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La reformatio in pejus en cas d’annulation et de renvoi selon l’art. 409 CPP

ATF 149 IV 284 | TF, 18.04.2023, 6B_75/2023*

L’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas dans la procédure de renvoi, lorsque sur appel du prévenu, la juridiction d’appel annule le jugement du tribunal de première instance et lui renvoie la cause pour nouveau jugement (art. 409 CPP), avant même de notifier la déclaration d’appel aux autres parties. 

Faits

Un individu fait l’objet d’une procédure pénale notamment pour incendie volontaire, menaces multiples et lésions corporelles simples.

Il est acquitté de certains chefs d’accusation, mais condamné par le Bezirksgericht de Zofingue à une peine privative de liberté de 18 mois.

Sur appel du prévenu, l’Obergericht du canton d’Argovie annule le jugement en raison de vices importants (art. 409 CPP) et renvoie l’affaire au Bezirksgericht, avant même de notifier la déclaration d’appel aux autres parties.

À l’issue de la procédure de renvoi, le prévenu est condamné par le Bezirksgericht pour des chefs d’accusation dont il a été acquitté auparavant, et sa peine est augmentée à 22 mois avec sursis. Il interjette donc appel contre ce nouveau jugement. Le ministère public forme un appel joint et requiert une augmentation de la peine.

L’Obergericht admet partiellement l’appel du prévenu, rejette celui du ministère public, et maintient l’aggravation de la peine par rapport au premier jugement de première instance.… Lire la suite

La prolongation d’une mesure de surveillance secrète

ATF 149 IV 35 | TF, 29.11.2022, 1B_282/2022*

En matière de mesures de surveillance secrètes, le ministère public doit déposer une demande de prolongation motivée avant l’expiration de la durée autorisée (art. 274 al. 5 CPP). Lorsqu’une demande de prolongation est déposée tardivement, les données enregistrées entre la fin de la durée de surveillance autorisée par le tribunal des mesures de contrainte et la réception de la demande de prolongation par le tribunal des mesures de contrainte sont inexploitables. 

Faits

En automne 2017, le Ministère public du canton de Genève ouvre une instruction contre quatre membres d’une même famille pour soupçon de traite d’êtres humains (art. 182 CP). Il leur est reproché d’exploiter leur personnel de maison.

Afin d’évaluer les conditions de traitement du personnel, le Ministère public ordonne la pose de caméras à l’extérieur de l’habitation, de telle façon que les allées et venues des employés ainsi que leur liberté de mouvement puissent être observées (art. 280 let. b CPP).

Par ordonnance du 17 novembre 2017, le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) autorise cette mesure technique de surveillance secrète jusqu’au 20 février 2018.

Le 21 février 2018, soit un jour après l’expiration de la durée autorisée par le TMC, le Ministère public requiert une nouvelle fois la prolongation de la mesure secrète.… Lire la suite

Affaire Petrobras : la légalité de la créance compensatrice ordonnée à l’encontre de l’intermédiaire (2/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Le juge ordonne, en principe, une confiscation (art. 70 CP), respectivement une créance compensatrice (art. 71 CP) à l’encontre de la personne physique ou morale qui a perçu le produit d’une activité délictuelle. Si une société perçoit ce produit, un Durchgriff sur l’actionnaire unique est possible s’il existe une identité économique entre eux et si l’invocation de l’indépendance juridique de la personne morale paraît abusive. En revanche, le seul fait que l’actionnaire détienne la société ne suffit pas.

Le produit délictueux reste à recouvrer auprès de la société ayant perçu ce montant, même en présence de dépenses effectuées avec des valeurs mélangées, tant que ces dépenses n’excèdent pas la part légale disponible sur le compte (théorie résiduelle ou Bodensatztheorie).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras. Aux termes des négociations, la société Petrobras attribue les contrats auxdites sociétés mandantes.

En 2015, la société Petrobras découvre que, au cours des négociations d’un des contrats, certains de ses directeurs ont perçu des pots-de-vin. Elle résilie alors ledit contrat.… Lire la suite

Appel de marge et réalisation des actifs par la banque

TF, 24.01.2021, 6B_1381/2021

Une banque ne commet pas de gestion déloyale en reprenant pour son compte et à un prix inférieur au marché les positions d’un client n’ayant pas satisfait aux besoins en marge fixés préalablement dans un contrat execution only de négoce d’options et de futures. 

Faits

En 2015, un client conclut avec sa banque un contrat execution only de négoce d’options et de futures. Le contrat oblige le client à surveiller en permanence son compte afin de respecter les besoins en marge de la banque. Ceux-ci sont fixés par la banque en fonction du risque généré par la transaction ou de la stratégie envisagée par le client. Si les besoins en marge ne sont pas satisfaits, la banque peut réaliser les positions à sa libre appréciation, même à un prix défavorable.

En 2018, la banque informe le client d’une augmentation de ses besoins en marge et de la nécessité de fournir immédiatement des fonds supplémentaires (appel de marge). Le client n’ayant pas répondu, la banque réalise les positions du client en les reprenant dans ses livres et lui transmet une confirmation de transactions. Ce document indique que les positions ont été réalisées sur le marché boursier, mais ne mentionne pas qu’elles ont été reprises par la banque.… Lire la suite

Le séquestre et la réalisation anticipée de cryptoactifs

ATF 148 IV 74 | TF, 18.10.2021, 1B_59/2021*

Lorsqu’il est prévisible que les modalités d’une réalisation anticipée auront une influence sur son résultat, l’autorité pénale est tenue de prendre des mesures pour obtenir un produit aussi élevé que possible et ainsi préserver les intérêts de l’État et du prévenu. Si elle ne dispose pas des connaissances nécessaires à cet effet, elle doit faire appel à un expert. 

Faits

Dans le cadre d’une instruction pénale pour blanchiment d’argent, le Ministère public du canton de Zurich séquestre les cryptoactifs que détient le prévenu sur un compte auprès d’une société.

Un an plus tard, le Ministère public ordonne à cette même société de transférer les cryptoactifs séquestrés du prévenu sur le compte du Ministère public auprès d’une autre société. Celle-ci est chargée de convertir les avoirs en francs suisses et de transférer le produit de la vente sur le compte du Ministère public, en vue d’une confiscation du produit de la réalisation.

Le prévenu recourt contre cette ordonnance auprès de l’Obergericht de Zurich, qui le rejette. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si le procédé de réalisation anticipée des cryptoactifs séquestrés tel qu’envisagé par le Ministère public respecte l’art.Lire la suite