2022*

Il appartient à l’autorité adjudicatrice, et non à l’entreprise qui n’a pas été choisie, de prouver l’absence de solutions alternatives adéquates lorsque celle-ci fonde la renonciation à un appel d’offre (adjudication de gré à gré). A l’appui de sa qualité pour recourir, l’entreprise non choisie peut se limiter à rendre vraisemblable qu’elle est fournisseuse potentielle de la prestation concernée. Le Tribunal fédéral revient ainsi sur sa jurisprudence dite “Microsoft” (ATF 137 II 313).

Faits

L’Etat de Vaud utilise de longue date le logiciel d’une société argovienne pour la gestion de son service des automobiles et de la navigation. En 2021, la Direction générale cantonale du numérique et des systèmes d’information décide d’acquérir la nouvelle version de ce logiciel et de prolonger sa collaboration avec la prestataire argovienne jusqu’en 2034, pour un prix total supérieur à CHF 45 millions.

Une entreprise saint-galloise commercialisant un logiciel similaire interpelle l’Etat de Vaud pour savoir pourquoi l’adjudication a eu lieu sans appel d’offres. La Direction générale compétente explique que les prestations reçues jusqu’ici de l’adjudicataire argovienne donnent pleine satisfaction et que l’acquisition de la nouvelle version de son logiciel constitue la solution la plus fonctionnelle et économique pour le canton.… Lire la suite

L’absence d’un élément essentiel à l’exécution du mandat comme motif d’exclusion d’un soumissionnaire

ATF 145 II 249 | TF, 02.07.19, 2D_25/2018*

Le soumissionnaire qui ne dispose pas de l’équipement nécessaire à l’exécution du mandat au moment de l’appel d’offres doit en être exclu. La décision administrative adjugeant le marché à un tel soumissionnaire est illicite, et le tribunal qui confirme ladite décision d’adjudication fait preuve d’arbitraire.

Faits

Une commune neuchâteloise publie un appel d’offres (procédure ouverte) pour des prestations de ramassage et de transport des déchets urbains. Parmi les critères techniques, l’appel d’offres mentionne le fait que les véhicules utilisés devront disposer d’un système de levage des conteneurs à déchets, y compris une pince « Kinshofer ».

Trois entreprises soumettent une offre, ensuite de quoi la commune attribue le marché à celle d’entre elles qui avait obtenu le plus de points en fonction des critères d’adjudication énoncés dans l’appel d’offres. L’entreprise à qui le marché est attribué ne disposait toutefois pas de la pince « Kinshofer » au moment de la décision d’adjudication, mais l’a acquise ultérieurement.

La soumissionnaire arrivée en deuxième position recourt contre la décision d’adjudication auprès du Tribunal cantonal neuchâtelois, au motif que l’adjudicataire ne disposait pas de l’équipement nécessaire pour réaliser le mandat prévu par l’appel d’offres. Suite au rejet de son recours, l’entreprise agit par la voie du recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral, en invoquant l’interdiction de l’arbitraire.… Lire la suite

L’assujettissement au droit des marchés publics d’un hôpital détenu par des communes

ATF 145 II 49 | TF, 21.2.2019, 2C_196/2017*

Un hôpital constitué sous la forme d’une société anonyme, remplissant un mandat de prestations attribué par un canton dans le domaine des soins hospitaliers aigus et dont les actionnaires sont des communes peut être obligé par le gouvernement cantonal à lancer des appels d’offres au sens de l’AIMP pour certains marchés. En effet, une telle société entre dans le champ d’application de l’art. 8 al. 1 let. a AIMP dans la mesure où son activité n’a pas un caractère commercial.

Faits

Une société anonyme, dont le capital-actions est intégralement détenu par des communes, a pour but statutaire d’assurer le mandat de prestations hospitalières aiguës du canton de Zurich dans l’Oberland zurichois. A ce titre, elle gère les unités de soins aigus nécessaires ainsi que les services de sauvetage et de transport de patients. Dans le cadre son activité, la société exploite l’hôpital de Wetzikon. Elle figure également sur la liste cantonale des hôpitaux au sens de l’art. 39 al. 1 let. e LAMal pour diverses prestations.

Par arrêté du 15 juillet 2015, le Conseil d’État zurichois a notamment imposé à la société de lancer un appel d’offres pour tous les marchés dépassant les seuils fixés par l’AIMP, sauf exception aménagée par le droit zurichois.… Lire la suite

L’autorisation d’exploiter un taxi et la LMI

ATF 143 II 598TF, 01.09.2017, 2C_380/2016*

La réglementation intercommunale vaudoise en matière de taxis prévoyant l’attribution d’autorisations d’exploitation entraîne le transfert d’une concession de monopole en faveur des exploitants de taxis au sens de l’art. 2 al. 7 LMI. Le système d’attribution des autorisations doit par conséquent respecter une procédure d’appel d’offres imposée par l’art. 2 al. 7 LMI. L’attribution d’une concession doit se faire sous la forme d’une décision sujette à recours. La réglementation intercommunale vaudoise sur les taxis ne satisfait pas aux exigences imposées par l’art. 2 al. 7 LMI.

Faits

Les organes compétents de l’Association de communes de la région lausannoise pour la réglementation du service des taxis procèdent à des modifications du Règlement intercommunal sur le service des taxis (« RIT  ») et des Prescriptions d’application du règlement intercommunal sur le service des taxis (« PARIT  »).

En substance, les modifications des dispositions intercommunales précitées portent sur le système d’attribution des autorisations d’exploitation type A. Ces autorisations offrent aux chauffeurs le permis de stationner sur le domaine public. Elles imposent plusieurs obligations qualitatives et quantitatives (paiement d’une redevance aux autorités, formation professionnelle, conditions personnelles). Par ailleurs, elles sont octroyées aux compagnies pour une durée de 12 ans, renouvelable d’autant avant l’organisation, après une durée de 24 ans, d’un appel d’offres.… Lire la suite