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L’établissement des faits dans une procédure disciplinaire en l’absence de levée du secret médical

ATF 148 II 465 | TF, 18.10.22, 2C_845/2021*

En l’absence de démarches de la médecin non déliée du secret médical par sa patiente pour en obtenir la levée auprès de l’autorité compétente, la Commission genevoise de surveillance des professions de la santé et des droits des patients est fondée à statuer sur la base des éléments en sa possession dans une procédure disciplinaire. Dans ce contexte, les dispositions de la LPA/GE sur les conséquences de l’absence de collaboration des parties sont applicables par renvoi de la LComPS/GE .

Faits 

Une médecin est dénoncée à la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients de la République et canton de Genève (la « Commission de surveillance ») en lien avec la prise en charge d’une patiente avant son hospitalisation.

La Commission de surveillance informe la médecin de la dénonciation et de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre. Elle lui impartit également plusieurs délais pour faire valoir ses observations et pour indiquer si elle estime devoir être déliée de son secret professionnel. La Commission de surveillance précise encore que, pour ce faire, la médecin devrait s’adresser soit directement à la patiente concernée ou à son représentant légal, soit à la commission du secret professionnel ; une sous-commission étant chargée de l’instruction.… Lire la suite

Assistance au suicide : la LPTh était-elle applicable ?

TF, 09.12.2021, 6B_646/2020

Lorsqu’un médecin prescrit une substance comme le pentobarbital, soumis à contrôle selon la législation en matière de stupéfiants, en vue du suicide assisté d’une personne ne souffrant d’aucune pathologie, son comportement ne relève pas de la LPTh, mais éventuellement de la LStup. En pareilles circonstances, cette loi prime la LPTh, en tant que lex specialis, en tout cas dans l’optique d’une application des dispositions pénales contenues dans ces lois (art. 1b LStup).

Faits

En 2017, une dame âgée se trouvant en bonne santé et ne souffrant d’aucune maladie met fin à ses jours en même temps que son mari, auquel elle ne souhaitait pas survivre, avec l’aide d’une association. Pour ce faire, elle ingère du pentobarbital de sodium (ci-après : pentobarbital) prescrit par un médecin retraité exerçant au sein de l’association.

Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève condamne ce médecin pour infraction à l’art. 86 al. 1 let. a LPTh-2014 (dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017). La Cour de justice genevoise confirme ce jugement.

Le prévenu interjette alors un recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la remise de pentobarbital à une personne qui ne souffre d‘aucune pathologie physique ou psychique en vue de son suicide (suicide-bilan ou Bilanzsuizid) relève d’un comportement pénalement réprimé par la LPTh.… Lire la suite

La nécessité d’un·e expert·e externe en cas d’appel au juge (art. 439 CC) contre un PAFA ordonné par un·e médecin

ATF 148 III I

Dans le contexte d’un appel au juge (art. 439 CC) contre une décision de placement à des fins d’assistance (PAFA) ordonné par un·e médecin pour cause de troubles psychiques (art. 429 CC), une expertise est nécessaire (art. 450e al. 3 CC). Elle ne doit pas être menée par un·e membre de l’autorité appelée à statuer, mais par un·e expert·e externe.

Faits

Le 11 juillet 2021, un homme est placé à des fins d’assistance sur ordre d’un médecin désigné par le canton (art. 429 CC) pour cause de troubles psychiques. La durée du placement est fixée à six semaines. Le concerné en appelle au juge selon la procédure prévue à l’art. 439 CC. Sa demande d’expertise est rejetée par le Tribunal cantonal. Le 11 août 2021, le concerné exerce un recours auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la nécessité d’une expertise en cas d’appel au juge contre un placement ordonné par un·e médecin.

Droit

Bien que le recourant ait été libéré par les autorités cantonales 9 jours après le dépôt de son recours, le Tribunal fédéral décide d’entrer en matière, rappelant qu’il est possible de se prévaloir d’un intérêt virtuel et non actuel au sens de l’art.Lire la suite

Force probante d’une expertise « extérieure » dans une procédure civile

 TF, 13.12.2021, 4A_410/2021

Lorsqu’une expertise produite dans une procédure civile a été mise en œuvre par une autre autorité dans une autre procédure, l’expertise est dite « extérieure ». À la différence d’une expertise privée, l’expertise « extérieure » a valeur probante et le juge civil doit respecter le droit d’être entendu des parties au sujet de l’expertise. 

Faits

En janvier 2006, une conductrice est victime d’un accident de la route. Elle se plaint immédiatement de douleurs cervicales et consulte son médecin le même jour. Celui-ci diagnostique une entorse cervicale et atteste une incapacité de travail totale de 3 à 5 jours, puis une incapacité partielle pendant cinq mois.

En raison de douleurs persistantes, l’assureur-accidents obligatoire de la lésée demande à deux spécialistes d’effectuer une expertise pluridisciplinaire en avril 2008. Ils retiennent que le lien de causalité naturelle entre l’accident et les douleurs cervicales persistantes est vraisemblable, voire certain. Lors d’une deuxième expertise, un neurologue parvient au même constat.

Le médecin-conseil de l’assurance responsabilité civile de l’automobiliste estime toutefois que ces deux expertises présentent de nombreux éléments incohérents ou incomplets. La lésée effectue alors un troisième examen en février 2010. Le spécialiste en neurochirurgie considère qu’à ce stade, l’atteinte à la santé n’est plus liée à l’accident.… Lire la suite

La publication d’une sanction considérée comme une sanction en soi

ATF 143 I 352 | TF, 11.07.2017, 2C_1062/2016*

Faits

Par décision du 3 mai 2016, le Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud inflige à un psychiatre un blâme et une amende pour avoir eu des relations sexuelles avec une de ses patientes après la fin de la thérapie. Il ordonne par ailleurs la publication de la sanction dans la Feuille d’avis officielle du canton de Vaud.

Le psychiatre recourt contre la décision du 3 mai 2016 en tant qu’elle ordonnait la publication de la sanction prononcée. La Cour cantonale ayant rejeté le recours, le psychiatre saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public. Celui-ci doit examiner si le Département était en droit d’ordonner la publication de la sanction.

Droit

Le Tribunal fédéral remarque d’abord qu’il existe une superposition entre la loi cantonale vaudoise (LSP/VD) et la loi fédérale (LPMéd) en matière de mesure disciplinaire infligée à un membre d’une profession libérale.

La LPMéd a pour but d’unifier le droit disciplinaire notamment quant aux mesures prévues en cas de violation des obligations professionnelles. Son art. 43 LPMéd contient une liste exhaustive des mesures disciplinaires pouvant être prononcées que les cantons ne peuvent pas modifier.… Lire la suite